Parmi les nombreux points communs qui existent entre la Belgique et la Tunisie, l’incapacité à constituer un gouvernement au sortir des élections législatives n’est sûrement pas le moindre.
Trois mois après leur tenue, le scrutin suivant lui-même l’élection d’un nouveau Président de la République, un premier cabinet formé sous la houlette du parti islamo-conservateur Ennahdha a été nettement rejeté par les députés le 10 janvier. Et c’est vers Elyes Fakhfakh que la Présidence s’est tournée cette fois pour lui confier la difficile mission de rassembler une majorité qui soit capable d’obtenir la confiance de l’Assemblée des représentants du peuple et ce, petite différence avec la loi belge, endéans les 30 jours…
Elyes Fakhfakh n’a pas droit à l’erreur : en cas d’échec le dernier scénario envisagé par la Constitution, autre différence, est la dissolution de l’Assemblée et l’organisation de nouvelles élections législatives.
Un ingénieur diplomate
Ingénieur de formation, le nouveau Premier ministre était entré chez Total à l’âge de 27 ans, chargé de résoudre des problématiques techniques et organisationnels complexes dans des sites européens, américains et asiatiques, puis de la direction des opérations d’un nouveau site industriel de Total en Pologne, de 2004 à 2006, avant de devenir directeur général d’une société industrielle tunisienne spécialisée dans les composants automobiles, appartenant à un grand groupe hôtelier.
Ministre du Tourisme et ministre des Finances, Elyes Fakhfakh, a ensuite été ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de Ali Laarayedh.
Un homme d’expérience
Le parti Ettakatol, dont il est membre, est un nain politique et ne dispose d’ailleurs d’aucun élu à l’Assemblée, mais ce n’est pas forcément un handicap, estiment nombre d’observateurs. La formation est proche de l’idée qu’on peut se faire d’un parti social-démocrate, et son premier représentant est un homme modéré, d’un abord affable, avant tout pragmatique. On peut penser que ses talents de diplomate, mais aussi son expérience internationale ne sont pas étrangers à sa nomination à la tête de l’Exécutif tunisien.
Raison trop tôt ?
Le secteur touristique sera rassuré par la nomination de son ancien plus haut responsable : au moins connaît-il les dossiers et a-t-il des idées. Ainsi est-il à l’origine du « Forum sur une vision stratégique du Tourisme tunisien en 2016 » et de la Conférence internationale sur le Tourisme méditerranéen, organisée à Djerba par l’Organisation Mondiale du Tourisme, mais qui ne s’est plus jamais réunie. Elyes Fakhfakh, dès 2014, avait suggéré la création d’une sorte de « label méditerranéen » pour proposer conjointement des produits sur des marchés lointains et appelé à mobiliser les ressources dans le cadre d’un fonds euroméditerranéen pour le développement futur du tourisme.
Mais il disait aussi sa foi en l’open sky, qui permettra l’arrivée de nouvelles compagnies aériennes, et notamment des low cost, susceptible de redessiner l’offre touristique du pays. Et où le « tout balnéaire » commencera, progressivement, à céder le terrain à de nouvelles formes de tourisme, de plus grande qualité et génératrices d’une plus grande valeur.
Sur ce dernier point en tous cas, on n’a guère avancé… Mais n’est-ce pas le propre des grands hommes d’avoir raison trop tôt ?