C’était il y a un an, juste avant que tout s’arrête dans le monde du voyage. Nous aurions dû être une bonne quarantaine à réaliser cette croisière mais déjà la crainte d’une pandémie avait enchaîné son lot d’annulations. Toutefois All Ways a maintenu la croisière pour les plus «aventureux», une dizaine et bien nous en a pris.
Intimité et sécurité nous ont accompagnés tout au long du voyage d’autant qu’à cette date les berges retirées du fleuve n’étaient pas (encore) touchées par la Covid 19. On vous invite à remonter avec nous en 3 épisodes le cours de ce fleuve mythique au fil d’escales qui offrent une perspective unique ou comment apprendre à décoder ce pays aux facettes tellement éloignées de notre culture occidentale.
Remonter le temps
Peu de grandes villes au fil de notre croisière mais des lieux chargés d’histoire. Les pieds dans l’océan et la tête en Himalaya, le Bengale, resté à l’écart des circuits touristiques, est une longue plaine qui a vu s’épanouir des royaumes bouddhistes, hindous et musulmans qui ont vécu soit à l’écart du reste du pays, soit en symbiose avec lui, mais en gardant toujours leurs particularités régionales.
Au début du XIVe siècle, l’unification du Bengale sous la houlette de quelques monarques musulmans, voit l’expansion de la langue et de la culture bengalies sur un vaste territoire correspondant aux actuels Bengale occidental en Inde et Bangladesh. Avant d’être déstabilisé par l’arrivée des Européens au XVIIe siècle, le pays, riche et très peuplé, connaît un grand développement artistique et architectural dont témoigne aujourd’hui son patrimoine méconnu.
Calcutta découverte sous la pluie nous a offert un visage peu attractif : des enfilades de bâtisses décrépies et noircies par la mousson, même les hautes maisons coloniales se délabrent faute d’entretien. Une densité de population sur les routes et sur les trottoirs racontent une énergie vivace que nous découvrirons avec plus de plaisir à notre retour quand le bateau traversera la ville à l’heure où les lampions s’allument de part et d’autre du fleuve, illuminant la frénésie de vivre des habitants tout en occultant la décrépitude architecturale.
Plus petite et plus chatoyante sous le soleil, Chandernagor, ancien comptoir commercial construit par les Français au 17ème siècle, a conservé un patrimoine qui a également souffert d’abandon mais en passe d’être restauré.
C’est le cas avec l’église du Sacré-Cœur de Jésus cernée par un jardin arboré et fleuri, toute en couleurs vives jaunes et vertes à l’extérieur, rose et pistache à l’intérieur, avec des bois sculptés peints et des tableaux aux représentations naïves.
La promenade sur le Strand, cette longue allée piétonne aménagée en gradins le long du fleuve permet de repérer d’anciennes bâtisses coloniales : le grand hôtel devenu cour de justice, le palais du gouverneur transformé en musée quelque peu poussiéreux mais à l’image des témoignages qu’il offre de cette période dévolue et quelques belles demeures de riches négociants.
Murshidabad, plus en amont, nous offre notre dernière découverte architecturale, le Palais Hazarduari surnommé des 1000 portes construit en 1827 pour le Nawab Nazim Humayun Jah. Un Nawab n’est autre qu’un Maharajah dans sa version musulmane tandis que le second est hindou.
Cette énorme bâtisse de style néo-classique ne compterait que 800 portes, les 200 autres étant fausses ! Sa visite qui ne permet pas de découvrir l’ensemble du site n’en est pas moins intéressante avec une remarquable collection d’antiquités des 18ème et 19èmesiècles.
La salle du trône est surmontée d’un dôme haut de 247 mètres et entièrement décoré de stucs peints à la française avec toutefois une thématique de lotus et de vignes plus musulmane. Un chandelier de Venise de 96 lampes ajoute à la magnificence des lieux d’autant que le trône est en argent ciselé. Des temples méconnus dans nos guides livresques vont s’ouvrir à nous devant nos yeux émerveillés.
