Bien sûr que je me souviens de ce que je faisais le 11 septembre 2001 ! Comme tous les plus de vingt-cinq ans, j’imagine. Tout comme je me souviens de l’assassinat de Kennedy, des premiers pas d’Armstrong (le fameux trompettiste) sur la lune ou des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles et Zaventem.
Le 9/11 (nine-eleven, pas le 9 novembre, comme j’ai pu le lire !), je présidais une commission professionnelle et à midi, je suis allé à l’Hôtel de Ville de Bruxelles, à la demande du bourgmestre Freddy Thielemans qui honorait, je ne sais plus pour quelle raison, la ville danoise d’Aalborg (Jutland) que je ne connaissais, je ne sais pas pourquoi non plus, que pour son aquavit.
Il faisait beau, mais j’ai écourté les dégustations, parce que j’avais beaucoup de boulot pour mon journal, avec les bagarres entre les pilotes, la direction et les syndicats de la Sabena qui devait faire face à un gros programme de restructuration, faute de quoi, c’était la faillite. Comme quoi, la Sabena n’est pas morte « à cause » du 11 septembre. Tout au plus, la crise a accéléré le processus. Bel alibi, en vérité.
Mais CityBird ne se portait pas mieux et le 11, j’avais publié un article sur le sujet. C’est alors que je rédigeais mon article sur le blocage à la Sabena (paru le 12, donc), que le secrétaire de rédaction me téléphone : « Il y a un avion qui s’est tapé une des tours du WTC. C’est sur CNN. » Je crois à un avion de tourisme et ma réaction, c’est « Quel con ! »
A partir de là, je naviguerai entre ma télévision (dans le salon) et le bureau pour rédiger. Difficile de résister au feuilleton : deuxième tour touchée, première tour détruite, puis la deuxième, puis des témoignages. Puis le néant, tard le soir. Je m’endors dans le canapé. L’aquavit sans doute.
Bouleversements
Le lendemain, je devais partir avec Austrian Airlines pour la Géorgie et l’Arménie. Je reçois un coup de fil de Vienne: c’est annulé. Puis un autre de Continental, le vol sur New York, deux semaines plus tard, l’est aussi. Il était prévu qu’on mange aux «Windows of the World» tout en haut d’une des tours du WTC. Rétrospectivement, j’en frémis. Et si les pirates avaient opté pour une autre date ?
Mais ce que je retiendrai toujours, c’est mon retour à New York (avec Delta) quelques semaines plus tard. New York avait changé. Je ne parle pas des horreurs dans le quartier de Wall Street avec plastiques et bouts de papier accrochés aux arbres, les débris, les photos des disparus et surtout ce silence incroyable dans un quartier qui bruissait toujours ; non, je parle des New-yorkais.
Alors qu’avant, ils paraissaient toujours pressés (comme à Paris), là, je les voyais prendre le temps de vivre et de s’intéresser aux étrangers : « You are coming from Belgium ? Thank you ! Welcome to New York ! » Même l’officier d’immigration m’a souri : « It’s nice you came to visit us ! » J’étais passé de l’autre côté du miroir.
J’ai profité du séjour pour discuter avec un artiste de la comédie musicale « Mamma Mia ». Ils avaient fait une avant-première le 5 octobre 2001, moins d’un mois après les attentats pour montrer que Broadway ne s’agenouillait pas. Succès assuré. Et le Winter Garden Theatre, depuis le 18 octobre, ne désemplissait pas, je peux en témoigner (du coup, j’ai acheté tous les disques d’Abba à Time Square).
Ce qui était remarquable avec les New-yorkais, c’était leur résilience : il fallait faire la fête, remercier les touristes (banderoles à l’appui). Même tout qui portait un uniforme souriait : « How can I help you ? » Je reconnais que les vieilles habitudes ont repris.
Mais je voudrais terminer avec une anecdote « sweet and sour » véridique. Un homme est censé travailler dans une des tours du WTC, mais il est ailleurs avec sa maîtresse. Sa femme l’appelle sur son portable. « Tu es vivant ? » « Mais oui, pourquoi ne le serais-je pas ? », interroge-t-il. « Tu es au bureau ? » « Où veux-tu que je sois ? » Et cette réponse : « Alors, regarde sous tes pieds, ça brûle ! » Il paraît qu’ils n’ont pas divorcé, mais que sa femme raconte l’histoire à tout le monde. Mourir, c’est triste, mais mentir, c’est grave !