Je vais vous parler de magie aujourd’hui. En principe, je suis censé vous parler d’économie et pas de magie. Mais que dois-je faire quand les deux se rejoignent ?
Cette semaine, la magie a rejoint la finance. Petite devinette d’abord : connaissez-vous Rivian ? Non, ne soyez pas gênés. Moi non plus, je n’en avais jamais entendu parler avant de préparer cette chronique. Rivian est un fabricant de voitures électriques qui vient de s’introduire à la Bourse de New York. Dès le premier jour de sa cotation, l’action Rivian a bondi d’environ 30%. Sur la base de son cours actuel, cette entreprise vaut donc déjà 100 milliards de dollars en Bourse. C’est beaucoup plus que des constructeurs qui ont pignon sur rue comme Ford ou General Motors.
Ce qui est dingue – raison pour laquelle je vous parle de magie -, c’est que Rivian n’a pas encore vendu une seule voiture cette année. Elle espère juste en vendre 1.000 pour la fin de l’année. Autant dire, rien. Avouez que c’est fort. Pire: Rivian qui a été fondée par un gourou de la mobilité électrique de 38 ans. Cette société est déficitaire et a enregistré une perte de presque un milliard de dollars au cours des 6 premiers mois de 2021.
Mais voilà, les investisseurs ont décidé de voir Rivian comme le futur concurrent de Tesla. D’ailleurs, le deuxième homme le plus riche au monde, Jeff Bezos, a mis des billes dans cette société Rivian. Il a fait encore mieux, via sa société Amazon, il a déjà commandé 100.000 camionnettes électriques à livrer d’ici 2030. En clair, la Bourse qui est au fond un marché d’anticipation, part du principe que l’avenir automobile sera 100% électrique.
Et les constructeurs automobiles classiques ont beau montrer qu’ils se sont lancés à corps perdu dans l’électrique, leurs cours de Bourse n’explosent pas, même s’ils vendent plus de voitures que ces nouveaux venus. L’une des raisons de cette injustice, c’est que les investisseurs savent aussi que ces constructeurs ont un passé, un héritage thermique, et que ce passé va plomber leurs résultats notamment lorsqu’ils devront licencier des ouvriers.
Car on ne le dit pas assez, la transition écologique, c’est aussi une destruction d’emplois énormes qui va arriver. Bien entendu, les écolos optimistes diront que d’autres emplois vont se créer et compenseront les emplois perdus. C’est vrai, sauf que ce ne seront pas les mêmes emplois. Les emplois perdus dans l’automobile par exemple seront compensés par de nouveaux emplois dans l’isolation de nos biens immobiliers. Mais ces emplois ne seront pas aux mêmes endroits et demanderont d’autres qualifications.
Bref, l’ouvrier de demain devra se requalifier et accepter plus de mobilité. Chacun redécouvre aujourd’hui que le covid-19 et le dernier rapport du GIEC n’ont fait qu’accélérer un mouvement dont on découvre mieux aujourd’hui l’ampleur. Et donc oui, comme le disait le philosophe, « demain peut devenir le tyran d’aujourd’hui ».