Aurait-on imaginé, il y a cinquante ans et peut-être même quinze, qu’on en viendrait un jour à mettre en titre d’un article cette phrase: «Il n’y a pas de honte à être un touriste» ? Elle est d’Adrien Gloaguen, un hôtelier parisien, et mise en exergue dans L’Echo Touristique. C’est terrible, non ?
Et c’est bien dans la lignée du «flygskam» (honte de prendre l’avion) de la petite vedette suédoise qui ne s’était pas gênée de prendre un voilier ultra sophistiqué plein de métaux rares pour se rendre aux USA, tandis que son équipage de retour avait pris… l’avion ! Mais la couverture médiatique avait très largement dépassé la hauteur de ce non-événement.
Il y a plusieurs responsables à cet état de fait. Le premier est sans doute l’ignorance-crasse de la frange la plus intégriste, qui pense toujours qu’un avion est rempli de touristes. Il suffit de regarder la liste des 20 lignes les plus fréquentées au monde (Séoul-Jeju par exemple en N°1) pour se rendre compte que l’avion est avant tout le moyen de faire tourner l’économie mondiale, et donc de donner de l’emploi aux gens.
Le deuxième responsable est le touriste lui-même, en tout cas le «mauvais» touriste: celui qui vient en masse coloniser une station de villégiature, celui qui se comporte comme un animal ne le ferait pas, en étant ivre et agressif dans les avions, en laissant des tonnes de déchets derrière lui, en affichant son dédain et son irrespect total pour la population locale.
Et enfin, les troisièmes responsables, ce sont les habitants d’une destination touristique eux-mêmes, qui parfois se moquent des touristes, les traitent avec mépris, les roulent financièrement, les harcèlent, sans comprendre que sans eux, leur niveau de vie serait sensiblement affecté. Nous en avons fait quelques fois l’expérience.
Pour ces trois catégories bien différentes, que l’on pourrait résumer comme suit: les crétins, les grossiers, les malhonnêtes, pour ceux-là on peut avoir honte. Heureusement, il y a aussi tous les autres, et ils sont largement majoritaires: les touristes qui viennent profiter sans ostentation de congés bien mérités, ceux qui s’intéressent aux populations locales et leur font bénéficier de leur consommation civilisée, ceux qui refusent de se laisser attraper par les «pièges à touristes».
Le tourisme est de très loin le premier facteur de paix dans le monde, et sa seule arme transportable est son sourire. Il contribue à la connaissance des peuples, aux échanges fraternels, au partage des richesses, matérielles comme morales.
Honte donc à ceux qui condamnent le tourisme, et même à ceux qui se contentent de le critiquer !
