Comme le café Greco à Rome, le Pedrocchi à Padoue, le café de Flore à Paris, le café Central à Vienne, comme les pubs anglais, les estaminets bruxellois, les bars new yorkais, le café Florian à Venise est un passage incontournable.
A chaque table du Florian se tisse chaque jour le récit des menus incidents et événements formant la chronique sans cesse remise à jour. C’est ici qu’on refait le monde, c’est ici qu’on se gausse des politiciens et qu’on les assassine d’un trait d’esprit.
« Les cafés de Venise sont nés avec l’arrivée du breuvage du même nom, raconte Jean-Claude Deleuze, un Belge, amoureux de Venise et rencontré sous les arcades de la place Saint-Marc en cette fin d’année.
D’ailleurs, on a bu pour la première fois du café en Europe à Venise. C’est le 29 décembre 1720, que Floriano Francesconi, ami de tous les notables, a inauguré son célèbre établissement sous le nom de Venezia Trionfante. Les clients vont le rebaptiser rapidement par le nom de son propriétaire : caffè Florian. »
A l’extérieur, la terrasse sur la Place Saint-Marc, accueille un orchestre à la belle-saison
À l’intérieur, le café au charme délicat de bonbonnière se divise en six petits salons, tous plus beaux les uns que les autres : le salon des Saisons ou miroirs, décoré par Porta ; le salon ‘Liberty’, dont les miroirs et les voûtes sont peints ; le salon du Sénat, dans lequel sont exposées des œuvres d’art ; le salon Oriental et le salon Chinois, décorés tous les deux de motifs orientaux ; et enfin, le salon des Grands Hommes, qui tire son nom des portraits de célèbres Vénitiens réalisés par Giulio Carlini.
Des clients illustres
« Le Florian devint aussitôt la botega da caffè la plus célèbre de Venise dans laquelle se réunissaient les plus illustres personnages de l’époque, raconte encore le Belge. Doges, ambassadeurs, riches marchands mais aussi artistes, hommes de lettres et nobles italiens.
Casanova y avait ses habitudes puisque seul le Florian admettait les femmes….Casanova est d’ailleurs né pas loin d’ici et a réussi à s’évader de la prison encore plus proche du Florian que sa maison natale. Rousseau, Chateaubriand, Goëthe, Proust, Dickens, ou encore Modigliani sont quelques uns des noms les plus fameux à avoir siroté un café dans ses murs.»
Bref, le Florian est un lieu de rêverie. Au point d’entendre George Sand déclarer à Alfred de Musset, qui vient de la quitter: « En attendant, je tâche de reprendre goût au travail. Je fume des pipes de quarante toises de longueur. Je prends pour vingt-cinq mille francs de café par jour. Le café est indispensable à Venise. Les étrangers y tombent malades principalement parce qu’ils s’effrayent du régime nécessaire, qui consiste à prendre du café noir au moins six fois par jour. »
Mais c’était en 1834 !
« Pardons monsieur, lâche une dame en pantalon, que George Sand n’aurait pas reniée. J’ai entendu que vous parliez français. Je suis Albanaise, et c’est la première fois que je quitte mon pays. Nous allons à Paris, mais avant nous avons fait escale à Venise. Je tenais à prendre un café au Florian, que mon étoile préférée fréquentait. Georges Sand ? Non, Igor Stravinsky. Vous n’entendez pas L’oiseau de feu’ ? »
On vous le disait, le Florian, un endroit de rêveries, où il est possible de déguster un café, du moins en songe avec les plus grands.