Testé pour vous (1/2) : The Good Night Train de Bruxelles à Prague

Test grandeur nature du concept de train de nuit à l’occasion du famtrip European Sleeper à Prague. Tellement séduisant sur le papier, un peu rock and roll sur le terrain, à suivre dans le futur.

C’était le temps de la voiture sur le train vers le sud de la France, celui des vacances à la neige où les jeunes passaient plus de temps dans le wagon discothèque que sur leurs couchettes. Le train qui se combinait avec le ferry et qui emmenait les Italiens chez eux pour les congés payés. Bref le temps du train de nuit.

Les jeunes qui le découvrent aujourd’hui ne connaissent pas cette nostalgie. Car, entretemps, l’individualisme des années 80, la voiture et le développement des autoroutes, l’arrivée du TGV, la naissance de l’aérien low-cost ont effacé le train de nuit de l’imaginaire collectif qui n’est plus alimenté que par des croisières ferroviaires de luxe, inaccessibles pour la plupart.

Aujourd’hui, l’incontournable et heureuse prise de conscience écologiste, qui s’accompagne d’un flight bashing que chacun nuance à sa guise, et le boom des starts up qui aiment réinventer le vintage, donnent actuellement une seconde vie à ce concept qui remet à l’honneur le slow, le cool et l’expérience. C’est le pari d’European Sleeper avec son The Good Night Train. Mais sera-ce suffisant pour embarquer tout le monde ?

Ecolo, cool et indulgent

Rendez-vous gare du Midi, à Bruxelles. Les participants sont excités par la destination, Prague. Et curieux du moyen de transport, le train de nuit dont tout le monde parle comme le futur de notre mobilité européenne. Ils ont été briefés : dans le ou les bagages (pas de limite, pas de supplément), il faut un pique-nique pour le soir, une serviette, des bouchons d’oreille et un masque pour les yeux.

Il faut aussi prévoir un petit-déjeuner pour le lendemain ou l’acheter au moment de la réservation ou encore à bord pour un prix un peu excessif – très sain, mais plus sommaire au retour, il nous sera offert en même temps qu’une bouteille d’eau. Avant même l’embarquement, tout le monde comprend très vite qu’il n’est pas question de train de légende, il ne s’agit ni de l’Orient Express ni du Transsibérien. Le projet n’a pas encore trouvé son emballage et c’est une succession de vieux wagons qui entre en gare à 19h22’.

Ambiance sixties

European Sleeper joue la carte des erreurs de jeunesse et annonce d’emblée que « les images peuvent différer de la réalité », qu’il vaut mieux charger tous ses appareils avant de monter à bord car les deux prises électriques de chaque compartiment peuvent se révéler déficientes, qu’il n’y a pas de wifi ni de clim, que les retards sont fréquents « mais annoncés plusieurs jours à l’avance » et que des annulations « pour cause de réparations ou d’entretiens des voies » peuvent aussi subvenir.

Sur le quai, on entend une monitrice qui accompagne une école suggérer à ses élèves de passer aux toilettes avant le départ. Le groupe se regarde : on en a pour 15h…

Ce train est aussi ancien que le concept – ce sont les mêmes rames et la même locomotive que celles des souvenirs des plus anciens, sixties, peinture usée avec logo discret puisqu’ils doivent sans doute aussi servir à la concurrence. European Sleeper loue tout son matériel roulant et emploie son propre personnel (beaucoup de flexy jobs pour trois A/R par semaine, des stewards sympas et accueillants mais pas très formés) tandis que la SNCB prête ses voies et ses créneaux horaires. Nous pensions naïvement que l’état avait investi mais la coopérative compte toujours essentiellement sur ses propres investisseurs, sans véritable subvention. Alors on dit ‘Chapeau ! lorsque le chef de gare siffle le départ.

