Le duel pour le second tour entre Macron et Le Pen n’est plus un duel entre la gauche et la droite, mais entre les représentants des gagnants et des perdants de la mondialisation. C’est une nouvelle lutte des classes qui ne dit pas son nom et qui est tout aussi valable en Belgique qu’en France.
Emmanuel Macron doit faire attention s’il veut vraiment gagner le deuxième tour. Pour le moment, il n’a pas été à la hauteur des attentes. D’abord, par son discours faiblard durant la soirée du premier tour. Ensuite, par son diner avec ses amis dans une brasserie parisienne – la Rotonde – qui, tout en n’étant pas une brasserie luxueuse, a donné l’impression aux électeurs qu’il considérait sa victoire comme évidente au second tour.
Ensuite, parce qu’il s’est fait doubler dans l’affaire du site Whirlpool par Marine Le Pen. Bien sûr, le discours de Marine Le Pen avec les grévistes de l’entreprise et son attitude sont démagogiques, mais au journal télévisé, elle a marqué des points, elle donnait l’impression d’être aux côtés des travailleurs et de les comprendre, alors que Macron semblait déconnecté des réalités avec son entretien à huis-clos avec les représentants syndicaux de l’entreprise.
Les sondages montrent qu’il a déjà perdu quelques points depuis le premier tour. Et au-delà de ce constat, ce qui apparait en France, c’est que Macron est aujourd’hui le candidat des métropoles mondialisées, alors que la France des petites villes et des zones rurales vote souvent pour les partis contestataires, dont le Front National.
« Les partis traditionnels continuent de s’adresser à la classe moyenne alors qu’elle n’existe plus »
En fait, le danger, c’est qu’en France comme dans d’autres pays comme la Belgique, on ne soit pas conscient du fait que nous vivons le temps de la lente et progressive sortie de la classe moyenne de certaines catégories sociales qui hier encore en constituaient le socle. Les ouvriers sont les premiers à être sortis de cette classe moyenne, ensuite ce sont les employés, les paysans, et aujourd’hui une partie des professions intermédiaires.
Et c’est d’ailleurs cet affaissement de la classe moyenne qui explique le désintérêt pour les partis politiques traditionnels et l’essor du PTB, par exemple, en Belgique. Les partis traditionnels continuent de s’adresser à la classe moyenne alors qu’elle n’existe plus.
En France, la droite classique n’est plus audible que par les retraités, et l’électorat du PS est devenu résiduel. En clair, le clivage aujourd’hui ne se fait plus entre la gauche et la droite, mais entre les gagnants et les perdants de la mondialisation. Cette nouvelle fracture est en quelque sorte une nouvelle lutte des classes invisible mais qui se jouera au second tour.
Et si Macron l’emporte, Le Monde a raison d’écrire qu’il devra garder cela en tête, car en tant que représentant de la France d’en haut, il risque d’avoir une victoire à la Pyrrhus si la contestation des classes populaires n’est pas prise en compte.