L’élite politique, économique et médiatique qui nous gouverne n’a sans doute rien compris. Après avoir eu peur en 2017 d’une vague populiste en Europe, le coup d’arrêt porté aux partis populistes aux Pays-Bas et en France a laissé croire à cette même élite que ce péril populiste était stoppé.
Momentanément certes, mais arrêté quand même. Mais la victoire dimanche dernier aux législatives slovènes de l’ancien Premier ministre Janez Jansa démontre que ce n’est pas le cas. Le péril populiste n’est pas mort, il est même devant nous.
Pourtant, cet homme politique slovène n’avait pas un certificat de bonne vie et mœurs irréprochable. Janez Jansa avait en effet écopé d’une condamnation pour corruption qui lui avait même valu plusieurs mois d’emprisonnement en 2014. Mais les électeurs slovènes ont semble-t-il la mémoire courte, car cet homme politique a construit son retour en agitant notamment le spectre migratoire.
Bien entendu, la Slovénie est un petit pays et l’arrivée éventuelle d’un populiste au pouvoir ne remet pas en cause la construction européenne. Mais alors que penser de l’Italie, la troisième économie de la zone euro ? Le weekend dernier, on y a fêté la naissance du 1er gouvernement populiste d’Italie (M5S – Ligue) ? Là encore, à lire la presse, l’élite condamne sans détour l’arrivée de ces deux mouvements populistes italiens au pouvoir. Mais à quoi bon ?
Comme le soulignait l’économiste Michel Musolino, dans son ouvrage « la nouvelle imposture économique », si « l’offre politique est à ce point démagogique aujourd’hui, c’est parce que la demande politique ne vaut guère mieux ». Il ajoute même que « parmi les dix pays les plus pessimistes du monde, huit sont européens. »
« Les mécontents ne seraient que des personnes mal informées »
« Nos démocraties sont comparables à ces autocars dans lesquels on a attiré des personnes âgées pour des excursions à prix massacrés et que des bonimenteurs professionnels harcèlent pour qu’ils achètent des batteries de casseroles ou des matelas à des prix exorbitants »…
Et cet économiste de nous rappeler que c’est exactement ce qui s’est passé avec le Brexit : « on a appâté les Britanniques avec la promesse d’une excursion à bas prix, et on leur a vendu une batterie de casseroles qu’ils n’ont pas fini de traîner ». L’élite ne comprend pas ce qui se passe en ce moment en Europe. Elle pense avoir fait du bon travail, et comme le faisait remarquer le journal Le Monde, « les mécontents ne seraient que des personnes mal informées ».
Comme toujours pour justifier son point de vue, l’élite rappelle que la planète ne s’est jamais aussi bien portée. Que des milliards d’emplois ont été créés par la mondialisation, que la pauvreté extrême a reculé, que la mortalité infantile a été divisée par deux en 30 ans, que l’espérance de vie est de 75 ans contre 50 ans en 1960, etc.
Et la même élite ajoute, comme pour s’excuser, que forcément, en contrepartie de cette amélioration du niveau de vie mondial, il y a quelques perdants au Nord. Mais cette consolation morale ne fait pas l’affaire des classes moyennes et populaires de nos pays qui n’arrivent plus à régler leurs fins de mois. Et c’est ce nouveau précariat qui est en train de régler ces comptes avec les politiques.
Le « dégagisme » italien et slovène n’est au fond que l’expression d’une colère contre l’élite coupable selon eux d’avoir oublié le peuple. L’élite aveugle se souviendra des propos de Condorcet : « le suffrage universel peut conduire à la dictature des imbéciles lorsqu’il n’est pas assorti d’une instruction publique éclairant les peuples ».
Mais les véritables politiques auront, eux, à cœur de comprendre et de répondre au mal être d’une bonne partie de leur population. Et ce ne sera pas simple, car les mouvements populistes d’aujourd’hui sont défensifs et fatalistes, à l’inverse des mouvements nationalistes des années 30 (Allemagne, Italie, Japon) qui, eux, étaient conquérants.
Or, comme l’a redit à juste titre Emmanuel Macron, les réponses aux angoisses légitimes des citoyens sont des réponses « mondiales » ou « multilatérales » que ce soit en matière de migrations ou d’évasion fiscale. Et le problème avec les populistes, c’est qu’en jouant la carte du repli national, il mettent de côté la seule carte à jouer : celle de la coopération mondiale.