Un vrai voyage scolaire

Pas d’annulation, mais un retard de 45’ pour ce voyage inaugural pour lequel chacun embarque avec déjà une certaine indulgence. Quel beau projet, tout de même ! Quelle belle aventure, menée par deux jeunes, un Belge et un Néerlandais, qui nous encouragent à combattre le carbone tout en continuant à voyager ! Alors on s’adapte. On s’installe à trois ou quatre dans des compartiments prévus pour cinq ou six et on se demande comment on ferait si on était au max. On visite les lieux, les sanitaires n’ont pas changé non plus et on se dit que les Européens devaient être bien petits et encore maigres il y a cinquante ans pour fermer la porte.

Pas de restaurant ou de bar pour échapper à la cohabitation, pas de steward avec un petit chariot roulant. Certains ont apporté les apéros. L’école est dans un autre wagon et on s’en réjouit, ils doivent s’éclater. Puis on fait son lit, sac à viande, couverture et coussin très propres. L’échelle bloque la porte coulissante du couloir qu’on peut fermer de l’intérieur mais pas de l’extérieur. Les plus grands ont leur tête et leurs pieds recroquevillés contre les parois des couchettes qui doivent mesurer 1m80. Ça nous fait rire. Comme les bosses des sièges du bas, le bassin des toilettes qui est bouché après quelques heures à l’aller et sans eau au retour et les parties de cartes des compartiments voisins qui résonnent jusqu’à 1h du matin. Un vrai voyage scolaire sans prof.

Il paraît que, dans les wagons-lits, il y a un lavabo privé et un miroir mais nous n’avons pas pu les tester. C’est le bestseller des réservations.

17 arrêts !

16h15, 17arrêts, 900kms et quelques fous rires plus tard, tout le monde se frotte les yeux. Il y a ceux qui ont réussi à dormir, ceux qui ont regardé des séries sur leur laptop, ceux qui ont lu, déjà calculé le prix des trains, des avions et des bus pour le même trajet, ceux qui ont ronflé et les autres. Pas facile de conjuguer transport et hôtellerie… Les paysages de la Suisse saxonne de la Dresde, agréables et intéressants en cette saison où les arbres ne sont pas encore étoffés, la découverte des petites cités tchèques et allemandes et les rives de l’Elbe, ont ravi le groupe. L’arrivée, en plein centre-ville, face au Falkensteiner Hotel Prague 5*, est sans doute le ‘plus’ le plus apprécié de la formule. Pas de bagages à récupérer, de frontière à franchir, de transport depuis l’aéroport. Le top.

Le train arrive toujours au centre-ville 

L’hôtel séduit tout le monde. Le temps d’un délicieux accueil et d’un excellent lunch puis, le lendemain, en découvrant les chambres, le bar, la terrasse lounge et le SPA. Car le groupe, lui, séduit les autorités officielles qui en profitent pour embarquer tout le monde le jour même dans un autre train, cette fois pour 90’, afin de leur faire découvrir un endroit inconnu de la plupart des touristes belges : Pardubice, la ville du pain d’épices.

La guide, qui avoue son stress car « c’est la première fois », nous fait visiter quelques hauts-lieux de la ville comme le crématorium qui illustre la richesse architecturale du lieu, le théâtre et le château qui racontent l’Histoire, quelques vestiges du 16ème, l’hippodrome où la piste de steeple-chase attire les purs sangs du monde entier. Ponctué d’anecdotes historiques matinées de légendes, son discours traduit la force de l’imaginaire qu’on retrouve dans la culture d’Europe de l’Est. Et qu’on sentira encore plus à notre retour à Prague.

Prague, l’incontournable

La ville aux cent clochers, labyrinthe dans lequel il fait bon errer si on arrive à faire abstraction de la foule presqu’omniprésente, dessert ses légendes à travers ses ponts qui enjambent la Vltava, ses églises, ses pierres, ses fresques artistiques, ses musiques, ses jardins parfois cachés. Il est question de princesses, de miracles, de magiciens, d’aventures de marchands, de jeunesse éternelle, mais aussi de Jan Palack et de Vaclav Havel. La cité médiévale, le siège des rois de Bohème, parvient même à sortir la tête haute de l’invasion des marchands du temple qui ont transformé les mythes en très grand bric-à-brac touristique.

