J’entends souvent dire que la Belgique se contente de suivre ce que fait la France en matière de lutte contre la pandémie et de reconfinement. Ce n »est pas tout à fait juste. La preuve, en Belgique, les librairies restent ouvertes alors qu’en France, elles sont fermées. Ce qui prouve qu’en Belgique, nous n’avons pas choisi d’assigner le soi-disant superflu.
Entre Danone et Voltaire, la Belgique a fait le choix de garder aussi Voltaire et tant mieux. En revanche, le point commun entre nos deux pays dans ce triste reconfinement, c’est que les commerces sont fermés mais avec une variante par rapport au confinement saison 1.
Ici, les grandes surfaces sont priées de condamner leurs rayons qui ne comportent pas des produits essentiels. L’idée étant d’avoir une équité et d’éviter que les grandes surfaces ne fassent une concurrence déloyale aux petits commerçants et autres boutiques spécialisées dans la vente de jouets par exemple. Inutile de vous dire que si c’est compréhensible, ce genre de décision rend fou les gérants de supermarchés.
D’abord, parce qu’ils doivent définir précisément les produits non essentiels. Rien que ça, c’est parfois un casse-tête. Ensuite, il y a la logistique qu’il faut adapter, il y a parfois moins d’un mètre entre un maquillage – produit non essentiel et donc interdit – et un produit d’hygiène – donc essentiel et non interdit.
Et puis, que faire des personnes qui s’occupent de ces rayons non essentiels ? Les mettre au chômage ou les réaffecter ? Heureusement, ce qui sauvera sans doute les supermarchés, c’est que les rayons non alimentaires avaient perdu de l’importance dans leur chiffre d’affaires au fil du temps, à cause notamment de la concurrence du e-commerce.
Et justement, la grande crainte des commerçants, au-delà de perdre de précieuses semaines à la veille des fêtes – notamment les magasins de jouets qui font l’essentiel de leur chiffres d’affaires entre la Saint Nicolas et la Noël- c’est de voir Amazon et ces petits frères, Bol.com ou Cool Blue prendre des parts de marché à tous ces commerces.
La crainte est légitime face à l’ogre Amazon. Mais à l’inverse du premier confinement, nos commerçants – du moins ceux qui tiennent encore debout – ne partent plus d’une page blanche, les plus dynamiques d’entre eux ont fourbi leurs armes, tiré les leçons du premier confinement et investi dans la digitalisation. Et grâce aux retraits des commandes en magasin, ces commerçants ont une soupape. Elle est maigre mais elle existe quand même.
C’est fou comme le monde change. Hier, lors du premier confinement, les supermarchés étaient considérés comme nos héros. Et aujourd’hui, ils changent de statut et deviennent les concurrents déloyaux de nos petits commerçants. Pourtant, les caissières n’ont pas changé de boulot mais le regard porté sur elles n’est déjà plus le même. Décidément, cette pandémie a l’art de renverser nos certitudes.