Les 3.000 m² de l’espace muséal installé dans la gare de Liège-Guillemins sont cette fois consacrés à Napoléon Bonaparte dont on célèbre ce 5 mai le bicentenaire de la mort. « Napoléon au-delà du mythe » propose en effet une approche objective et critique qui permet de découvrir différentes facettes de cette personnalité hors normes.
Napoléon à Liège
Un espace est dédié aux Liégeois qui croisèrent la route de Napoléon. Au moment de la Révolution française, nos régions font partie de l’Empire autrichien à l’exception de Liège, capitale d’une principauté indépendante gérée par un Prince-Evêque. En 1792, la France en guerre contre l’Autriche envahit les Pays-Bas autrichiens qui deviennent le terrain de nombreuses batailles, conquêtes et reconquêtes jusqu’à ce que nos régions soient définitivement annexées par la France en 1795.
Cependant l’armée autrichienne en retraite causera d’importants dommages dans les villes où elle passera, entre autres à Liège où elle détruisit le quartier d’Amercoeur. Quand Napoléon Bonaparte, alors Premier Consul de la République française, se rend à Liège en 1803, il s’émeut de la misère de la population et décrète qu’une somme de 300.000 francs devait être versée au département de l’Ourthe à qui il donne la mission de reconstruire le faubourg.
Heureux de son séjour il confie à Ingres dont ce fut la première œuvre marquante, d’immortaliser son séjour. Une copie de cette toile où Napoléon a la main posée sur le décret qu’il signe en faveur d’Amercoeur est aussi à découvrir dans l’exposition.
Un autre lien et non des moindres est à citer en se souvenant que Napoléon est celui qui a institué la Légion d’Honneur en 1802 car il voulait une décoration de première importance pour récompenser ses soldats et ses officiels mais aussi ses sujets méritants. Deux Liégeois reçurent cette distinction, Hubert Goffin un mineur ansois qui parvint à sauver la vie de 70 hommes piégés par une inondation dans une mine de charbonnage, et Grétry, le musicien préféré de Napoléon, le seul musicien invité à la cérémonie du Sacre et installé dans la loge d’honneur.
L’homme au-delà du mythe et son héritage
Napoléon, quoique pensent certains, est un héritier de la Révolution, il était enthousiasmé par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789. Sans aucun origine noble, il n’aurait d’ailleurs jamais pu atteindre le titre glorieux de général si la Révolution ne lui avait pas ouvert cette porte.
A peine nommé Premier Consul, il n’aura de cesse de vouloir stabiliser la France en commençant son œuvre civile que l’on connaît moins que son aventure militaire. Pour relancer l’économie il crée la Banque de France en 1800 qui doit accorder de larges crédits aux entreprises en difficulté. Il inaugure par la suite la Chambre de Commerce de Paris puis la Cour des Comptes toujours d’actualité.
Il crée les lycées, le baccalauréat et dès 1806 une université impériale qui a tout d’une université d’État en charge de l’enseignement dans tout l’Empire. En 1804 il fait publier le Code Civil dont une part non négligeable est toujours en vigueur. Il s’appuie sur les principes de liberté et d’égalité pour imposer la même loi pour tous et partout dans l’Empire. Il impose la laïcité de la société et le droit pour chacun de pratiquer la religion de son choix mais il confisque les biens de l’Église qui seront désormais des biens nationaux.
Il crée le Sénat mais aussi les préfets qui doivent assumer des missions économiques, construire des routes, améliorer l’hygiène et la sécurité. Il fait tracer des canaux pour faciliter le commerce des marchandises et le déplacement des personnes et multiplie les fontaines pour amener l’eau dans les villes.
Il encourage la recherche et dès le Consulat il déclare la guerre à la variole avec une véritable campagne de vaccination. C’est aussi à cette époque que des chercheurs parvinrent à développer le sucre de betteraves pour compenser la perte du sucre de canne que la France ne parvenait plus à importer des Antilles.
On se demande parfois comment il a pu mener de front les affaires de l’État et ses campagnes militaires. C’était un homme qui était rapide et efficace, il dormait peu et il emmenait partout son bureau tout comme son lit de camp. Il se sentait porté par une mission et même à Waterloo, la rédaction de son livre testament, Le Mémorial de Sainte-Hélène, peut être considérée comme sa dernière victoire.
A son retour en Angleterre après le décès de Napoléon, le gouverneur Hudson Lowe, geôlier de l’empereur, fut accueilli avec des lancers de choux et autres fruits pourris, preuve de son impopularité auprès des Britanniques pour la dureté avec laquelle il avait traité Napoléon.
A l’inverse, le retour des cendres de Napoléon en 1840 en France sera triomphal, d’autant que les auteurs dits romantiques (Stendhal, Hugo, Chateaubriand, Vigny, etc) ont alimenté la fascination pour la personnalité de Napoléon.
L’exposition met aussi en lumière au moins quatre points qui ne font pas honneur à l’empereur : le nombre incroyable de morts engendrés par ses guerres, quel que soit le camp, l’absence de liberté d’expression pour les journaux de l’époque tous muselés ainsi que la situation de la femme inscrite comme inférieure à l’homme dans le code civil qui renforce l’autorité du père et du mari.
Enfin Napoléon est toujours associé au rétablissement de l’esclavage en 1802 dans les colonies françaises alors qu’il avait été aboli en 1794 par la Convention, décision prise sans doute sous la pression des planteurs de la Réunion et de la Martinique qui peuvent ainsi exploiter une main d’œuvre servile. Ce chapitre fait tache sur son héritage.
Napoléon est mort depuis 200 ans et depuis il ne cesse de rebondir. De son vivant il a fondé sa propre légende, en multipliant les portraits de lui sous toutes les formes et en livrant un livre testament de sa vie qui fut celle d’un météore puisqu’il décède à 51 ans.
L’historien Jean Tulard a compté que près de 80000 livres ont été publiés sur lui, soit plus d’un livre par jour, depuis son décès sans parler des films, documentaires, publicités, chansons, caricatures qui évoquent de près ou de loin la silhouette de ce personnage historique.
Texte : Christiane Goor Photos : Charles Mahaux
Infos pratiques : Un site www.europaexpo.be. L’exposition se tiendra sur le site de la gare Liège Guillemins jusqu’au 9 janvier 2022. Le ticket est à prendre en ligne, le prix d’entrée inclut un audio-guide. Une réduction de 50% est accordée sur le prix du voyage en train jusqu’à l’exposition (trajet aller-retour)