L’Inde interpelle, elle fascine d’emblée et pourtant elle effraie. Démographie galopante, gestion chaotique des détritus, pauvreté omniprésente, anarchie du trafic, droit des femmes, etc… Il existe un compromis pour ceux qui hésitent à se jeter dans l’inconnu.Suite et fin de notre périple…
Jour 4, Kolhapur
Près de 750 km nous séparent de la prochaine étape, de quoi profiter du confort du train, s’installer au salon ou au bar, les yeux rivés sur le paysage qui défile d’une gare à l’autre. Nous filons vers le Sud cette fois et comme les hasards de la circulation ferroviaire nocturne ont permis d’arriver à 9h au lieu de 11h, plusieurs en profitent pour s’offrir une petite escapade autonome dans le quartier proche de la gare.
Pour fuir l’avenue bruyante avec son lot de motos et de voitures que rien ne semble arrêter, on prend une rue perpendiculaire et quelle surprise, on se retrouve dans un arrière-pays de maisonnettes qui n’ont sans doute pas toutes accès à l’eau puisqu’un robinet installé à un embranchement permet aux femmes d’y remplir un seau ou d’y faire la lessive. La route devient très vite un chemin de terre qui s’égare et débouche sur une cour recouverte de paille séchée où ruminent paisiblement une demi-douzaine de vaches arborant d’imposantes cornes peintes en rouge.
Un veau, des pique-bœufs immaculés, des poules et aux alentours, un quartier de maisons basses derrière lesquelles se hérissent des échafaudages en bambou qui racontent la construction de hauts édifices modernes. En poursuivant notre flânerie, on découvre des ateliers de recyclage de papiers, des petits garages de réparations de pneus, une banque, une école et des resto-trottoirs aux odeurs épicées. Des adolescentes réclament un selfie auquel on se prête bien volontiers et l’on comprend en les voyant se découvrir le visage qu’elles se protègent du soleil pour conserver une peau claire.
L’après-midi nous découvrons la ville, capitale d’une principauté marathe fondée au 17ème siècle par Shivaji Maharaj, un bâtisseur national au Maharashtra, un des plus grands états de l’Inde. Nous plongeons dans le monde fascinant des maharajas en visitant le New Palace reconstruit au lendemain d’un incendie dans un style qui mélange les architectures hindoues, musulmanes et victoriennes.
Il sert encore de résidence aux descendants des maharajas et recèle dans un musée quelque peu poussiéreux une impressionnante collection d’objets aussi divers que des photos de chasse, des selles d’éléphants, des bijoux, des armes historiques ou des trophées de chasse empaillés.
La ville abrite également un temple du 8ème siècle dédié à Mahalakshmi, une déesse à 4 bras en pierre noire et vêtue d’un sari, surmontée par un cobra et ornée de pierres précieuses.
Cette idole est encore vénérée au point que la visite y est réglementée en imposant une file de pèlerins qui n’ont que quelques secondes pour se recueillir devant la statue. Le temple est au cœur d’une enceinte à 4 entrées où de petites échoppes vendent des offrandes diverses. Un vaste espace est réservé au Mardani Khel, une lutte traditionnelle dont les mouvements sont stylisés même si les participants manipulent encore des armes comme des épées à longue lame, des poignards ou des bâtons de bambou. Un spectacle qui s’exerce devant nos yeux ébahis de découvrir des enfants déjà initiés à ce sport qui fait la gloire de Kolhapur.
Jour 5, Goa
Changement d’ambiance au fil du voyage. En descendant vers la côte, les paysages se nappent de brume aux premières lueurs du jour, des petites maisons se nichent sous les cocotiers ou les palmiers et la proximité des embouchures de deux importantes rivières se devinent aux mangroves que longe le rail. Panaji, une des plus petites capitales du pays est plaisante et atypique.
Il faut savoir que Goa est restée sous domination portugaise de 1510 à 1961, une tutelle dont les traces sont encore bien visibles dans les façades colorées des maisons coloniales comme dans le quartier Fontainhas avec ses venelles pavées bordées de maisons aux couleurs pastel.
Old Goa, l’ancienne capitale abandonnée au 18ème siècle suite à une épidémie de choléra reste un quartier historique reconnu par le patrimoine mondial de l’Unesco, notamment pour la basilique baroque de Bom Jesus construite par les jésuites en latérite rouge et l’imposante cathédrale blanche Sainte-Catherine, la plus grande de toute l’Asie.
