Serait-ce enfin l’heure du slow-tourisme ? 

Le mouvement Slow, ou mieux encore la Slow-Attitude s’inscrit dans la mouvance du slow-food née en Italie, en réponse à un malaise de notre société qui, depuis les inventions de l’automobile, de l’avion, des ordinateurs, a fait de la vitesse l’une de ses valeurs essentielles. 

C’est le journaliste, sociologue et critique gastronomique Carlo Petrini qui lance, en 1989, une association dont le but est de faire barrage au fast-food. Ses idées de base sont simples :

-la slow food est bonne : nourriture fraîche incluant un maximum de produits locaux et de terroir
-la slow food est propre : elle est si possible bio et consomme peu d’énergie
-la slow food est juste : les prix d’achat sont équitables, les prix de vente sont accessibles

Le mouvement slow-food a tout naturellement donné des idées dans tous les domaines de la vie, pour donner naissance à la slow-attitude, laquelle tente de promouvoir la slow-education, le slow-art, le slow-management, la slow-fashion, et même le slow-sex !

En matière de tourisme, on a vu apparaître des slow-hôtels, avec les concepts de « black holes resorts » : il s’agit d’hôtels « trous noirs »  où les clients sont invités à se déconnecter totalement : plus de Smartphones, plus de tablettes, plus de portables, pas de télé. C’est évidemment une démarche volontaire qui vise la désintoxication numérique, et tout simplement le rappel d’un monde réel à redécouvrir, à côté d’un monde virtuel, technologique et factice.

Des exemples ?  le Westin Dublin, l’Echo Valley Ranch & Resort au Canada, l’hôtel Kandalama au Sri Lanka…

Dans ce dernier, par exemple, le papier est fait à base d’excréments d’éléphant ! L’hôtel est bâti dans une réserve naturelle. Il propose des cours de cuisine locale, le personnel habite dans les environs immédiats, les villageois se chargent de l’animation folklorique… Je passe évidemment sur l’aspect totalement écologique : récupération des eaux usées, captation de l’énergie solaire, etc, qui donne à l’hôtel le label LEED : Leadership in Energy & Environmental Design.

La philosophie du slow-tourisme repose donc sur ces mêmes principes d’écologie et de tourisme équitable. Elle va même un peu plus loin ; l’accusation de base est la suivante : « On utilise la culture comme une marchandise ». Je pense par exemple au Castillo de Benidorm, où l’on « vend » des spectacles du moyen-âge d’un goût douteux. Je pense à cette stupidité d’accueillir à Bali les clients avec un collier de fleur, ce qui n’est pas du tout une pratique locale, mais un import des îles du Pacifique qui n’a pas sa place à Bali.

Le slow-tourisme suggère des transports plus lents et plus verts qui réduisent l’impact sur l’environnement ; la découverte de la cuisine locale ; la recherche des contacts avec la population locale. On le voit, c’est le contraire absolu du « all in ». 

Qu’est-ce qui existe en matière de slow-tourisme ?

Un exemple parmi d’autres est le projet WWOOF : Willing Workers on Organic Farms. On l’aura compris, il s’agit d’un travail volontaire dans une ferme, travail non rémunéré mais basé sur l’échange : logement, nourriture, rencontres, visites locales.

Mais il y aussi tous les moyens de se déplacer qui relèvent de la démarche slow :

La marche à pied : elle est proposée partout, notamment par des associations et bureaux de tourisme, comme Boscaglia en Toscane, les régions du Palatinat en Allemagne, de multiples régions en France, en Suisse, en Italie. Les GR existent depuis très longtemps pour les marcheurs libres.

Le T-O Trek Aventure propose une brochure « Le monde à pied ». Le néerlandais Smaragd Reizen propose des trekkings avec méditation ! L’association française « L’ami du vent » assure des formations au yoga et à la relaxation et propose de se ressourcer dans le désert !

Le cheval : l’agence française « Cheval d’aventure » propose des chevauchées et camps nomades partout dans le monde. Ger To Ger organise des séjours pour cavaliers en Mongolie.

Dude Ranch Arizona offre le Grand Canyon et Monument Valley en logeant dans des ranchs.

