En 1871, Jules Vernes publie « une ville flottante » dont le vrai héro était le paquebot à bord duquel il avait pris place en 1867 pour se rendre aux Etats-Unis. Construit à la base pour relier, sans approvisionnement en combustible, l’Angleterre à l’Australie, il mesurait 215 mètres de long pour 25 mètres de large et représentait un déplacement de 32.000 tonnes, ce qui en faisait le plus grand bateau de son époque.
Il était propulsé par 2 roues à aube de 17 mètres de diamètre, une hélice à 4 branches de 7,31 mètres et 6 mâts permettant de développer 7.000 m² de voiles… Les passagers se répartissaient en 3 classes : 800 en Première, 2.000 en Deuxième et 2.200 en Troisième…
Les Palaces flottants
À la fin du 19ème siècle, les paquebots se transforment en palaces flottants offrant un monde de rêve, de plaisir, de luxe, d’élégance et de confort à leurs riches clients, alors que, les émigrants s’agglutinent toujours dans la plus grande promiscuité sur les ponts inférieurs et que les soutiers qui doivent manipuler le charbon dans les cales et alimenter les chaudières travaillent dans une chaleur et un bruit d’enfer.
L’Etruria, de la compagnie Cunard, lancé en 1885, sera le dernier steamer muni de voiles d’appoint. La concurrence se fera bien sûr toujours sur le service à bord, mais surtout sur la vitesse, et l’apparition de la turbine sera déterminante.
Le Ruban Bleu
Le Ruban Bleu était un trophée récompensant le paquebot ayant effectué la traversée la plus rapide de l’Atlantique nord. Personne ne peut plus dire avec certitude quelle en était l’origine. Il est possible que ce ruban ait une relation avec l’ordre de la jarretière (boucle faite de velours bleu foncé et portant la devise de l’ordre en lettres d’or). Quoi qu’il en soit, il symbolise un record établi dans le sens est-ouest ou dans le sens ouest-est, au cours d’une seule traversée.
La vitesse des navires n’était pas calculée de quai à quai, mais bien entre 2 points reconnus par toutes les compagnies maritimes (par exemple pour le parcours Liverpool-New York, le Fastnet Point et le bateau-feu de Nantucket). C’est en 1868 que le 1er record sera établi par le Great Western. Avant la 1ère Guerre Mondiale, la traversée la plus rapide sera celle du Mauretania, avec, en 1907 un temps de 4 jours, 5 heures et 10 minutes dans le sens est-ouest.
Évolution du record :
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- Great Western 1839 15 jours et 12 heures
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- Cambria 1845 9 jours et 20 heures
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- Europa 1848 8 jours et 23 heures
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- Adriatic 1872 7 jours et 23 heures
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- Alaska 1883 6 jours et 23 heures
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- City of Paris 1889 5 jours et 23 heures
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- Lusitania 1907 4 jours et 19 heures
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- Normandie 1937 3 jours et 23 heures
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Le dernier paquebot à détenir le Ruban bleu est un paquebot américain, le United States, qui l’a décroché en 1952 en 3 jours et 12 heures.
Jusqu’à la 1ère guerre mondiale, le transport des passagers connaîtra un véritable âge d’or. Les grandes compagnies britanniques, allemandes, françaises et néerlandaises se livrent une concurrence acharnée dans l’Atlantique nord.
La Cunard aligne le Lusitania et le Mauretania (35.000 tonnes), détenteurs du Ruban bleu, la White Star alignait elle l’Olympic (45.000 tonnes) alors que la Hamburg Amerika Line armait l’Imperator et le Vaterland, 2 paquebots de plus de 50.000 tonnes et leur fera construire un sistership (un bateau jumeau), le Bismark, en 1914.
La 1ère guerre mondiale verra une hécatombe de paquebots, surtout britanniques et français, et le Lusitania, torpillé le 7 mai 1915, au large de Kinsale (Irlande), par le sous-marin allemand U20, en sera la plus illustre victime. Il coulera en 20 minutes et fera 1.198 victimes.
