Pascal Struyve, président de la BATM (Belgian Association of Travel Management), a fait le point pour Pagtour sur l’activité du voyage d’affaires en Belgique, sur l’évolution des prix du transport aérien, les difficultés de recrutement, les évolutions technologiques…
Le voyage d’affaires est confronté à de nombreux défis…
Pascal Struyve : 2023 sera une année importante pour notre industrie, notamment sur les questions de recrutement, les problématiques environnementales, des sujets liés à la distribution. Nous devons en effet nous réinventer, tenir compte des nouveaux usages du quotidien dans le domaine des technologies. Le format NDC va jouer un rôle de premier plan. La valeur ajoutée de l’agence n’est pas l’émission des billets mais bien les services annexes. Et la technologie doit aider à dégager plus de temps pour le conseil.
La question préoccupe le secteur du voyage aujourd’hui. L’évolution des prix des billets d’avion est-elle aussi un frein dans le voyage d’affaires ?
P.S : La hausse des prix est liée au fait que la demande est forte, alors que la capacité aérienne n’est pas encore revenue à ses niveaux antérieurs à la crise sanitaire. Cela est positif pour les compagnies aériennes. Et nous avons besoin d’avoir des partenaires en bonne santé. Pour répondre à la question : non, je ne pense pas que cette hausse des prix est un frein ! Car le prix n’est plus le facteur décisif. La notion de voyage essentiel s’est imposée.
La question est aujourd’hui la suivante sur le business travel : mon voyage est-il indispensable ? Ne peut-on le remplacer par une réunion en virtuel ? Pour des questions de durabilité, on y réfléchit en effet à deux fois avant de voyager. Et l’on met davantage aujourd’hui l’accent sur la notion de bien-être du voyageur. Mais il est probable que le prix d’un billet d’avion a aussi son importance, celle de se poser encore plus la question de la pertinence de son déplacement.
Pouvez-vous dresser une photographie du marché belge du voyage d’affaires ?
PS : Il est en grande partie composé de PME. On y trouve moins de multinationales que dans d’autres marchés européens voisins. Quant aux grandes entreprises de taille internationale présentes en Belgique, elles ont bien sûr recours aux acteurs mondiaux du business travel tels Amex GBT, CWT, BCD Travel ou FCM Travel.
L’important marché des petites entreprises, lui, est servi par des agences locales s’appuyant sur un bon mix entre loisir et affaires. Elles ne sont pas spécialement connues pour leur activité sur le business travel, mais n’en rendent pas moins un très bon service, et constituent une bonne solution pour répondre à la demande d’un marché fragmenté. Les grands réseaux d’agences de voyages sont peut-être davantage focalisés sur le loisir en Belgique que dans d’autres pays comme la France. Mais cela n’empêche pas certaines agences locales sous enseigne Avitour, Selectair ou Uniglobe de réaliser un volume considérable sur le voyage d’affaires. Et cette situation n’a pas vraiment changé ces dernières années.
Le secteur n’en rencontre pas moins des difficultés…
P.S : En effet. Nous avons par exemple des problèmes pour recruter et parfois aussi pour fidéliser, surtout depuis la pandémie qui a eu évidemment un impact énorme sur notre industrie. Certains ont quitté la profession et ne sont pas revenus. Il faut du temps pour convaincre des professionnels pourtant passionnés de revenir, et trouver de nouveaux talents. Et le résultat n’est pas toujours au rendez-vous. J’ajouterais que la communication autour de notre industrie n’a pas toujours été très positive. On a entendu des propos assez sombres sur le fait qu’une partie très importante des voyageurs d’affaires n’allaient plus revoyager.
Revenons à votre association. Combien avez-vous de membres au sein de la BATM ?
P.S : Nous sommes environ 200, et cela inclut les entreprises dès la première fois où l’un de leur représentant se rend à l’un de nos événements. Depuis la pandémie, nous sommes dans la reconstruction de notre base de membres corpo, comme pas mal d’autres associations en Europe. Je précise que cette base, outre bien sûr les travel managers et acheteurs voyages, compte de nombreuses assistantes dont le rôle est primordial dans les petites entreprises.
Comme je le disais précédemment, beaucoup de membres ont en effet quitté le métier ces trois dernières années, sans toujours être remplacé. Nous constatons par ailleurs, avec le développement du télétravail, que la participation aux événements des associations s’est un peu réduite. Il est pourtant essentiel que la présence sur nos événements soit importante. Et nous nous félicitons de constater cette année une forte participation – entre 70 et 80 personnes – sur nos dernières manifestations. Il est également important qu’il y ait un bon mix entre d’un côté les membres corpo et de l’autre les fournisseurs et autres prestataires de services (TMC, hôteliers, transporteurs, technologie, formation…) qui sont une quarantaine au sein de la BATM.
Quels sont vos grands événements ?
P.S : Nous en organisons cinq importants dans l’année, souvent sur une demi-journée, quatre en Belgique et un à dimension plus internationale. La prochaine édition de ce dernier se tient le 15 juin prochain aux Pays-Bas, un événement Benelux organisé en partenariat avec l’association NATM (l’association néerlandaise du travel management, ndr) et l’Université de Breda.
Qu’en est-il des nouveaux acteurs qui se veulent disruptifs sur le marché du voyage d’affaires, tels Navan (ex-TripActions) et TravelPerk, voire des acteurs français plus modestes comme TravelPlanet et TravelExpert ?
P.S : Les grands acteurs que vous citez ne sont pas très actifs sur le marché belge. Cela ne veut pas dire qu’ils ne passeront pas à l’offensive demain. Cela apporterait de la nouveauté, un surcroit de concurrence. Mais leur priorité est clairement de s’attaquer à des marchés de plus grosse taille aujourd’hui.
Quid de l’activité MICE ?
P.S : Un nombre assez important de nos membres ont aussi cette responsabilité-là, ont à la fois une activité Travel et tourisme d’affaires. Nous essayons de mettre en avant une option MICE lors de nos événements, sans pour autant en faire un focus spécifique. C’est une évolution dont nous tenons compte, tout autant que les nouvelles problématiques de la mobilité.
Un mot enfin sur les dossiers chauds traités dans le cadre de la BT4Europe…
P.S : Ce réseau européen d’associations dédiées au travel management, dont nous faisons partie, est le bon niveau pour traiter un certain nombre de sujets. Il y en a trois majeurs, la durabilité, le digital, et depuis plus récemment la valeur ajoutée apportée par le voyage d’affaires. Les résultats donnent satisfaction, bien que ces travaux nous engagent sur le moyen et long-terme.
Le sujet qui me tient le plus à coeur est celui de la durabilité. C’est probablement le plus urgent du moment. Sur ce point, nous devons notamment nous rassembler autour d’un standard sur le calcul des émissions de CO2. Mais il ne faut pas trop se faire d’illusions à court terme…