Les élections en Allemagne débouchent sur une instabilité politique avec une coalition très difficile à mettre en place. Résultat, les fans d’Angela Merkel seront ravis de savoir qu’elle sera encore là pour quelques mois, le temps que puisse se former un gouvernement au forceps.
Quel est le véritable bilan de la chancelière allemande après 16 années de pouvoir ? A lire la plupart des commentaires, c’est simple. Au-delà des éloges, ce qui revient souvent, c’est que Merkel a bien servi son pays et ses compatriotes, mais qu’en revanche, sur le plan externe, elle a manqué de leadership. En Europe, ce qui a souvent caractérisé la manière de décider d’Angela Merkel pourrait être résumé par un « trop peu, trop tard » comme l’écrivent joliment mes confrères des Echos (France).
Des doutes ? Souvenez-vous de la manière dont la crise de la zone euro a été réglée. Les Allemands, Merkel en tête, ont d’abord voulu punir la Grèce et les autres pays du sud, en imposant des conditions d’austérité draconiennes. Ca c’est « le trop peu » d’aide en l’occurrence. Ensuite, Merkel a lâché du lest quand l’austérité a montré qu’elle avait un effet contraire à celui escompté, et ça c’est « le trop tard » !
Au niveau de sa politique externe, les commentateurs lui reprochent aussi d’avoir été la « Suisse » de la zone euro. Autrement dit, d’avoir été neutre uniquement parce que l’intérêt de son pays le lui a commandé. Des exemples ? L’Allemagne condamne officiellement la Russie dans le dossier Ukrainien mais elle continue de construire le gazoduc qui contourne l’Ukraine (Nord Stream 2). Donc, dans ce dossier, Merkel s’acoquine avec Poutine, quitte à renforcer très fortement la dépendance énergétique de l’Europe à l’égard du gaz russe. Merkel insiste sur le respect des droits de l’homme pour la Chine, mais – en même temps comme dirait Emmanuel Macron – elle fait tout pour avantager son industrie automobile au sein de l’Empire du Milieu.
La même neutralité « intéressée » prévaut aussi à l’égard des Etats-Unis. La politique étrangère de Merkel, c’est : on ne se fâche avec personne et donc on refuse de choisir. Mais soyons de bon compte, les Allemands, eux, sont ravis du bilan de « Mutti », le surnom de la chancelière. Il n’y a qu’à voir la cote de popularité d’Angela Merkel auprès de ses compatriotes.
En réalité, sur le plan économique, elle doit tout à Gerhard Schröder, son prédécesseur qui a pris des décisions difficiles. Décisions qui lui ont d’ailleurs coûté son poste, ce qui est une bonne piqure de rappel pour tout candidat ministre ou président : attention, les citoyens dans leur ensemble réclament la vérité, mais gardez à l’esprit, qu’ils ne votent jamais pour celui ou celle qui dit la vérité ou agit en conséquence. Malgré ce bémol historique, les Allemands savent gré à leur chancelière d’avoir aidé à faire de leur pays la première puissance économique de l’Europe alors qu’il était considéré comme « l’homme malade de l’Europe », il y a plus de 20 ans.
Juste pour vous donner une comparaison, si la population allemande est 20% plus importante qu’en France, le PIB – la richesse nationale allemande – est 46% plus élevé que dans l’Hexagone. Encore une fois, comme tout bilan, il faut nuancer : et c’est vrai aussi qu’il y a des trous dans la raquette, notamment le retard pris dans les infrastructures publiques et l’arrêt brutal du nucléaire qui pose aujourd’hui d’énormes soucis. Seule certitude, la personne qui lui succédera va découvrir bientôt que c’est au pied du mur qu’on voit… la hauteur du mur !