Mes tristesses européennes

Comme je le dis de temps en temps, je suis un homme du monde (dans le sens « planète ») ; un Européen (dans le sens « convaincu ») ; un Belge (dans le sens « Mohican ») et un Bruxellois (dans le sens « Manneken Pis »). Dans ce credo, il y a l’Européen convaincu. J’ai fait mes études à l’École Européenne de Luxembourg, du temps des « six » (eh oui, il y a longtemps) et mes amis étaient français, allemands, italiens, luxembourgeois, belges et néerlandais. Mes petites amies aussi.

Les cours étaient donnés en deux langues : français pour les mathématiques, le latin, le français (évidemment) et allemand pour les cours dits secondaires comme l’histoire, la géographie, la musique, la gymnastique (eins, zwei…). Les professeurs étaient évidemment des six nationalités. Et quand un professeur d’histoire vous raconte la guerre de 40/45, alors que ses parents, résistants, ont été fusillés par les Nazis, vous avez une autre perception de la guerre. Il y avait les Allemands et les Nazis. Et il y avait aussi des soldats allemands qui n’étaient pas nazis. Les Allemands ont souffert aussi, surtout à l’Est. Aujourd’hui, j’ai de l’affection pour les Allemands.

Voilà ce que j’ai appris quand j’avais quinze ans

Et je suis devenu un vrai Européen, avec des amis dans les six pays. Qu’en est-il aujourd’hui ? Je suis profondément déçu et triste. L’Europe d’aujourd’hui, ce ne sont plus les enthousiastes des débuts, ce sont des fonctionnaires surpayés (ils prétendent le contraire, mais c’est ainsi), le cul rivé à leur chaise (fauteuil, plutôt) qui prétendent gérer l’Europe (à 27 ! Mission impossible, donc…) dans des domaines où ils n’ont aucune compétence. L’aviation, par exemple.

Prenez le cas Air France. Le gouvernement propose une rallonge de quelques milliards d’euros pour tenir le coup. La Commission accepte « à condition qu’elle cède des slots à Orly ». Mais dans quelle pièce joue-t-on ? C’est comme si on disait : « On accepte que votre mutuelle vous paie une béquille, mais on va vous couper un bras ! » On a connu ça avec Brussels Airlines, lors de la prise de participation de Lufthansa.

Air Transat

Ou alors Air Canada/Air Transat. Cette dernière est en difficultés. Seule solution pour éviter la faillite, une reprise par Air Canada. Ah non ! Les dogmatiques de la concurrence à Bruxelles trouvent que ce ne serait pas acceptable et le font savoir aux intéressés. Résultat, à Montréal, on a décidé de renoncer. Et Air Transat va crever avec son personnel.

Merci, Bruxelles. Mais de quoi se mêle la Commission ? Si elle veut flinguer l’aviation (c’est sans doute le cas, compte tenu du nombre d’écologistes au rond-point Schuman), elle ne s’y prendrait pas autrement.

J’ai toujours dit aux grands patrons des compagnies de se battre avec d’autres armes. Comme, par exemple, en blacklistant les fonctionnaires ou commissaires européens, voire les juges de la Cour de Luxembourg (qui décident par exemple que s’il y a une grève surprise, ce sont les compagnies qui sont responsables et qui doivent indemniser les passagers) qui leur font du tort.

Le jour où les dogmatiques seront exclus des avions, il leur restera le camping-car. De toute façon, ils demandent des billets gratuits.

Alors, oui, aujourd’hui, ma fibre européenne prend des coups. Même dans le métro. Comme je n’ai pas de smartphone pour plonger mon nez dedans, je regarde. Et vous le voyez, ce grand type grisonnant qui vous toise comme un manant ? C’est sûrement un fonctionnaire européen étranger. Gagné ! Il est descendu à Schuman. Mais mes amis de l’Ecole Européenne me manquent. Là, on avait l’impression de construire une Europe fraternelle. Celle que j’aime encore, finalement.

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