Les gilets jaunes expriment un malaise au sein d’une partie de la population. Pourtant, les chiffres montrent que si le malaise peut se comprendre, il doit aussi être nuancé car le monde ne va pas aussi mal qu’on veut nous le dire par médias interposé. Amid Faljaoui, notre chroniqueur éco, nous apporte ces nuances.
Parfois, l’actualité semble broyer du noir comme c’est le cas aujourd’hui avec le phénomène des gilets jaunes.
Raison pour laquelle il est toujours intéressant d’écouter des vieux sages comme ce fut le cas pour moi hier midi.
Dans le cadre d’un exposé au Cercle de Wallonie, j’ai pu écouter les propos d’Herman Van Rompuy, l’ancien président du Conseil européen et par ailleurs ancien ministre en Belgique.
C’était un vrai bonheur. Comme il est économiste de formation, il a eu à cœur de rappeler quelques faits. Or, les faits et les chiffres ne sont pas discutables comme nous le savons tous.
L’Europe ? On l’oublie trop souvent, mais elle a survécu à la crise de 2008, et même si les gilets jaunes nous rappellent que tout est loin d’être parfait, l’Europe a tout de même créé ces dernières années 12 millions d’emplois.
La croissance économique, parlons-en. Je sais qu’elle ne résume pas tout mais elle est aussi de 2% en moyenne, c’est pas mal du tout.
L’euro ? Les experts américains ont annoncé sa mort à plusieurs reprises, une fois pour la Noël 2008 ou encore 2011 ou 2012. Or, l’euro se porte très bien et nous sommes en 2018.
La Grèce ? Elle était moribonde, et aujourd’hui elle a de nouveau accès – toute seule – aux marchés financiers pour financer sa dette publique.
Les Européens peuvent se dire qu’ils n’ont pas aidé mais sauvé la Grèce. Quant aux autres pays comme l’Espagne et le Portugal, ils ont souffert le martyr durant la crise, mais aujourd’hui, ils s’en sortent bien et la croissance économique est de retour.
Les déficits budgétaires ? On en parlait beaucoup durant la crise, et aujourd’hui, ce déficit est de 1% en moyenne en Europe contre 6% pour les États-Unis.
« Nous sommes dans un monde médiatique où la perception l’emporte sur la réalité des faits »
L’immigration illégale ? Elle fait les choux gras des médias et surtout de partis comme la N-VA.
Oui, sauf que la dernière campagne de la N-VA qui joue sur la peur du migrant oublie de dire que le flux de migrants issus du Proche-Orient a diminué de 97% par rapport à 2016 et de 80% pour les réfugiés d’Afrique.
Au-delà des aspects humanitaires que l’on peut bien entendu discuter, l’Europe a donc réussi à renverser les flux migratoires, mais qui en parle ?
La mer méditerranée faisait 25.000 victimes parmi les réfugiés, ce n’est plus le cas aujourd’hui même si chaque mort est une mort de trop. Mais là aussi, personne n’en parle.
Quant au volet climatique qui a fait défiler des dizaines de milliers de personnes à Bruxelles, là aussi, il y a des progrès dont on ne parle pas assez.
Entre 1990 et 2016, il y a eu une diminution des gaz à effet de serre de 22% alors que pendant la même période le PIB a augmenté de 54%. Ça veut dire quoi? Que nous tous, collectivement, avons découplé la croissance économique et l’augmentation des effets de serre. Est-ce assez ? Non, bien entendu, mais qui parle de ce découplage entre croissance et pollution ? Personne ou presque !
En réalité, Herman Van Rompuy a raison : nous sommes dans un monde médiatique où la perception l’emporte sur la réalité des faits.
Prenons le cas de toutes ces personnes en Europe qui votent pour des partis nationalistes qui prônent le repli sur soi. C’est leur choix, mais ont-ils compris que pour le climat, la croissance, la guerre commerciale, le terrorisme et j’en passe, les solutions sont TOUTES internationales, c’est-à-dire qu’elles demandent une coopération entre tous les pays, les continents et pas un repli sur soi !
Mais comme le fait aussi remarquer Herman Van Rompuy, si une partie des citoyens a peur, c’est aussi parce que le monde comporte trop d’incertitudes, trop d’inconnues.
Et l’être humain a besoin de balises, de repères, donc de calme, d’apaisement et ce monde, c’est vrai, va souvent plus vite que notre capacité d’adaptation. D’où ce malaise qui parfois surgit de manière violente ici ou là.