Sous le titre « Le coronavirus va-t-il mettre fin au tourisme de masse ? », le magazine en ligne Uzbek & Rica tente de mesurer l’étendue de la catastrophe. Les chiffres qu’il cite ne sont guère encourageants, et les spécialistes qu’il a consultés se montrent plutôt sceptiques quant à une reprise prochaine…
En l’absence du « flux constant de visiteurs » auquel est habituellement soumis le Vieux Continent, l’industrie européenne du tourisme devrait accuser « une perte financière d’environ 1 milliard d’euros par mois ».
À elle seule, l’Italie — qui enregistre le triste record du plus grand nombre de cas confirmés : près de 100.000 à la date d’hier — pourrait perdre 7,4 milliards d’euros de recettes d’ici mai 2020, selon les estimations de l’organisation Confturismo-Confcommercio.
Outre-Atlantique, l’institut Oxford Economics estime que le tourisme pourrait accuser un impact « six fois supérieur à celui causé par le 11 septembre », avec « 4,6 millions d’emplois en moins », qui pourraient faire grimper le taux chômage américain jusqu’à 6,3 % au cours des prochains mois, contre 3,5 % actuellement.
Le besoin urgent d’un vaccin
A supposer que les activités économiques reprennent normalement d’ici quelques mois, combien de temps faudra-t-il aux touristes pour revenir à leurs habitudes ? Tout pourra-t-il vraiment se remettre en place comme avant ?
Les projections de certains scientifiques, qui estiment que les mesures de distanciation sociale devraient être appliquées pour une durée « d’un an, voire plus », semblent suggérer le contraire.
Certains, comme le docteur Bruce Aylward de l’OMS, mettent aussi en garde contre le risque d’un retour du virus au cours d’autres saisons si un vaccin n’est pas trouvé d’ici-là.
Le long haul en pause
« Rien n’arrête durablement le tourisme, même une crise très grave », tempère Eudes Girard, professeur agrégé de géographie, spécialiste du tourisme et par ailleurs … de Tintin : « une fois l’épisode du coronavirus derrière nous, les bonnes et les mauvaises habitudes reprendront, inexorablement. Suite au premier choc pétrolier, la crise de 1973-1974 avait également bloqué les flux, mais c’était reparti à la hausse immédiatement après. Mais on a aujourd’hui des flux touristiques de plus en plus lointains, ce qui n’était pas le cas auparavant. C’est un phénomène qui va être mis en pause un certain temps, mais qui peut reprendre assez rapidement ».
Le retour de l’overtourism
Le tourisme de masse devrait donc facilement se remettre de la crise actuelle.
Même si des rejets localisés, déjà existants avant l’apparition du Covid-19, pourraient s’en trouver renforcés, comme avec le mouvement Tourists go home à Barcelone ou Venise : ces processus vont réapparaître dès lors que le tourisme réapparaîtra et pourraient même se multiplier et monter en intensité.
Tourisme, oui, mais plus près…
Le développement d’un tourisme de proximité, relativement local et durable, pourrait aussi bénéficier d’un regain d’intérêt après la crise. S’il a toujours existé comme une option par défaut pour les vacanciers limités par le budget, il constitue aussi de plus en plus un choix délibéré, voire engagé, auprès d’une partie des classes aisées, à la recherche de déplacements ayant un moindre impact environnemental.
« On peut penser que ces tendances seront remises en avant au début de la sortie de crise, mais de façon ponctuelle », analyse Eudes Girard avec un certain scepticisme. En réalité, les tendances d’écotourisme existaient déjà bien avant la crise : « elles se sont mises en place à la fin des années 1990 dans les pays anglo-saxons, et beaucoup d’agences se sont tournées vers elles par la suite. Cela pourrait être renforcé après la crise du coronavirus, peut-être pas à long terme mais au moins temporairement ou dans un premier temps, par effet de bonne conscience ».
[Avec Uzbek & Rica]
Cela étant, il ne faudrait pas se réjouir trop vite, comme certains, de ce que l’« avantage » de la crise que nous vivons serait une chute spectaculaire de la pollution : c’est évidemment un point de vue à court terme, juste bon à donner du grain à moudre aux écolos-terroristes qui voudraient nous ramener à l’âge des cavernes. Il est patent que l’air redeviendra irrespirable avec le retour des voitures en ville : la solution n’est pas le coronavirus, mais une prise en compte sérieuse de la problématique au niveau mondial par les responsables politiques.
Il ne faut pas s’imaginer non plus que la prière, une croix tracée à l’huile d’olive sur votre porte et autres balivernes colportées sur Internet par d’hypothétiques faiseurs de miracles, pourront tenir le virus à distance respectueuse.
Quoi qu’il en soit, et en attendant le vaccin, restez si possible chez vous ! C.B.