L’entre-deux-guerres sera probablement l’époque la plus faste pour les paquebots de ligne et plus d’un millier d’entre eux navigueront sur toutes les mers du monde. La Grande Bretagne armera des colosses de plus de 80.000 tonnes et 300 mètres de long tels les Queen Elisabeth et le Queen Mary, alors que l’Allemagne aura les prestigieux Bremen et Europa de plus de 50.000 tonnes et l’Italie les Rex et Conte di Savoia.
Les magnifiques Nieuw Amsterdam, Statendam et Rotterdam feront la fierté des Pays Bas alors que, pour la France, la Compagnie Générale Transatlantique alignera le Paris, l’Île de France et surtout le Normandie, de véritables vitrines de l’art de l’époque.
La Seconde Guerre mondiale
fera elle aussi son lot de victimes parmi les grands paquebots, et ceux qui survivent en 1945 sont usés et ont besoin d’une sérieuse rénovation. Pourtant, les lignes rouvrent les navires rescapés reprennent du service.
De nouveau paquebots entreront en service durant les années ’50 et ’60 et l’on découvrira :
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- Les splendides Michelangelo, Raffaello et Cristofo Colombo, Léonardo da Vinci et Andrea Doria de la compagnie Italia
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- Le France sous le pavillon de la Compagnie Générale Transatlantique
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- Le Queen Elisabeth 2 par qui la Cunard remplacera les Queen Mary et Queen Elisabeth.
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Les Etats-Unis construiront le United States qui restera détenteur du Ruban bleu jusque dans les années ’90, alors que la Holland America Line mettra en ligne les magnifiques Statendam et Rotterdam.
Pourtant, cet engouement ne sera qu’éphémère, car les avions, tout d’abord à hélice, et ensuite à turboréacteurs mèneront une concurrence acharnée, et sans espoir de victoire, aux paquebots de ligne. La seule solution, pour ceux qui ne partiront pas à la ferraille, sera de transformer leur inconvénient en un avantage en se reconvertissant dans les croisières. En 1965, on ne construit pratiquement plus de paquebots. Ils deviennent une espèce en voie de quasi-disparition.
Au début des années ’80
le phénomène s’inverse, et une reprise s’amorce. Le concept de « vacances en bateau » commence à émerger et, en quelques années, des compagnies telles l’américaine Carnival Cruise Line fera construire non moins de 10 paquebots de croisière, dont 8 de jaugeant plus de 70.000 tonnes (la classe Fantasy). Suivront les armateurs norvégiens de Royal Caribbean Cruise Line (7 navires de plus de 70.000 tonnes de la classe Sovereign), de Norwegian Cruise Line, de Costa, de P&O, de Cunard, d’Holland America Line et de Chandris qui, tous, participeront à cette expansion.
À cette époque-là, les experts pensaient que 80.000 tonnes et/ou 300 mètres de long seraient une limite impossible à dépasser. Ils se trompaient… et aujourd’hui, près d’une soixantaine de paquebots de plus de 100.000 tonnes naviguent, dont le Queen Mary 2 (142.000 tonnes et 345 mètres) ou la série Oasis de Royal Caribbean (223.000 tonnes et 360 mètres).
Plusieurs projets dépassant les 200.000 tonnes sont en construction dans les chantiers, mais, ces « nouveaux paquebots » seront bien différents de leurs ancêtres. Dotés de très hautes superstructures, ils proposent une grande majorité de cabines avec balcons, arborent une cheminée à l’arrière, très souvent entourée d’un restaurant ou d’une discothèque panoramique, et disposent d’une propulsion diesel-électrique.
La décoration intérieure, le plus souvent inspirée de celle des casinos hôtels de Las Vegas, fait la part belle à la lumière avec un atrium sur plusieurs niveaux, avec des ascenseurs vitrés, des salles de spectacle et de congrès, des centres de remise en forme et un grand nombre de restaurants et de boutiques.
NDLR : Ce que l’auteur de cette « histoire de la croisière » ne dit pas, c’est que des bateaux plus petits, de 160 à 300 passagers, tels que ceux mis en mer par Ponant, rencontrent un succès croissant, pour des croisières « de niche », vers des destinations moins abordables aux grands navires, comme l’Antarctique, les fjords norvégiens ou la mer de Bering…
Merci à « Monsieur Croisières » pour cette passionnante histoire !