L’hebdomadaire Moustique a très récemment diffusé un classement assez piquant : celui des meilleures cuisines du monde. Et on sait à quel point la cuisine est importante pour les voyageurs et les touristes, puisqu’il y a même un tourisme de la gastronomie, à côté hélas d’un tourisme de la malbouffe qui ne s’en vante pas.
Moustique rapporte donc un classement basé sur un questionnaire en ligne ; ce qui par définition écarte toute une catégorie de personnes qui ne désirent pas s’exprimer en ligne, et donne la primauté forcément à la génération “connectée”, qui est aussi celle de la malbouffe.
Que l‘Italie domine le classement, je n’ai aucun argument à faire valoir, c’est largement mérité, à égalité cependant avec la cuisine française. Mais celle-ci ne se classe qu’à la 9e place, derrière ou à égalité avec la cuisine américaine ou péruvienne, et derrière la turque ! Ne parlons même pas de la cuisine belge, 31e, dépassée par la britannique, la bulgare, et loin derrière l’allemande ! Espérons que ce ne soit que de l’ignorance…
Et si l’on regarde les plats préférés, le koré japonais est en tête, la pizza Margherita est 11e, et pas moins de quatre sortes de kebabs se classent dans les 50 meilleurs plats au monde ! Naïvement, le journaliste du Moustique s’étonne que le seul plat français de la liste soit un plat que tout le monde peut faire chez soi : le steak au poivre ! Alors qu’il cite parmi les oubliés la quiche lorraine, la ratatouille et la fondue !
Tout ceci pour dire que j’affiche un certain mépris pour les sondages. Il y a de nombreuses années déjà, une attraction bruxelloise voulait à tout prix prouver que le tourisme à Bruxelles était bien plus porteur que le MICE : le responsable se basait sur un sondage. Et où avait-il interrogé son échantillon ? Sur la Grand-Place de Bruxelles et devant l’Atomium, deux lieux fréquentés essentiellement par des touristes.
Il en est de même pour d’autres classements : ceux des meilleures compagnies aériennes, ou de croisières, des meilleurs T-O, etc. Étant propriétaire d’une maison en Dordogne, je vais évidemment me montrer très favorable à Ryanair et son vol Charleroi-Bergerac. Et si l’on ne posait la question qu’à des hommes d’affaires, il y a fort à parier que leurs avis porteraient surtout sur les classes Affaires. De même, un client régulier de l’excellente compagnie de croisières MSC la citera en tête puisqu’il est très satisfait du produit proposé. Mais s’il n’a jamais pris l’autre excellente compagnie qu’est Ponant, par exemple, il ne peut évidemment pas comparer, puisque ces deux produits sont incomparables, ils n’entrent pas dans la même catégorie de prix, ne ciblent pas la même clientèle, n’offrent pas les mêmes produits ni encore les mêmes destinations.
Pour qu’on sondage soit réellement valable, ainsi que le classement qui en découlerait, il faut que l’échantillonnage soit le plus large possible, et que la segmentation des produits soit aussi la plus large possible. Sans quoi, le kebab risque de se classer toujours devant le plat d’un chef étoilé : ce serait dramatique pour les générations qui nous suivent, et pour l’ensemble de notre système de valeurs.
