Interdire les vols les plus courts, est-ce légal… et écologiquement efficace ?

L’Europe devrait, dans les prochains jours, amender sérieusement le texte du gouvernement français visant à interdire l’avion lorsqu’il existe une alternative en train sur des trajets de moins de 2h30. Dans le même temps, une étude du Journal of Transport Geography rappelle que les vols de courte distance en Europe ne représentent que 6% des émissions de CO2. Pas évident néanmoins de s’attaquer aux vols long-courrier, d’autant qu’ils constituent bien souvent le seul moyen raisonnable de se rendre dans un pays lointain.

Jean-Marc Jancovici, polytechnicien, est aussi un brillant communicant et un incomparable vulgarisateur. Il suffit, pour s’en convaincre, de lire la bande dessinée Le Monde sans fin, miracle énergétique et dérive climatique (illustrée par Christophe Blain). Et le président du think tank The Shift Project n’a pas peur de provoquer, comme en témoignent les propos qu’il a tenu la semaine dernière lors du Grand Entretien sur France Inter : il préconise en effet un quota de 3 ou 4 vols par avion dans toute sa vie – y compris pour les expatriés et les voyageurs d’affaires… – dont deux dans sa jeunesse. Un propos choc pour alerter sur le réchauffement climatique. « Aujourd’hui, l’avion, c’est 8% du pétrole mondial, explique-t-il. Il est né, et il mourra avec le pétrole. (…) Il n’y a pas de solution technique à l’échelle. »

Le transport aérien multiplie pourtant les initiatives pour se décarboner (notre article Décarbonation de l’aérien: SAF qui peut!). Et même les initiatives qui semblent les plus évidentes, marquées au coin du bon sens, comme celle de taxer les courts courriers, ou d’interdire l’avion sur les trajets lorsqu’il existe une alternative en train sur des trajets de moins de 2h30, peuvent être sujettes à caution.

Ainsi, plusieurs pays envisagent d’interdire ou de taxer les vols court-courriers, arguant que la disponibilité d’alternatives ferroviaires les rend inutiles. Or, comme l’indique une étude du Journal of Transport Geography, considérant l’ensemble des vols au départ de 31 pays européens, ceux de moins de 500 km représentent 27,9% des départs mais 5,9% du carburant brûlé. En revanche, les vols de plus de 4 000 km comptent pour 6,2 % des départs, mais 47,0 % du carburant consommé. Et de conclure que la taxation des vols courts contribuera peu à réduire l’impact de l’aviation sur le climat. Des initiatives ciblant les vols plus longs seraient nécessaires « de toute urgence ». Pas facile pourtant de réduire ces vols long-courriers : on ne peut pas s’en passer et voyager en train ou en bateau, à moins d’être un adepte du slow tourisme. Une taxation des long-courriers remporterait pourtant une certaine adhésion des opinions publiques, considérant les voyages lointains comme plutôt réservés aux personnes aisées. Avec comme risque d’augmenter le prix des billets et de pénaliser in fine les voyageurs plus modestes…

L’Europe pourrait bien, également, mettre à mal le projet français d’interdire l’avion lorsqu’il existe une alternative en train sur des trajets de moins de 2h30. Saisie par l’association des aéroports européens (ACI Europe), l’Union des aéroports français (UAF) et l’association de compagnies aériennes françaises Scara, la Commission européenne pourrait annoncer dans les tous prochains jours qu’il amende sérieusement le texte du gouvernement français. Cette mesure, qui devait dans un premier temps se traduire par l’arrêt définitif de quatre liaisons intérieures (Paris-Bordeaux, Paris-Nantes, Paris-Lyon et Lyon-Marseille), devra être en fait limitée dans le temps, la réglementation européenne stipulant que toute limitation ou interdiction d’exercer des droits de trafic, pour remédier « à des problèmes graves d’environnement », ne peuvent durer plus de trois ans, comme le rappelait la semaine dernière le quotidien économique français Les Echos.

La Commission devrait également rappeler qu’une telle interdiction n’est acceptable que « lorsque d’autres modes de transport fournissent un service satisfaisant ». Or, sur Bordeaux-Paris par exemple, le service de la SNCF est non seulement beaucoup moins intéressant notamment pour toutes les entreprises proches de l’aéroport de Bordeaux-Merignac, mais ses tarifs sont bien souvent plus élevés que ceux de l’avion. Bruxelles a enfin précisé que l’interdiction ne concernait pas les vols en correspondance visant surtout à offrir des correspondances avec des long-courriers, ce qui est le cas d’Air France avec son Bordeaux-Roissy CDG (70% de passagers en transit).

Les opposants au projet français ont également beau jeu de citer deux chiffres qui en relativisent la portée : les quatre lignes domestiques concernées ne représentent au total que 0,23 % des émissions de transport aérien en France, qui comptent elles-mêmes pour 0,02 % des émissions françaises de CO2. Ces chiffres donnent raison aux associations engagées dans la lutte contre le réchauffement climatique, qui estiment les politiques publiques beaucoup trop timides, et souhaitent notamment que l’interdiction de l’avion soit étendue, lorsqu’il existe des alternatives en train de moins de 4, voire 5 heures. On devine la voie étroite de certains gouvernements lorsqu’il s’agit de mettre en place des politiques qui tiennent compte à la fois des engagements climatiques et des contraintes économiques et sociales. Surtout dans les pays qui possèdent une importante industrie aéronautique…

1 COMMENTAIRE

  1. L’Europe devrait, dans les prochains jours, amender sérieusement le texte du gouvernement français visant à interdire l’avion lorsqu’il existe une alternative en train sur des trajets de moins de 2h30.
    MA QUESTION EST: ALORS ON FAIT COMMENT SI ou QUAND IL Y A DES GREVES DE TRAIN.

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