S’il y a bien un modèle économique qui marche bien, c’est celui d’Ikea. Pourtant, son nouveau patron a compris qu’avec la révolution numérique, rien n’est jamais garanti et qu’il faut savoir s’adapter…
Noyé par la jungle internet et les informations de basse qualité qui y pullulent, plus personne n’a une vision générale et on se focalise trop sur des détails inintéressants. Il faut donc rendre grâce à Philippe Escande, mon confrère du journal Le Monde, qui ne laisse pas son attention être détournée par des aspects secondaires. C’est lui, par exemple, qui a attiré mon attention sur le fait que même une icône du business comme Ikea est en train de changer. Et s’il y a bien une réussite exceptionnelle dans le business et de longue date, c’est celle de ce négociant en meubles.
La philosophie d’Ikea date en réalité de 1976. À l’époque, son fondateur rédige un testament, à l’âge de 50 ans, et qu’il intitule ‘testament d’un négociant en meubles’. Toute la philosophie de l’entreprise y figure: la frugalité et l’attention permanente portée aux aspirations des consommateurs. Tous les patrons qui se sont succédé à la tête de l’entreprise ont eu à cœur de respecter à la lettre cette philosophie… Sauf le dernier patron qui, en quelque sorte, est en train de réécrire ce testament légué en 1976. C’est en tout cas l’analyse établie par mon collègue du journal Le Monde.
« Quand le monde change, il faut savoir changer de modèle… »
En effet, d’ici peu de temps, il ne sera plus nécessaire de se rendre en périphérie des grandes villes, dans ces bâtiments de couleur bleue et jaune, pour chercher les meubles qui décoreront votre logement. Il ne sera même pas nécessaire d’aller sur le site Internet d’Ikea. Quant au montage, qui vous tue facilement une journée, il sera réalisé par un professionnel. Il s’agit donc bien d’une remise en cause du testament de 1976. Ikea vient en effet d’annoncer le rachat de la société américaine TaskRabbit, sorte d’Uber du meuble et qui, en plus, met en relation des consommateurs et des monteurs. Et enfin, juste après ce rachat, le patron d’Ikea a annoncé que ses meubles et ses accessoires seront désormais également disponibles sur d’autres sites que celui du géant suédois.
Cette dernière information est importante, car elle signe la fin des sociétés de distribution qui pensaient maîtriser toute la chaîne de la conception du produit jusqu’à sa vente finale. Le patron d’Ikea, en acceptant que d’autres sociétés vendent ses meubles et que d’autres intermédiaires que les siens montent ces mêmes meubles, s’éloigne donc de la philosophie de départ de son entreprise.
En réalité, le patron d’Ikea se rend compte que les magasins de périphérie sont à la peine et moins à la mode qu’auparavant. Il se rend aussi compte que les Amazon et autre Alibaba sont devenus incontournables. En fait, le journaliste Philippe Escande a raison de dire que les distributeurs d’aujourd’hui ne peuvent plus se payer le luxe de la distribution exclusive dans leurs seuls magasins.
Au fond, le véritable message du testament du fondateur d’Ikea reste valable: quand le monde change, il faut savoir changer de modèle…