Le moins que l’on puisse dire, c’est que les transporteurs aériens n’apprécient pas les dispositions européennes qui protègent les passagers contre leurs annulations, leurs retards et leurs surréservations.
Un problème de gros sous, comprenez des indemnités variables comprises entre 250 € et 600 € qu’ils doivent verser en cas de défaillance dans les cas prévus par le règlement CE n° 261/2004 du 11 février 2004. Alors, ils résistent : ne répondent pas aux doléances des passagers. Faire un procès est souvent la seule façon de faire respecter ses droits.
Dernière trouvaille, plus discrète, ils s’arrangent avec la réalité des faits. Ils trichent pour minimiser l’impact financier des dédommagements. Une des mesures les plus efficaces selon Keith Mason professeur de gestion du transport à l’université de Cranston : bricoler les horaires en allongeant la durée des vols.
Pour se donner une « marge de manœuvre. » Il n’y a pas de petites économies …
Prenons un exemple. À itinéraire identique, en 2017, 87 % vols British Airways ont été plus longs par rapport à l’année 2009. Les avions vont donc moins vite aujourd’hui qu’il y a 9 ans.
L’allongement du temps de vol a été créé pour donner l’impression que les passagers arrivent destination en temps. Un « délai de grâce » qui peut parfois atteindre 35 minutes. Cette manœuvre a même un double avantage. Elle permet d’améliorer les statistiques de ponctualité.
Pourtant, la plupart des transporteurs concernés par cette étude ont enregistré une baisse de ponctualité de 10 % depuis 2009. Une période où les avions volaient plus vite.
La langue de bois et la démagogie étant l’usage, certaines compagnies et non des moindres affirment que si leurs avions volent moins vite, c’est pour réduire leur consommation de carburant et que cela leur permettait de proposer des tarifs moins chers. Pas un mot sur les améliorations technologiques des avionneurs qui ont appris à réduire la consommation de leurs avions. Et pour illustrer cette démonstration d’altruisme, ils font désormais payer les bagages cabine.
Mais, soyons plus précis, l’enquête initiée par Which portait sur la comparaison de plans de vol fournis par AOG concernant 125 itinéraires opérés par plusieurs transporteurs anglais. Le résultat est sans appel : les temps de vol de 76 itinéraires ont été allongés. Soit 61 % des vols analysés.
Dont 87 % concernent des vols de British Airways, 82 % pour Ryanair, 75 % pour Virgin Atlantic et 62 % pour EasyJet qui est le meilleur des pires. Les vols British Airways au départ d’Heathrow à destination de Bangkok, de New York et de Singapour ont été allongés de 20 minutes. Un vol Virgin Atlantic opérant d’Heathrow à Newark Liberty, prends désormais 35 minutes de plus qu’auparavant.
Et puis, ce n’est pas de leur faute, l’engorgement du trafic, les contrôleurs aériens sont des coupables potentiels montrés du doigt par les transporteurs aériens. Pourtant la Cour de justice européenne en dispose souvent autrement. Cherchez l’erreur.
Mais, il n’y a pas que les compagnies anglaises qui sont concernées : en 2017, Hong Kong Airlines s’est autofélicité après avoir atteint le sommet des classements mondiaux avec taux de ponctualité de 94,8 %.
Une réussite autoproclamée dont la portée a été limitée lorsque, le vice-président de la compagnie aérienne, Tang King-shing (photo), a déclaré : « Nous avons constaté que la ponctualité était un problème, alors nous nous sommes donné plus de temps ».
Cynisme, naïveté, chacun se fera sa propre idée, mais une bonne conclusion. À quand une étude similaire pour les vols au départ de France ? À force de prendre les passagers pour des pigeons, ils voleront eux-mêmes à destination.
François Teyssier