Quand on traverse la France, on ne pense pas toujours combien l’Histoire et le savoir-faire font partie de la route des vacances. Ainsi Cognac, célébrissime pour son alcool à 40°, continue de couler des jours étonnamment tranquilles, le long de la Charente et à l’ombre d’un château pourtant royal. Sur la route du sud-ouest, direction Bordeaux, les Landes ou les Pyrénées, on s’y attarde peu sauf à s’arrêter rapidement dans une maison de négoce pour ramener quelques fioles. Le 5 étoiles Hôtel Chais Monet & Spa, son restaurant étoilé Michelin et sa façon de célébrer la ville pourraient changer la donne.
Plus qu’une étape
Toutes les villes de France ont une histoire. Cognac, pourtant peu visitée, même par les Français, fut d’abord un chemin de traverse de la route du sel avant de devenir une cité seigneuriale puis accessoirement royale et, enfin, le berceau d’une eau-de-vie de vin à la renommée internationale. La cité a vu passer ou s’affronter des noms aussi évocateurs que Richard Cœur de Lion, Jean Sans Terre ou le Prince Noir avant que le roi François 1er y insuffle les idées de la Renaissance et un certain goût pour les arts et les lettres. Ensuite, parce que son vin souffrait de la concurrence des vignobles bordelais, la région s’est lancée dans la production puis la commercialisation de ce qui est aujourd’hui le plus célèbre des spiritueux de France – inscrit au Patrimoine culturel immatériel français depuis 2020.
De l’histoire
Le château de Cognac, une ancienne fortification qui abrita plusieurs dynasties de seigneurs, fut agrandi par François 1er avant de tomber en ruine, de servir de prison puis de devenir une maison de négoce. Erigé face à la Charente, pour défendre la précieuse voie de communication, il est la porte d’entrée de la petite cité de moins de 20.000 habitants dont les quartiers historiques, sur la rive gauche du fleuve, conservent un certain patrimoine culturel.
Fortifiée pour faire face à de nombreuses batailles, frondes et sièges en tout genre, dont la Guerre de Cent Ans ne fut pas le plus banal épisode, Cognac conserve quelques vestiges de remparts qui confèrent à la vieille ville une ambiance feutrée. Les pavés de la rue Grande, les arcades à boutiques de la Place d’Armes où continue de se tenir un marché couvert et les façades à colombages, pierre de taille au rez pour contrer l’humidité du fleuve voisin et décorations en bois aux étages, rappellent un imposant passé de commerce. Le centre perpétue une histoire de gourmandises avec des boutiques, des bars et des restaurants qui, en saison, posent leurs tables sur la chaussée.
Evidemment, on vend du cognac à tous les coins de rue. Les murs et les toits noircis des bâtisses rappellent d’ailleurs le trésor qui fait vivre une bonne partie de la région – résidu du processus d’évaporation de l’eau-de-vie pendant sa maturation en fût de chêne habité par un champignon microscopique, cette suie alcoolisée est joliment appelée la part des anges.
De la culture
Labellisée « Ville d’art et d’histoire », Cognac est également une terre d’espaces verts. Les Cognaçais et les Cognaçaises sont fiers de leur jardin public à l’anglaise – parcs, allées boisées, fontaines et cascades, roseraie cernent l’hôtel de ville sur 7 hectares, abritent le Musée d’art et d’histoire et sont le théâtre de nombreuses manifestations festives et culturelles. C’est, entre autres lieux, là que se déroule le Festival Cognac Blues Passion convoité par des artistes internationaux – Ben Harper s’y produisait lors de notre visite. Plus haut dans la ville, le Parc François 1er s’étale sur 43 hectares jusqu’au fleuve. On raconte que François 1er y est né sous un orme champêtre – le souverain, figure illustre de la ville à laquelle il apporta son rayonnement culturel, est omniprésent, statue, rue, parc, place.
A voir
Emblématique de la place de la culture dans la vie de la petite cité, la Fondation d’entreprise Martell est le phare artistique de la région où se mêlent création, expérimentation et expositions. L’ancienne usine de mise en bouteilles du cognac Martell vieux de trois siècles est devenu un lieu de rencontres pour les artistes et les artisans locaux et internationaux qui travaillent ensemble en mêlant l’art et le savoir-faire. Jusqu’au 6 novembre 2022, l’exposition collective La fin est dans le commencement et cependant on continue confond des créateurs de tous les horizons autour de l’idée de la perception. Un designer, une danseuse, un plasticien, une créatrice textile, un botaniste, un artiste sonore et des artisans de la région ont créé sur place, sur 3.200m2, et cela mérite aussi la visite. Les 400m2 du bar Indigo, juché sur les toits de la Fondation, offrent une vue incroyable sur la ville.
En 2CV dans les vignes
De nombreuses manifestations ponctuent la vie de la petite cité charentaise. La Fête du cognac, en juillet, sur le port de plaisance. Nuits blanches en pays jaune, un rallye sons et lumières en Grande Champagne, tout l’été. Festi Classique, la rencontre de la musique classique et du cognac, jusqu’au 22 septembre. Coup de chauffe, spectacles de rue dans la ville, du 2 au 10 septembre. Les célèbres Festival Polar, en octobre, et Festival Littératures européennes en novembre. Notre séjour fur trop bref pour baliser l’offre plutôt bien étoffée de la destination, mais le site Destination Cognac répertorie soigneusement tous les événements.
