Affectée par les conséquences sur le tourisme des attentats en France, en 2015 et en 2016, l’hôtellerie parisienne a entendu siffler les balles. Mais, elle demeure gâtée en termes d’activité, avec des taux d’occupation forts — en forte augmentation en 2017 et 2018 — et une demande qui ne fléchit globalement pas depuis ces dernières années.
• Comme pour le reste de l’hôtellerie hexagonale (voir notre Panorama de l’hôtellerie en France), les hôtels de Paris ont terminé l’année 2018 avec des scores de remplissage aussi inattendus qu’inespérés. Ils ont obtenu un cumul annuel de 79,2 % de taux d’occupation, soit 3 points de mieux qu’en 2017. Tournant depuis ces dernières années à environ 75 % de taux de fréquentation (voir graphique) — ce qui est déjà remarquable — il n’y a qu’en 2010 que l’on avait connu mieux : 80,8 %.
• Le Comité Régional du Tourisme d’Ile-de-France avance 71,8 millions de nuitées hôtelières dans la région et 37,8 millions à Paris même, en hausse de 6,5 % par rapport à 2017. Il faut dire qu’après les différents attentats provoquant une baisse de l’activité hôtelière, principalement en 2016, l’année 2018 a connu au 2e trimestre les longues semaines de grèves des transports (à Air France et à la SNCF) qui ont pu gêner la fréquentation.
Puis, les mouvements des gilets jaunes sont venus s’ajouter, avec à la clef une baisse de la demande hôtelière sur le mois de décembre (-5,3 % / N-1). Sans ces événements « perturbateurs », on aimerait croire que les hôtels parisiens auraient pu percer le plafond de leur remplissage.
• A titre comparable, les hôtels français ont enregistré — toutes régions, y compris Paris et toutes catégories confondues — 62,5 % de taux d’occupation en 2018, en augmentation de 1,3 point et 5 millions de nuitées de plus qu’en 2017 (+2,4 %). Sur ces 5 millions de nuitées additionnelles, 2,3 millions reviennent à Paris, soit presque la moitié.
• Une spécificité des hôtels parisiens — que l’on ne retrouvera quasiment nulle part ailleurs en France — est qu’il y a peu de différences dans les indicateurs de fréquentation entre chaînes intégrées et hôtels indépendants (écart de près de 1 point de TO, seulement) et entre les différentes gammes (env. 3 points, entre les catégories économiques et le haut de gamme). Un autre aspect est que les hébergements sont ouverts toute l’année, comme dans d’autres grandes villes.
• La saisonnalité est relativement peu marquée à Paris car son hôtellerie bénéficie presque toute l’année d’une demande équilibrée et compensatoire entre tourisme d’affaires (env. 4 nuitées sur 10) et tourisme de loisirs ; d’où les importants taux d’occupation annuels. On peut résumer que la demande la plus forte se situe d’avril à octobre — période également de concentration des grands salons et foires, sauf en juillet-août —, avec juste une chute très relative au mois d’août. Sur le restant de l’année, les taux de remplissage sont légèrement plus faibles, mais sans jamais tomber en dessous des 62 à 65 %, ce qui demeure élevé.
• Avec une imposante demande hôtelière, on se doute que les tarifs sont rehaussés. Les prix moyens chambre des hôtels « économiques » ont été de 87 € en 2018, le milieu de gamme de 138 € et le haut de gamme de 212 €. Ils sont en moyenne plus élevés de 25 à 45 % que dans les grandes villes de province, selon les gammes.
• Il est vrai que le foncier et les coûts de construction à Paris sont chers. Plus chers qu’ailleurs. Et cela devient également désormais patent dans les arrondissements de l’Est parisien, qui jusque-là avaient moins la cote. Cette cherté se répercute naturellement dans les prix des chambres, tandis que ces dernières sont en moyenne plus petites de 20 à 30 % que celles des hôtels en province, à gammes comparables.
• Mais, ces moyennes tarifaires en apparence figées, cachent en réalité la pratique généralisée du yield management (ou assimilé) avec des prix qui peuvent passer du simple au double, voire au triple ou même au quadruple (!) lors de plus en plus nombreuses dates dans l’année. Notamment, lors du Salon de l’Automobile, de la Foire de Paris ou encore du Salon de l’Agriculture, par exemples. Il n’est pas sûr que cette politique tarifaire « barbare » plaise aux voyageurs pris au piège…
• La clientèle française ne pèse que 39 % des arrivées hôtelières de la Capitale (61 % de clientèle étrangère), préférant se loger dans des établissements moins chers, situés en petite et en grande couronne.
• Près de 80 % de la demande en hôtellerie 3 à 5 étoiles est générée par la clientèle étrangère. Les premiers parmi les visiteurs étrangers dans les hôtels parisiens restent les Nord-Américains (4,7 millions de nuitées), les Britanniques (2 millions), la clientèle du Proche et du Moyen Orient (1,6 million), les Allemands (1,4 million), les Espagnols (1,2 million) et les Italiens (1 million) — données arrondies année 2017, pour information.
