Surtourisme, escroqueries… la mauvaise influence des réseaux sociaux

L’information a circulé la semaine dernière dans la presse française : 80 familles auraient acheté des voyages auprès d’une agence, à des prix défiant toute concurrence. Grave erreur ! Les voyages, la plupart en Egypte, ont viré au cauchemar. Les familles ont du remettre la main à la poche, pour des montants parfois supérieures au prix du voyage lui-même. Elles avaient fait appel aux services de Valbuenux Voyage. Celle-ci se présentait comme une agence de voyages mais n’était pas immatriculée, comme l’exige la loi française. L’escroc est aujourd’hui sous les verrous, au moins le temps de l’enquête. Autre problème, son agence était vivement recommandée par des influenceurs sur Instagram et Snapchat.

Une étude publiée ces jours-ci par Photobox (1) confirme malheureusement le poids excessif des réseaux sociaux dans l’inspiration voyage. 36 % des personnes interrogées s’aident des médias sociaux comme Instagram, Pinterest ou TikTok pour choisir leur destination de voyage. Et ce pourcentage est bien supérieur chez les plus jeunes. Mais la fiabilité des informations qu’on y trouve laisse à désirer. Et les conseils des influenceurs sont sujets à caution.

Les rares blogs de qualité sont souvent ceux qui génèrent le plus de trafic et arrivent à le monétiser. Or, le lien du blogueur et influenceur (instagrammeur, youtubeur…) avec la force invitante (office du tourisme surtout, mais aussi hôtel, compagnie aérienne, etc) est celui d’un prestataire qui fournit un service (payant) à un client. Mais ces blogs ont au moins le mérite d’être sérieux et attachés à leur réputation. De nombreux autres “influenceurs” (la plupart ?) ont d’abord comme objectif d’être invité à voyager gratuitement, sans avoir bien sûr à se plier aux contraintes déontologiques d’un journaliste (lequel est lui aussi invité mais le plus souvent payé par sa rédaction, ce qui limite le lien de sujétion).

Les réseaux sociaux, et surtout Instagram, présentent un autre gros inconvénient : ils participent activement au surtourisme. Instagrammables, des lieux auparavant déjà très fréquentés (Barcelone, Venise, Porto…) sont devenus invivables. Le quotidien des habitants devient parfois insupportable dans certains lieux popularisés par Instagram (un exemple, la rue Crémieux à Paris). Des sites classés Natura 2000 se retrouvent pollués par les visiteurs (Nans-les-Pins), des sentiers abimés (calanques de Sugiton), des champs de lavande piétinés (Valensole)…. On pourrait multipler les exemples.

Le yield management (2) et le  démarketing sont désormais présentés comme des outils efficaces pour lutter contre le surtourisme. D’autres initiatives ont le mérite d’exister, telle celle du WWF invitant à géolocaliser un site qu’on a aimé par le label I protect Nature plutôt que d’épingler l’endroit et d’inciter les visiteurs à s’y rendre.

Les offices du tourisme ont un rôle très important à jouer. On se rappelle la campagne de la Nouvelle-Zélande l’an dernier (voir ici), se moquant des « voyageurs sous influence des réseaux sociaux« . Leur responsabilité est également engagée, quand ils invitent des blogueurs et autres instagrammeurs sur des destinations déjà très fréquentées. A eux de les inciter à promouvoir des destinations moins connues et des visites hors saisons. Cela permettrait aux réseaux sociaux d’apporter une pierre – même modeste – à la lutte contre le surtourisme, qu’ils contribuent à accentuer. Quand on parle voyage, il n’est pas interdit de rêver !

(1) Enquête menée avec CensusWide auprès de 1 006 Français entre le 6 et le 8 juillet dernier.

(2) Des solutions sont mises en place sur certains sites tels le Machu Picchu, le Taj Mahal, le Mont Saint-Michel ou les Calanques de Sugiton (jauges, quotas horaires, réservations préalables, parkings payants et éloignés des sites…), évitant ainsi un filtrage par l’argent. Et l’on peut penser que le yield management, déjà utilisé par les grands musées et pour les expositions importantes, a un bel avenir dans le tourisme. Il contribue en effet à mieux répartir les flux touristiques, selon les heures, les jours, les saisons, les lieux, les ressources humaines, l’état des sites sur le plan environnemental…

 

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