Nichée au milieu d’un immense vignoble qui s’étend jusqu’à l’océan Atlantique, Cognac vaut aussi pour sa région. A vélo ou en 2CV, dans les vignes ou le long des quais, guidées par les adresses des chais ou au gré des camps et des prairies, les balades et randonnées sont nombreuses. Jusqu’à Jarnac, la cité de Mitterrand, et au-delà, les itinéraires sillonnent entre les champs, jusqu’à de petits villages discrets, belles demeures, abbayes, chais et chemins de traverse.
Spiritourisme
On peut aussi parcourir la voie navigable en bateau, en péniche, en kayak ou même en gabarre – cette embarcation à fond plat imaginée pour le transport du sel et qui, au 19ème siècle, descendait le fleuve jusqu’à l’Atlantique pour rejoindre les routes internationales. Mais, si l’eau de la Charente donne une allure bucolique à la petite cité méconnue, et donc exempte du tourisme de masse qui abîme le littoral pas loin, c’est son eau-de-vie qui fait son succès à l’international.
On l’a laissé se déguster dans des verres ballon, tenu par des hommes lovés dans de larges fauteuils de cuir Chesterfield, cigare dans l’autre main, devisant des affaires du monde et des dix années de soins pour obtenir un cognac XO, devant un feu de cheminée, porte fermée aux non-initiés. On le retrouve star internationale des spiritueux et boisson fétiche des jeunes cools. Depuis quelques années, les ventes de cognac s’envolent – avec une hausse spectaculaire en 2021.
Les grandes maisons l’ont compris, qui ont créé le spiritourisme en ouvrant leurs portes et en mettant en scène les coulisses de la fabrication de leur breuvage. La visite des chais d’une grande marque, même lorsqu’on ne boit pas, est donc intéressante pour comprendre comment la tradition est conjuguée à la modernité. Ici, la Maison Hennessy, la plus importante réserve de cognac au monde avec plus de 470.000 barriques, raconte l’épopée de son eau-de-vie doublement distillée, entre savoir-faire et ingéniosité, des caves à la salle de dégustation. Et c’est toute l’histoire de l’or brun de la Charente qui défile.
De la cour royale à la scène du rap
Ainsi, aujourd’hui, même les spécialistes dénigrent ce bon vieux ballon qui noie les subtilités du breuvage. On sert celui-ci dans des tas de verres différents et de toutes les façons. Sec, bien sûr, mais aussi sur glaçons, allongé à l’eau gazeuse ou à la limonade, en cocktail avec du cidre, du sirop d’érable, de la bière, du champagne, d’autres spiritueux comme du Cointreau. Chez les gangstas, les rappeurs qui ont redonné une nouvelle vie à la boisson à l’aube du millénaire (on évalue à 30% l’augmentation des ventes à la suite d’un concert de Puff Daddy débarqué sur scène avec un verre de cognac), on l’aime en shot, en long drink ou additionné de boisson énergisante. Ces stars, certaines désormais associés à des maisons françaises, ont dépoussiéré le côté sage et bourgeoisie de province de la boisson. Des directeurs artistiques président désormais aux destinées des contenants – jusqu’au flacon recouvert de caoutchouc rose fuchsia – et convoquent des artistes du monde entier pour personnaliser le yak -surnom américain du breuvage à nouveau hyper tendance. Décrochant des associations avec des pointures comme le peintre Zhang Enli et l’architecte Franck Gehry. Où l’on comprend que cette succes story relève d’une incroyable leçon de marketing avant l’heure – puisque c’est un valeureux soldat de Louis XV qui expédia les premiers futs aux Amériques et en Chine.
Maintenant que le breuvage est connu dans le monde entier, il est temps de découvrir le territoire de sa zone d’appellation contrôlée. Cognac vaut plus qu’une étape.
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PRATIQUE
Etape, destination ou dégustation, Cognac est accessible en train au prix de plusieurs changements, en avion avec une arrivée à Bordeaux et un transfert organisé par l’hôtel ou en voiture pour pouvoir profiter de la région ou continuer son voyage vers le sud. Le site officiel tourism-cognac.com est bien articulé et propose à peu près toutes les activités possibles et un agenda tenu à jour.
L’hôtel Chais Monnet & Spa, est l’unique 5 étoiles de Cognac et Les Foudres le seul restaurant étoilé. Membre de The Leading Hotels of the World, l’établissement propose régulièrement, et notamment pendant les vacances ou les week-ends, des forfaits nuitée/petit-déjeuner et différentes options : dîner étoilé, activité, soin, accueil VIP, surclassement. Une belle adresse haut de gamme à proposer sur un itinéraire de vacances ou pour du pur tourisme hexagonal. Hôtel Chais Monnet & Spa, 50 avenue Paul Firino Martell, 16100 Cognac, Tél 33.5.17.22.32.23 chaismonnethotel.com
La Fondation d’entreprise Martell est l’autre place to be de Cognac. L’ancienne usine fourmille de bonnes idées, comme les expos du rez de chaussée et sa terrasse panoramique sur les toits qui abrite le bar Indigo. fondationdentreprisemartell.com