Une excursion à l’intérieur des terres permet de découvrir un pays verdoyant de rizières et de plantations de manguiers et d’anacardiers qui donnent les noix de cajou. D’anciens manoirs se laissent visiter comme le palacio do Deão au cœur du village de Quepen.
Cette demeure historique d’un ancien ecclésiastique du 18ème est restaurée à l’identique avec ses fenêtres garnies de carreaux d’huîtres, ses pièces aux belles charpentes ornées de meubles anciens, d’objets insolites et de collections de timbres. Un léger courant d’air soulève les rideaux en lin blanc qui semblent vouloir s’évader vers un agréable jardin animé par une fontaine. Tout raconte une histoire paisible révolue qui paraît si peu indienne.
Jour 6, Sawantwadi
Dernière étape avant le retour à Mumbai. La petite ville de Sawantwadi s’étire au bord d’un lac qui porte le joli nom de lac de perles. Après une découverte des ruelles entre les échoppes d’objets en bois, une spécialité de la région et les étals colorés du marché couvert, on se plonge une fois encore dans le monde des maharajas, ces rois qui se partageaient le pays.
Partout en Inde, les autorités britanniques les ont obligés à renoncer à frapper leur monnaie, à prélever des taxes et à promulguer des lois.
En échange de la paix que leur offrait l’autorité coloniale et de la perte de leur pouvoir, ils ont reçu une liste civile abandonnée ensuite par Indira Gandhi qui les a incités à exploiter leurs biens que ce soit en vendant leurs terres, en transformant leurs palais en musée ou en hôtel, en investissant dans les studios de Bollywood, etc…
Le palais Sawantwadi abrite encore les descendants d’une famille royale qui ont choisi d’ouvrir leur demeure aux visiteurs afin de partager avec eux leurs coutumes ancestrales.
Entre pièces décorées de meubles et d’objets anciens, murs recouverts de photographies en noir et blanc qui illustrent des pans entiers de l’histoire familiale, ateliers où des artisans remettent à l’honneur les techniques du travail de la laque, on est plongé dans la mise en valeur d’une richesse culturelle qui se poursuit ensuite autour d’un buffet servi dans la salle du trône sur deux longues tables ornées de feuilles de bananiers que des serveurs garnissent de cuisine indienne.
Retour au train où les souvenirs éblouis de notre voyage se multiplient encore quand chaque passager découvre sur son lit qui un sari aux couleurs chatoyantes qui un kurta, à savoir une longue chemise fendue sur le côté portée sur un pantalon large maintenu par un lacet noué à la taille. Pour ces dernières heures autour de tables festives, chacun revêtira sa nouvelle peau, trop heureux de se rêver prince d’un soir dans ce train de luxe.
Infos pratiques
Le Deccan qui a donné son nom au train bleu est un plateau triangulaire de granit et de basalte qui couvre l’essentiel de l’Inde péninsulaire. Drainé par de nombreux cours d’eaux, il a tout d’un vaste jardin luxuriant qui fait vivre une population particulièrement dense même dans l’arrière-pays.
Mumbai, capitale du Maharashtra, est le point de départ et d’arrivée de cette croisière ferroviaire, une invitation à y consacrer au moins deux jours de visite en fin de parcours, après avoir appris à appréhender les coutumes de ce pays grâce aux nombreuses anecdotes partagées par les excellents guides qui accompagnent la croisière et vous aident à décoder leur culture.
Le plus grand intérêt de cette formule de voyage est la rapidité avec laquelle le train circule d’une étape à l’autre et même s’il doit parfois laisser passer des trains de ligne, il respecte toujours son programme. Loin des klaxons et des bruits de moteur qui pétaradent sur les routes, le train détend, permet les échanges entre passagers et n’oblige pas à boucler les valises pour changer d’hôtels. Un must. www.deccanodyssey.com Ce train a gagné le titre de meilleur train de luxe en Asie aux World Travel Awards 2017.
Quand y aller : de septembre à avril, en dehors de la mousson
Vendu en Belgique par www.crewagency.be (Catherine Robert) et en Inde par l’agence www.coxandkings.com.