La polémique anti-Airbnb en question
La forte montée en puissance d’Airbnb (et de ses confrères) à Paris depuis ces 6 dernières années n’a pas affecté la demande hôtelière : voir notre dossier sur le sujet. Hormis à cause des attentats en 2015 et surtout en 2016, l’hôtellerie se maintient globalement avec le même indicateur de remplissage sur ce laps de temps. Les taux d’occupation et le volume des nuitées hôtelières se sont même considérablement améliorés en 2017 et en 2018. Tandis que l’offre hôtelière s’est enrichie de 3 % et que les plateformes de locations n’ont jamais offert un catalogue aussi riche de logements parisiens.
Les offres d’appartements meublés représentent par conséquent une clientèle additionnelle et ne forment pas significativement une concurrence à l’hôtellerie. Si c’était le cas, cela se verrait immédiatement dans les données d’activité des hôtels. Il n’en est rien. Ces deux formes d’hébergement sont plutôt complémentaires.
Les premières sont adaptées pour des plus longs séjours avec une clientèle qui souvent ne choisira pas l’hôtellerie. Les hôtels sont faits pour des courts séjours. Les polémiques portant sur une perte de clientèle hôtelière au profit d’Airbnb ne sont donc aucunement justifiées.
Un parc hôtelier qui a grossi… lentement. Mais, cela ne devrait pas durer.
• Comprenant 1.597 hôtels classés et non classés au 1er janvier 2019, le parc hôtelier parisien tend à augmenter lentement mais sûrement (+6,2 % en nombre d’hôtels depuis 5 ans), après avoir longtemps stagné. Le volume de chambres disponibles croît en revanche peu. Il n’a progressé que de 5,5 % …depuis 2008. On a ouvert ou créé des hôtels en moyenne légèrement plus petits qu’auparavant. Ce qui ne sera plus le cas prochainement (voir plus loin).
• L’hôtellerie parisienne s’est enrichie avec un solde de +93 adresses hôtelières sur 5 ans. Sans surprise, ce sont les gammes 3 à 5 étoiles qui se développent le plus dans la Capitale : +27 % ! Alors que les hôtels économiques et non classés fondent comme neige au soleil, avec –27 % d’établissements sur ce même laps de temps. Ce qui fait dire qu’il manque des hôtels bon marché dans la Capitale. Mais, ils sont compensés par des unités de ce type autour de Paris.
• Une autre particularité de l’hôtellerie parisienne est d’avoir beaucoup d’hôtels classés : 87 %. Ailleurs en France, c’est seulement 67 % des établissements qui portent de 1 ou 5 étoiles.
Des projets hôteliers à foison
• Cette bonne santé du marché hôtelier parisien, avec des taux d’occupation presque indécents et des tarifs en bonne forme, devrait durer — sauf événements critiques — au moins jusqu’aux JO de 2024, où l’on attend bien sûr énormément de monde. Et justement, avec cette échéance et les déjà bons scores de remplissage actuels, de nombreux investisseurs sont attirés par la Ville Lumière, comme des papillons de nuit vers un lampadaire.
• On recense ainsi déjà une cinquantaine de projets hôteliers devant ouvrir / rouvrir (après travaux) d’ici moins de 3 ans à Paris ou en bordure du boulevard périphérique. Cela représente près de 7.000 chambres supplémentaires soit pas moins de 8,5 % de plus qu’actuellement. 2/3 de ces projets s’inscrivent dans le haut de gamme et le luxe.
• Il faut ajouter la réouverture récente ou prochaine après travaux (retour sur le marché) de quelques belles adresses comme l’Hôtel du Louvre (164 chambres) sous la marque Unbound de Hyatt, le Lutétia (184 chambres) ou le Pullman Paris Montparnasse (mai 2020, avec 957 chambres et 48 salles de réunions). On ne compte pas non plus ici les projets de résidences de tourisme (une demi-douzaine) et quelques « hostels » ou hébergements pour jeunes (une demi-douzaine également). Enfin, cela va sans parler de projets hôteliers en petite couronne, dont à La Défense.
• Aussi peut-on se demander si avec plus de 7.000 chambres additionnelles — au moins — annoncées d’ici environ 3 à 4 ans, neuves, en hôtels modernes ou profondément rénovés, la situation favorable d’aujourd’hui restera identique au-delà des JO de 2024. Même si le parc des Expositions a été agrandi et produira ainsi davantage de nuitées hôtelières, en clientèle internationale MICE. Attirés par les scores étourdissants d’occupation hôtelière de la capitale, les investisseurs font la queue pour créer ou reprendre des hôtels, malgré un ticket d’entrée cher à très cher à prévoir.
• A noter que Paris dispose en 2019, en plus des 1.597 hôtels, de 71 résidences de tourisme, de 14 auberges de jeunesse et centres sportifs d’hébergement et de 1 camping 4 étoiles de 501 emplacements.
Les sources utilisées pour ce panorama : Insee, CRT Ile-de-France, Coach Omnium. Copyright Coach Omnium 2019.