Mais il ne faut pas aller si loin ; le parc national Del Gran Sasso en Italie propose des parcours équestres en montagne, sur 300 km de pistes. 

La location de calèches et de roulottes est évidemment déjà très populaire dans le Jura suisse comme en Dordogne, dans le Gers, en Auvergne, en Normandie.

Le vélo. Le réseau cyclable européen « Eurovélo » propose 19 itinéraires. Celui qui va de Trondheim à Santiago passe par Liège, Namur et Charleroi. Le RaVel en Wallonie compte plus de 1500 km de voies lentes. Plusieurs autocaristes se sont fait une spécialité de transport de vélos pour des petits groupes accompagnés, suivis par une camionnette avec le matériel de dépannage et des étapes organisées.

Les croisières fluviales : le leader chez nous, CroisiEurope, offre un large éventail de croisières lentes sur tous les fleuves et rivières navigables d’Europe. Le T-O français « Nomade-Aventure » suggère la Suède au fil de l’eau, les participants construisent même leur propre radeau, et l’escapade se termine en kayak. Canalous loue des bateaux sans permis sur le canal de Bourgogne, ou propose des séjours en péniche, avec incursion dans les vignobles.

Heure Vagabonde prône des voyages plus solidaires et insolites, telle qu’une croisière sur la Mayenne pour découvrir la cuisine de terroir et chiner sur les brocantes.

Le train : citons ici le Blue Train, hôtel 5 étoiles sur roues qui circule en Afrique du Sud ; le Great Brazil Express, lancé en 2008 par le belge Thierry Nicolas, qui va de Rio à Iguaçu avec 44 passagers. Le Darjeeling Himalayan passe par Ghoom, une des gares les plus hautes du monde, tandis que le Nilgiri parcourt l’Inde du Sud de Mettupalayam à Ooty. Je n’oublie pas l’Eastern & Oriental Express qui va de Singapour à Bangkok en trois jours ; le Chihuahua Pacifico qui traverse le Mexique sur 630 km.

Je l’admets volontiers, ce n’est pas demain que toutes les agences de voyages offriront ce genre de services, ni surtout qu’elles pourront gagner leur vie avec ce type d’offre.  Pourtant, les segments possibles du slow-tourisme ne sont pas négligeables. Citons :
-la culture
-le bien-être
-les voyages découvertes
-la vie à la campagne, à la montagne
-les séjours nature

En se plaçant maintenant du point de vue des régions, aptes à offrir les conditions d’un slow-tourisme, on pourrait dire que ce qu’elles devraient faire, c’est :

-développer un réseau qui reprend toute l’offre de la destination répondant aux souhaits du slow-tourisme. J’y reviendrai prochainement.
-impliquer les personnalités locales : célébrités peut-être, mais surtout des conteurs, poètes, chanteurs, artistes, artisans, troupes folkloriques, cuisiniers…
-considérer le visiteur comme un acteur à part entière et non un simple consommateur
-offrir un produit global avec une prestation lente et bien organisée
-renforcer l’image positive de la région
-offrir des endroits inconnus
-encourager la formation du personnel dans la voie du slow-tourisme
-chercher sans cesse les produits innovants

En Belgique, il semble évident que nos Ardennes, par exemple, seraient une destination idéale pour la mise en œuvre du concept. Son identité repose sur la forêt, les villages, la quiétude, les rivières. Sa situation géographique est idéale entre les grands bassins urbains. Ses valeurs sont le calme, le respect de la nature, la gastronomie de terroir, l’authenticité, la qualité de l’accueil. Elle peut aussi s’appuyer sur un patrimoine historique, culturel, architectural de grande valeur, et des hébergements dont la taille, la qualité et les prix sont parfaitement conformes à ce qui est demandé. 

En conclusion, il existe une nouvelle vision du marketing basée sur le territoire. La puissance d’une marque ne se mesure plus à l’importance de sa notoriété, de son chiffre d’affaires ou de son budget publicitaire. La puissance d’une marque se mesure d’abord à la force des liens qu’elle a su créer avec ses clients, son environnement, ses salariés, ses citoyens, ses acteurs professionnels et/ou ses partenaires. 

Il y a matière à réflexion.

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