Qu’aurait pensé Charlemagne de nos multiples reconversions professionnelles?

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Aujourd’hui, les experts nous disent qu’il faut changer plusieurs fois de métier ou de statut dans notre vie professionnelle. Les uns trouvent cela passionnant, d’autres trouvent plutôt angoissant. Rappelons-nous que du temps de Charlemagne, la mobilité sociale était interdite, et que chacun devait rester à sa place.

Le personnel de Proximus aujourd’hui, celui de Carrefour hier et celui de la banque ING avant-hier ont connu les affres des « plans sociaux » massifs ou assimilés.

Ils ne sont pas les seuls : régulièrement des entreprises qui ont pignon sur rue avouent devoir se séparer d’une partie de leur personnel. Au-delà des explications spécifiques, ce qui revient sans cesse dans la bouche des experts, c’est que désormais, nous sommes assignés non pas à résidence, mais tout le contraire. Nous devons et devrons de plus en plus faire preuve de souplesse, nous adapter sans cesse, et surtout nous former en permanence pour rester pertinent aux yeux de nos employeurs.

Les uns trouvent cela excitant et passionnant. D’autres, au contraire, s’inquiètent de cette future vie où le changement sera permanent et donc angoissant à leurs yeux. Mais, avec le recul historique, les angoissés du changement pourraient changer d’avis.

C’est ce qu’a démontré le site Slate.fr en posant la question suivante : qu’aurait pensé Charlemagne de nos reconversions professionnelles en série ? La question mérite d’être posée, car le grand Charlemagne ouvrait l’un des capitulaires par cette recommandation : « que chacun reste dans sa profession sans jamais en changer ».

Quand on sait qu’aujourd’hui 9% des personnes actives ont au moins changé une fois dans leur vie de métier, pareille injonction à rester dans sa profession nous étonne. D’abord, Slate.fr rappelle que les historiens savent qu’il faut réinscrire cette interdiction de changer de métier dans son contexte.

« Je ne dis pas qu’un changement n’est pas parfois traumatisant, mais par rapport aux siècles passés, quelle liberté ! »

Le terme latin utilisé est « professio » qui désigne à l’époque une déclaration de foi. Autrement dit, ce que vise ici Charlemagne, ce sont les clercs, ceux qui ont prononcé des vœux qui leur interdisent de quitter leurs habits. Mais la suite du cartulaire précise aussitôt que les laïcs doivent eux aussi rester dans leur condition.

En fait, ce que cherche à faire Charlemagne, c’est empêcher au maximum la mobilité sociale. Attention, qu’un boulanger devienne cordonnier ne pose pas de souci à Charlemagne selon les historiens. Mais ce qu’il ne veut pas, c’est qu’un paysan devienne artisan ou qu’un artisan devienne chevalier. A l’époque, ce genre de changement n’était pas toléré, la société médiévale de l’époque ne souhaitait qu’une chose la stabilité : chacun à sa place, aucun changement, aucune évolution, de grâce!

Charlemagne comme d’autres souverains de l’époque aimait la stabilité, car ils avaient peur des révoltes ou de ce qu’on appellerait aujourd’hui des coups d’Etat. L’idéal de Charlemagne, c’est que tout le monde garde sa place, occupe une place fixe. C’était l’idéal social de l’époque : une hiérarchie sociale figée pour l’éternité.

Donc, quand aujourd’hui, certains experts nous disent qu’il faut s’habituer à changer de métier, de job ou de fonction, il faut se rendre compte que du temps de Charlemagne, et même bien après, les « citoyens » de l’époque auraient rêvé être à notre place.

A l’heure actuelle, n’importe qui peut se former et décider de devenir quelqu’un d’autre, il n’y a aucune barrière et les formations sont souvent subsidiées ou disponibles à des prix attrayants. Je ne dis pas qu’un changement n’est pas parfois traumatisant, mais par rapport aux siècles passés, quelle liberté! Voilà un beau sujet de débat autour de la machine à café…

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