Des régulateurs du monde entier se sont réunis le 23 mai dernier aux États-Unis pour discuter d’une éventuelle remise en service du Boeing 737 MAX. Parallèlement, la FAA examine actuellement le logiciel correctif proposé par Boeing et envisage déjà une remise en ligne.
Après avoir suivi de près les développements de cette affaire et les révélations de ces derniers mois, les pilotes européens sont extrêmement préoccupés par le fait que la FAA et Boeing envisagent une remise en service sans aborder les nombreuses et délicates questions soulevées par la philosophie de conception de la version MAX8 de cet avion.
En particulier, comment imaginer que ceux qui ont conçu et certifié l’avion puissent être capables d’approuver un remède sans s’être remis eux-mêmes en cause ? La transparence et l’indépendance de l’AESA doivent jouer un rôle fondamental pour redonner confiance aux pilotes et aux voyageurs européens.
Rappelons que les deux tragiques accidents de ces derniers mois ont mis en lumière des failles critiques dans la conception du système, dans sa certification initiale et son suivi, ainsi que dans la formation des pilotes.
L’ECA (European Cockpit Association) déclare : « Selon nos informations, un seul capteur aurait été choisi pour alimenter un système aussi essentiel pour le vol que celui du MCAS, ce qui le rend extrêmement vulnérable. La formation des pilotes ne comportait aucun entraînement à l’utilisation de ce système, qu’il soit en panne ou en bon fonctionnement ». Ceci dans un seul but : permettre à l’aéronef d’être classé dans la même catégorie que les précédentes versions du B737, épargnant ainsi aux transporteurs le coût d’une nouvelle formation des pilotes de B737 de types plus anciens lors de leur passage sur B737MAX.
Les aspects économiques auraient-ils été privilégiés à une conception plus sûre de l’avion ? Existe-t-il d’autres systèmes dans lesquels la même logique de conception a été appliquée ? Il est impossible de le savoir sans le regard d’une autorité indépendante. Pourtant, c’est bien aux pilotes qu’il revient de piloter les avions en toute sécurité. Or, notre liste de questions sur cette affaire ne cesse de s’allonger.
Ainsi, la difficulté à distinguer le rôle de concepteur de celui des autorités de certification n’est-elle pas inquiétante ? De tels modèles de « certification déléguée » existent-ils ailleurs ? Comment un concepteur et un certificateur qui ont précédemment failli en approuvant la mise en service d’un avion déficient peuvent-ils apporter à présent une solution de manière crédible sans une remise en cause importante ? Boeing et FAA se doivent de prendre enfin leurs responsabilités et faire preuve de transparence dans cette affaire.
L’Agence Européenne de la Sécurité Aérienne (AESA) a un rôle clé à jouer en Europe en fournissant aux pilotes et aux voyageurs des garanties de transparence et d’indépendance. Le 18 mars dernier, Patrick Ky, le directeur exécutif de l’AESA, a pris des engagements forts devant le Parlement européen. Concernant la remise en service du 737 MAX8, l’Agence européenne a défini des prérequis sur les modifications de conception, sur les conditions de recertification et de formation des équipages avant une éventuelle remise en service de l’appareil.
Le SNPL et ses partenaires de l’ECA, conscients de l’importante pression commerciale liée à cette affaire, invitent l’AESA à faire plus que jamais preuve de rigueur et d’indépendance durant l’examen de ces prérequis. Car, pour les pilotes, accepter les seuls points de vue de Boeing et de la FAA ne saurait suffire.