En conjuguant l’ancien et le nouveau tant au point de vue de l’architecture que de la gastronomie puisqu’il est tout à fait possible d’échapper au traditionnel rizek, l’escalope panée flanquée d’une solide salade de pommes de terre – le programme comporte d’ailleurs quelques belles adresses. Comme le restaurant Mlynec, qui surplombe la Vltava face au pont Charles et propose une cuisine très raffinée.

Ici encore, l’accompagnement d’un guide s’impose si vous n’avez que deux jours. Outre les incontournables visités et racontés avec passion, celle qui nous a été dévouée a partagé quelques bons plans. Dont la nécessité d’acheter un pass qui offre de visiter à satiété toutes les attractions de la ville.

L’Unesco à chaque coin de rue

En partant de la place de la Vieille-Ville, à dix minutes du Falkensteiner Hotel, dont le concierge de ville peut organiser votre séjour à la carte, tout est possible en se perdant à pied dans les quartiers numérotés. Tous les courants architecturaux y sont représentés, au fil de l’histoire du pays et de la ville. L’Unesco est à tous les coins de rue. Les marchés (tchèques, vietnamiens et ukrainiens – les trois plus importantes communautés de la ville) et les légendes aussi.

L’horloge astronomique qui fait avancer ses figurines en bois à chaque heure et dont son créateur eut, dit-on, les yeux crevés pour qu’il ne puisse pas reproduire son œuvre ailleurs. La tour Daliborka où un célèbre prisonnier fabriqua un violon en allumette. La synagogue protégée par le Golem. La place Venceslas, la mémoire de la Révolution de Velours et son plus vieux cinéma du pays. Les clochers qui ont tous une histoire abracadabrante.

Prague se veut aussi au diapason du monde plus moderne. On y trouve, pêle-mêle, rooftops, galeries d’art contemporain, malls, un quartier Bohème et un quartier Art Nouveau, des cafés vintages, des massages au CBD, une grande production de designers. L’agenda des concerts et expositions est à l’aulne de toutes grandes métropoles.

Bruxelles-Prague, rien que du bon

Pour la ville, le nouveau train de nuit, la prolongation du Bruxelles-Berlin, qui passe par Anvers et Amsterdam, est une aubaine. Un bon nombre d’élus gouvernementaux et locaux ont accueilli la presse dans une des salles de la gare de la Prague Main Station, célèbre bâtiment Art Nouveau à la situation centrale qui accueille aussi bien les expos que les trains. Autour du duo de jeunes entrepreneurs d’European Sleeper, Elmer Van Buuren et Chris Engelmans, chaque édile a vanté l’initiative.

Martin Kupka, ministre tchèque des Transports : « Ce grand retour des trains de nuit en Europe est un signal pour nous, pour achever la modernisation des corridors ferroviaires et pour accélérer la construction de lignes à grande vitesse. »

Martin Dvorak, ministre tchèque des Affaires européennes : « J’y vois le renforcement de la connexion avec les pays de l’est et le soutien de la durabilité en Europe. Il s’agit de Bruxelles et Prague mais, plus largement, de l’Europe, de sa mobilité et d’un continent plus vert. »

Frantisek Reismüller, directeur de l’Office de tourisme tchèque : « Cela représente un énorme potentiel touristique pour l’avenir. Je pense à la possibilité d’embarquer son vélo et des autres haltes dans le pays qui permettront aux randonneurs d’élargir leur terrain d’excursions. »

Elmer Van Buuren, co-fondateur European Sleeper qui vit grâce au financement participatif : « Un an après notre première ligne et quatre capitales européennes, cette avancée vers Prague contribue à l’élargissement de notre offre de transport intégrée et durable. C’est très excitant. Nous entendons l’enthousiasme de la Commission européenne pour le rail mais nous continuons de croire aux partenariats entre privé et public, indispensables. Notre objectif est d’ajouter une nouvelle destination chaque année. » Prochaine escale : Barcelone.

Lire la suite : THE GOOD NIGHT TRAIN (2), L’AVIS DES PROS

En savoir plus
www.visitczechia.com
www.prague.eu/fr
European Sleeper : www.europeansleeper.eu/
+ contact [email protected]
SNCB : https://www.b-europe.com/FR
+ contact [email protected]

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