Joe Biden est entouré de bons conseillers en communication, il l’a encore prouvé la semaine dernière en demandant aux pays riches de faire sauter les brevets des vaccins Covid19.
L’idée est tellement simple qu’elle a été reprise par tout le monde. Normal, que ne ferait-on pas pour sauver l’humanité et sous-entendu empêcher que des groupes pharmaceutiques ne gagnent de l’argent au détriment de la santé des pays les plus pauvres ?
Même la Commission européenne a été prise de court alors que le premier réflexe à avoir, c’est de se souvenir que les États-Unis qui font aujourd’hui la morale aux autres pays riches bloquaient il n’y a pas si longtemps encore les exportations d’un vaccin dont ils ne se servaient pas.
Et puis, c’est facile de faire la morale aux autres lorsque la moitié de sa population est déjà vaccinée et qu’à l’inverse de l’Europe, ils ont très peu distribué de vaccins en dehors de leur territoire. Mais oublions l’hypocrisie de « Sleepy Joe » et focalisons nous sur cette demande de rendre les secrets de fabrication de ces vaccins gratuits au monde entier.
D’abord, la demande n’est pas nouvelle, pour lutter contre le sida il y a 20 ans, l’OMS a aussi autorisé la levée des brevets pour casser le prix des traitements contre le sida. C’est vrai que nous ne pouvons pas nous contenter de nous dire « vaccinons nous les premiers et ensuite, une fois que c’est fait, faisons en sorte que les autres pays – moins riches – soient aussi vaccinés ».
D’abord, parce que si la maladie perdure chez eux, ils risquent de développer de nouveaux « variants » qui reviendront par la porte ou par la fenêtre chez nous. Aider ces pays est donc une question de morale et d’égoïsme à la fois. Mais attention, lever les brevets – qui est déjà une question sur laquelle on peut pas mal discuter – ne suffira pas.
Comme on dit en mathématique, c’est une condition nécessaire, mais pas suffisante. Lever les brevets est une idée simple et séduisante, mais ce sera compliqué, parce qu’il faut construire des usines et qu’il faut faire en sorte que le savoir-faire soit aussi transféré. Construire de nouvelles usines prendra plus d’un an, mais surtout la sous-traitance ne peut pas se faire n’importe comment, il faut des contrôles stricts de chaque process industriels et à chaque instant.
Le personnel capable de le faire est rare. L’Inde et la Chine ont la capacité d’avoir ces usines, mais n’oublions pas que ces pays fabriquent aussi une quantité de copies et de génériques non homologués.
Les scientifiques le rappellent : les vaccins ne sont pas des copies de sac Vuitton et à la différence des médicaments, ce sont des produits complexes à produire, il faut songer à des tas questions de sécurité et de conservation. D’autant plus, que c’est un produit qui est injecté et est potentiellement vivant.
En bref, l’idée de lever les brevets pharmaceutiques est séduisante, mais le problème aujourd’hui n’est pas la séduction, ni la morale ni même l’argent, c’est surtout un souci technique et sécuritaire. Et ces aspects-là, Joe Biden les a juste escamotés. Il ne suffit hélas pas de donner la recette du vaccin à d’autres pour qu’ils soient capables d’en fabriquer du jour au lendemain.
L’opération de séduction de Joe Biden a au moins une vertu : elle met la pression sur les labos pharmaceutiques et sur les pays riches pour qu’ils partagent les doses déjà produites. Et là, l’Europe est une bien meilleure référence que les États-Unis !