L’Islande, pays de geysers… et de bitcoins

Volcan islandais dans les nuages ©Hervé Ducruet

Au cœur des champs de lave islandais, se dresse une fabrique de bitcoins parmi les plus grandes au monde. Atelier hightech qui produit de l’or virtuel, le site est ultra-sécurisé et sa localisation précise est tenue secrète pour éviter les convoitises.

Grâce à ses sous-sols gorgés d’eau chaude qui fournissent de l’électricité en abondance et à bon prix, l’Islande est devenue un paradis pour les « mineurs » de cryptomonnaies comme le bitcoin, émis par des serveurs aussi puissants qu’énergivores.

Contrairement au dollar ou à l’euro, le bitcoin n’est pas émis par des banques centrales mais « miné », ou créé dans des « fermes » informatiques.

Dans le désert volcanique islandais, un hangar en tôle argentée d’apparence anodine abrite des machines, près de quatre autres bâtiments auxquels s’ajouteront bientôt deux entrepôts flambant neufs.

Cette « ferme » de la compagnie Genesis Mining porte le nom douteux de la première machine de chiffrement, Enigma, utilisée par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.

À l’intérieur du hangar, des dizaines de milliers de « mining rigs » (stations de minage) s’alignent sur 400 m2, créant un bourdonnement étourdissant proche de celui d’un gros porteur au décollage.

Une « mining rig » est une sorte d’unité centrale dotée d’une carte mère, d’une mémoire RAM, d’un disque dur, d’un processeur et de six cartes graphiques.

Son rôle ? Exécuter des algorithmes complexes permettant d’enregistrer une succession de transactions authentifiées et cryptées.

Cette technologie appelée la « blockchain » est souvent décrite comme l’équivalent numérique d’un livre de comptes qui serait inviolable et infalsifiable. Au total, 12,5 bitcoins sont ainsi créés toutes les 10 minutes dans les fermes de minage.

Un vent polaire qui fait du bien

« N’importe qui peut faire cela chez lui, sans entrave (légale) ni limite technique« , explique Philip Salter, représentant de Genesis Mining en Islande. N’étaient l’investissement colossal, les coûts de production et de maintenance à une échelle industrielle – la seule à même de créer une économie du bitcoin digne de ce nom -, précise le jeune ingénieur allemand de 25 ans.

Car les machines, branchées sur le secteur, tournent 7 jours sur 7 et 24h/24. Sur les quelque 17 millions de bitcoins en circulation dans le monde, une partie encore modeste est « made in Iceland » mais la petite île de l’Atlantique nord entend monter en puissance et récupérer les bénéfices de la guerre lancée par les autorités chinoises contre cette monnaie viruelle.

L’Islande offre en effet des conditions uniques au monde pour la production de cryptomonnaies, en raison de son énergie géothermique bon marché et 100 % renouvelable.

Le kWh hors taxes (0,065 euro) y est en moyenne deux fois moins cher que dans l’Union européenne (0,114 euro), selon les données d’Eurostat pour 2016, ce qui fait de l’Islande l’une des nations les plus compétitives d’Europe derrière la Serbie, la Macédoine et la Bosnie.

Et la température moyenne annuelle sur l’île est d’environ 5°C. Ce qui est idéal pour éviter la surchauffe, et parfait pour limiter mécaniquement le besoin de consommation énergétique.

Le vent polaire est aspiré par une batterie de ventilateurs, puis filtré et mélangé avec la chaleur que dégagent les ordinateurs – jusqu’à 80°C – et permet de maintenir la température des stations de minage entre 5°C et 25°C.

Fjord d’Ólafsfjörður ©Hervé Ducruet

L’Islande affiche complet

Auparavant Genesis Mining, créée fin 2013, était installée en Bosnie, ses concurrents majeurs étant en Chine ou aux États-Unis.

Comme elle, de nombreuses sociétés de « fermes » informatiques convoitent une place en Islande.

« La demande a augmenté de façon exponentielle, particulièrement ces trois derniers mois« , se félicite Johann Snorri Sigurbergsson, responsable du développement chez l’électricien HS Orka.

Et ce malgré la volatilité du bitcoin, qui évolue actuellement autour des 10.000 dollars après avoir approché les 20.000 dollars en décembre puis chuté sous les 6.000 dollars début février.

« Le prix du bitcoin n’est pas un très bon indicateur de la performance de l’industrie de minage« , analyse Philip Salter, qui dit craindre plutôt la concurrence dans une filière en plein essor. Selon les estimations de HS Orka, les trois plus grosses compagnies propriétaires de data centers et « fermes » de cryptomonnaies devraient consommer en 2018 plus d’électricité que les 350.000 habitants de l’île.

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