A vrai dire, le débat de ce soir est le fruit d’une carte blanche, signée par 20 patrons belges, à la veille du scrutin du 26 mai dernier. En résumé, cette carte blanche expliquait que la complexité institutionnelle de notre pays ne devait pas être un prétexte pour l’enliser dans l’immobilisme.
Les signataires de cette carte déploraient aussi le fait que sur les grands sujets (que ce soit l’immigration, l’intégration, la mobilité, l’énergie, les pensions, l’environnement et la transition digitale), les politiques n’avaient pas d’objectifs clairs à horizon de 10 ou 20 ans.
Evidemment, lorsque des patrons prennent la parole, on doit les écouter surtout lorsque ceux-ci ont un pedigree qui plaide pour eux. Et l’argumentation patronale n’est pas dénuée de fondement. La Belgique, par exemple, est connue pour être un pays riche. Or, nous avons officiellement 1,6 million de pauvres, donc des personnes qui ne perçoivent que 60% du revenu médian belge.
Question : comment est-ce possible alors que nous sommes sur le podium des pays les plus taxés au monde ? De même, alors que la révolution numérique impose à nos enfants d’avoir une plus forte qualification, comment se fait-il que dans les tests PISA, la Wallonie et Bruxelles sont en bas du classement ? Là encore, comment expliquer ce mauvais score alors que 54% de la richesse nationale part sous forme de prélèvements fiscaux et sociaux?
Faut-il le préciser, la plupart des politiques n’aiment pas qu’on leur donne des leçons. Ils ont horreur de cela, surtout si cela émane de patrons d’entreprise souvent mieux payés qu’eux. Sur le papier, ils ont en partie raison : gérer un pays ou une Région est infiniment plus complexe que diriger une société anonyme.
D’abord, parce que les politiques sous soumis au temps « court » des médias et des réseaux sociaux. Comment se focaliser sur l’avenir quand tous les jours les médias et les réseaux sociaux vous demandent de réagir à l’actualité du jour ? Ensuite, parce qu’en politique, surtout en Belgique, la règle est la coalition et pas l’unanimité comme dans le monde de l’entreprise.
Or, la coalition, c’est l’autre nom du consensus, et si le consensus permet d’éviter les grosses bêtises (BREXIT), il empêche aussi de saisir les belles opportunités. D’où ce sentiment d’immobilisme. Et puis, si l’entreprise peut se permettre de ne pas être une démocratie (le chef décide et on suit), la vie politique, elle, est régie par la nécessité de réunir une majorité politique pour faire passer une loi, un arrêté ou un décret. Et cette démocratie est mise sous pression quotidienne par les syndicats, les ONG, les médias, les réseaux sociaux et les lobbies… patronaux.
Bref, les patrons peuvent inspirer les politiques, mais ils doivent aussi savoir qu’un pays ou une Région ne se gère pas comme une société anonyme, c’est nettement plus complexe !