C’est encore Facebook (c’est bien normal, les réseaux sociaux accordent la parole aux plus stupides) qui me donne l’occasion du billet d’humeur du jour.
Dieu sait que je n’ai rien d’un fan inconditionnel des familles royales, et celle de Grande-Bretagne en plus n’est pas la mienne. Mais le sujet suscite des raisonnements simplistes que l’on retrouve souvent en tourisme. En voici un bel exemple concernant le dernier mariage princier: « Coût du mariage : 37.000.000€, pendant ce temps des enfants meurent encore de faim ». Présenté comme cela, sans réflexion, c’est un postulat évident.
Après réflexion, on peut se dire qu’il y a au moins 37 millions d’enfants sous-alimentés dans le monde, et je suis sans doute loin de la vérité.
Donc, si l’on avait consacré cette somme du mariage à ces enfants, on aurait pu les nourrir durant 1 jour à raison d’1 € par enfant. Mais le lendemain, hélas, plus de mariage princier annulé pour distribuer cette somme. Ce raisonnement est donc un sophisme.
Prenons-le par l’autre bout. Le mariage a fourni de l’emploi à des milliers de gens, des centaines d’entreprises ; avec un peu d’imagination, on peut faire le relevé de tous les métiers concernés. Grâce à ce travail, d’autres enfants pourront bien manger chez eux. Les entreprises concernées comme les individus paieront TVA et impôts, c’est-à-dire leur contribution aux frais de l’État. Et l’État consacre chaque année plusieurs dizaines de millions à l’aide aux pays en développement. Je sais, c’est un autre sophisme, mais je le préfère à l’autre.
Dans le monde du voyage et du tourisme, c’est un peu la même chose. Commençons par ces gens qui se plaignent des bruits d’avion, mais qui estiment que, lorsque c’est leur tour de partir en vacances, ils ont bien le droit de polluer un peu les autres.
Ensuite ce sont ceux qui pointent du doigt des vacanciers riches, ceux qui se payent des croisières de luxe, par exemple. Ou qui voyagent en business.
Essayons simplement d’imaginer ce que serait le monde si tous les riches, au lieu de faire tourner leur argent, le plaçaient en lingots d’or ou en diamants. Pourquoi ne pense-t-on jamais aux milliers de personnes qui ont construit ces bateaux, qui servent en business class, dont le travail, quel qu’il soit, est indispensable à mettre en œuvre les voyages des autres.
L’argent tourne, c’est une des plus vieilles lois de l’économie. Et en tournant, il en tombe toujours un peu dans les escarcelles des autres : les moins riches qui ont un travail, les États qui ont des politiques d’aides.
Est-ce toujours un sophisme ? Peut-être ; mais qu’on me démontre le contraire.
Claude Gueux