Ryanair : un changement de modèle est-il possible ? (1ère partie)

A la lecture de notre article de ce lundi 6 août, intitulé « l’enterrement de Ryanair n’est pas pour demain », un fidèle lecteur de PAG Tour nous faisait remarquer non sans un certain à propos que nous avions abusé de l’expression « développement durable » au sujet de la compagnie irlandaise. Conjuguée aux alertes des scientifiques sur l’avenir climatique de la planète qui fleurissent canicule aidant, cette remarque d’un lecteur nous a inspiré une réflexion plus générale, et osons-le dire, quasi-révolutionnaire sur l’avenir de Ryanair.

Avant toute chose, précisons que par l’expression « développement durable », nous voulions dire que là où elle s’était installée, la low cost irlandaise était restée fidèle dans le temps et avait contribué sur le long terme, au développement économique et touristique, des petits aéroports sur lesquels elle s’était implantée.

Les exemples foisonnent. Carcassonne, Trieste, la Mezzia, Eindhoven, Brastislava, Beauvais… et bien entendu Charleroi qui, par la volonté d’une volonté politique forte a fait d’un champ d’aviation sans intérêt un aéroport international majeur au niveau européen. Sans Ryanair et son approche révolutionnaire et financièrement impitoyable, rien de tout cela n’aurait été possible.

Ryanair reste exemplaire… Mais

Fondée il y a 30 ans, sur un modèle inconnu en Europe, Ryanair a suscité sourires et sarcasmes dans le confort feutré des directoires des compagnies aériennes. Elles étaient encore nationales à l’époque, et considéraient le transport aérien comme élitiste et réservé aux classes sociales les plus privilégiées.

Trente ans plus tard, Ryanair est le premier transporteur aérien européen, dispose d’une flotte de plus de 400 Boeing 737 de dernière génération, en parfait état de maintenance et achetés au meilleur prix, et a imposé un modèle que ses concurrentes ont été obligées de suivre : celui de la réduction des coûts et de l’optimisation du remplissage.

A ce jeu, quoi qu’on en dise, Ryanair reste exemplaire. Pour tout le personnel de la société, la chasse aux coûts est un leitmotiv quotidien et permanent. Une culture qui ne souffre aucune discussion.

Ce modèle a l’efficacité redoutable n’en est pas moins aujourd’hui arrivé à une limite dans une équation à plusieurs variables qui, à court ou moyen terme, induira un nouvel équilibre, voire un nouveau modèle. C’est inévitable.

Une équation complexe, des variables identifiées :

  1. Des contrats historiques aujourd’hui désuets

Au virage des années 2000, forte de ses succès en Irlande et en Angleterre, Ryanair envahit progressivement le quotidien européen. Aucun pays ne lui résistera : Italie, Espagne, Portugal, Maroc, Grèce.. les verrous des autorités publiques cèdent les uns après les autres face aux promesses de succès des Irlandais. La manne de passagers annuels qu’elle promet aux aéroports incite les décideurs locaux, souvent des élus, à bourse délier au nom du désenclavement ou du développement touristique de leur région.

Forte de cette position, Ryanair formule moultes exigences : handling gratuit, taxes d’aéroport réduites, publicité gratuite, tarifs dégressifs….

La créativité de la compagnie est sans limite. En contrepartie, Ryanair s’engage à apporter aux aéroports concernés le volume de passagers promis.

Une parole donnée qui a été rarement démentie, à la seule condition que les exigences initiales ne soient pas modifiées. Des dizaines d’aéroports d’Europe, dans des flux principalement nord – sud, ont pris le pari d’attirer cette compagnie aux dents longues et au patron anticonformiste prêt à tout pour faire parler de lui au moindre prix. Un montage photo avec le Pape lui vaudra même un procès avec le Vatican…

Or, depuis la signature de ces contrats, l’aérien a été bouleversé. Les attaques terroristes ont nécessité de lourds investissements en termes de sécurité, les aérogares ont été transformées, agrandies pour accueillir les passagers confortablement et développer les revenus extra-aéronautiques : fini les aérogares en préfabriqué de l’époque bo-bo du low cost, les coûts de personnel et de fonctionnement ont augmenté sensiblement…

Bref, les aéroports ont dû s’adapter ou rompre leur contrat avec Ryanair. Si nombre d’entre eux ont su faire face aux changements et faire preuve de créativité en matière de financement, en passant sous les fourches caudines européennes, d’autres sont purement redevenus de modestes champs d’aviation sans aucune activité significative. Sans Ryanair, point de salut.

  1. Des opérations aériennes d’une grande fiabilité

Dans les jours qui ont suivi le 11 septembre 2001, Michael O’Leary le CEO de Ryanair a signé sa première grosse commande chez Boeing : 150 Boeing 737 – 800 de 189 sièges négociés au meilleur prix… vu les circonstances et la peur de voir l’industrie aéronautique s’effondrer après l’attentat. Depuis cette époque, Ryanair a toujours veillé à disposer d’une flotte récente et en parfait état de fonctionnement.

Résultat : des opérations stables et fiables qui subissent un taux très faible de retards et d’annulations de vols sauf pour des situations indépendantes de la compagnie, comme la météo ou les grèves qu’elle dénonce toujours avec férocité… au nom du confort de ses passagers.

Pour un aéroport, une telle stabilité représente un indéniable confort opérationnel et facilite grandement la planification du quotidien. Sur le moyen et le long terme, la présence de Ryanair permet aussi de planifier la gestion du personnel plusieurs mois à l’avance, saison d’hiver et saison d’été, sans grande perturbation. C’est là un aspect des choses particulièrement apprécié des aéroports.

  1. Des taux de remplissage exceptionnels et une optimisation saisonnière

Les taux de remplissage, c’est-à-dire le nombre de sièges occupés par vol, en moyenne, sont en général supérieurs à 90% pour les low cost européennes. C’est certes un argument qui peut être battu en brèche par les défenseurs de l’environnement, car est-il bien raisonnable d’aller à Venise pour 50 euros aller-retour, mais convenons que pour des raisons d’impact de bruit et de consommation de kérosène, c’est un point important. Là où les compagnies dites traditionnelles évoluent parfois sous les 70%, l’optimisation du remplissage est un argument fort des compagnies low cost en général et de Ryanair en particulier.

Pierre Proneuve

À suivre...

Nous aborderons demain les trois dernières variables identifiées et poseront la question : L’érection d’un nouveau modèle Ryanair, une utopie ?

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