A Kalna, le Naba Kailash construit par le Maharajah Teja Chandra Bahadur en 1829 aligne sur deux cercles concentriques 108 temples tous dédiés à Shiva, 74 dans l’enceinte extérieure et 34 dans l’intérieure.
Chaque temple s’ouvre sur un lingam, un phallus en marbre blanc ou noir, symbole de fertilité toujours dirigé vers le Nord et surmonté de quelques œillets d’Inde laissés là par les fidèles. On devine encore sur les murs extérieurs des gravures de feuilles de lotus, qui jadis étaient recouvertes de feuilles d’or.
En face, au sein d’un vaste complexe archéologique, le Rajbari Complex, plusieurs temples, certains en ruines d’autres en restauration, permettent de découvrir des sanctuaires bengalis en briques décorés de terracottas qui racontent entre autres le Ramayana, une des épopées fondatrices de la religion hindouiste.
On apprend à décoder les divinités traditionnelles hindoues au fil des statuettes d’animaux qui recouvrent la toiture d’un temple : le singe Hanuna, le poisson Vishnu, l’éléphant Ganesh, le cobra Shiva, la lionne Durga, le crocodile pour le Gange…
On retrouvera dans une version plus humble mais plus émouvante sans doute dans le village de Baranagar 4 temples de Char Bangla édifiés en 1760 par la reine de Nator en l’honneur de Shiva. Ils cernent une petite cour et s’ouvrent chacun par 3 arches qui abritent 3 lingams en marbre noir. Un temple restauré offre une superbe façade en terracotta délicatement sculptée de petits personnages et animaux mythiques racontant entre autres le destin de Krichna mais aussi la vie quotidienne de l’époque.
Comme au début du XIVe siècle, l’unification du Bengale s’est réalisée sous la houlette de quelques monarques musulmans, ceux-ci ont laissé aussi leur héritage patrimonial. A Bandel, au bord du fleuve se dressent les deux tours imposantes du Hooghly Imambara construit au 19ème siècle grâce à la donation d’un riche musulman.
Le site abrite une école coranique qui accueille une quarantaine de jeunes garçons et une mosquée toujours active où les chandeliers de Venise et le sol en marbre de Carrare paraissent incongrus tant les lieux semblent peu entretenus. Seules les deux tours d’une blancheur immaculée qui encadrent une immense horloge ont été récemment restaurés.
Autre site musulman plus ancien édifié à Murshidabad, la Katra Masjid, un ancien caravansérail et une mosquée aujourd’hui en ruines à l’exception de deux tours rondes. Construite en 1723 par le Nawab Murshidkuli Khan quand il transféra sa capitale à Murshidabad, elle abrite son tombeau.
A lire ou relire : Une croisière au fil du Gange (1/3)
All Ways et Rivages du Monde se sont associés pour proposer cette croisière exceptionnelle au fil du Gange sur le R/V Bengal Ganga avec en prolongation incluses deux nuits à Varanasi, ex-Bénarès, une ville intemporelle sur ce fleuve sacré. Cette croisière rythmée chaque jour par une escale de 2 ou 3 heures permet de s’immerger dans une Inde hors des sentiers battus, à la fois par les découvertes de la vie sur les berges et celles des richesses culturelles du Bengale Occidental. Une croisière très confortable dans un bateau de style colonial chargé d’âme, grâce au nombre réduit de cabines, au service de qualité du staff et à la formule all inclusive à l’exception des boissons alcoolisées et du spa. Il faut ajouter le plaisir de la table en formule buffet au petit déjeuner et au déjeuner et sur base d’un menu pour le dîner avec toujours le choix entre des plats préparés à l’occidentale et d’autres aux délicieuses saveurs indiennes pas trop épicées pour nos palais peu habitués. Des activités sont également proposées : conférences, cinéma, cours de yoga, initiation à la gastronomie indienne, spectacle de danses… Un voyage tout en sérénité et en sécurité à revivre sans doute en 2022 … www.all-ways.be |