J’ai passé mon enfance et adolescence à Fourmies (si, si ça existe. C’est dans le Nooooord comme on dit dans le sud !). Et tous les mercredis, ma sœur jumelle et moi allions à la campagne, à Anor, chez notre grand-tante. Et, de temps à autre, nous allions en Belgique pour affaire autour de l’essence et du chocolat. Mais il fallait passer la douane à Macquenoise.
«Vieille fille» comme on disait à l’époque, Tata Henriette était infirmière de campagne et nous emmenait dans ses tournées, en deudeuche décapotée (quand il ne pleuvait pas), nous deux debout à l’arrière, sans ceinture de sécurité et chantant à tue tête les tubes de l’époque (Il n’y avait pas de radio dans la 2CV). Et nous attendions dans sa voiture qu’elle ai fini ses piqûres, pansements et autres soins divers… Il n’y avait pas encore le Covid 19. Elle nous autorisait (presque) tout ce qu’on nous refusait à la maison. Que du bonheur.
Et certains mercredis, nous allions en Belgique, pour «faire de l’essence» (moins chère qu’en France) pour notre tata, et le plein de chocolat (bien meilleur qu’en France à l’époque) qu’elle faisait pour nous… La frontière belge est à un jet de pierre d’Anor.
Mais il fallait passer la douane à Macquenoise
Début des années 70, coté gabelous français, pas de problème. Dans mes souvenirs lointains, les fois où j’en ai vu un dans sa guitoune à la frontière se comptent sur les doigts de la main gauche d’un lépreux comme le disait Pierre Desproges. Idem pour les douaniers belges…
Sauf une fois, et je m’en souviens encore… Nous rentrions à Anor après avoir fait le plein d’essence et de chocolat (celui qu’on croque, pas qu’on fume). Il faisait beau en cette fin après-midi d’été. Tata marque l’arrêt au poste frontière belge… Et, au lieu de l’habituel visage inquisiteur du douanier d’outre quiévrain, c’est une paire de pieds qui dépasse de la guitoune ! On attend qu’elle bouge. (La paire, pas la guitoune) Rien ! Après plusieurs minutes d’attente interminables, Tata Henriette se fâche, se lâche et… klaxonne ! (Autant que le klaxon d’une 2CV le permette !)
Pétrifiés, ma sœur et moi attendions avec angoisse le verdict de son effronterie vis à vis à l’autorité belge. Enfin, les pieds s’écartent, un visage apparaît, nous dévisage notre tante, ma sœur et moi, et nous fait finalement signe de passer… d’un mouvement de pied ! C’était il y a bien avant Schengen, mais j’y pense à chaque fois que je passe une frontière en voiture… C’était le bon temps que les moins de 40 ans ne connaîtrons jamais. Merci Tata!