Lors d’une de mes dernières chroniques, j’avais évoqué un livre intitulé « mortelle transparence » (1) qui démontre avec brio que dans nos sociétés, la transparence devient totale.
Nos déplacements, nos achats, nos goûts, nos maladies, nos échanges, nos conversations… Rien n’échappe à cette transparence. Le livre parle de diktat de la transparence, mais ce qui a frappé pas mal d’auditeurs, c’est le côté « tribunal du Buzz ». Certains m’ont gentiment demandé si je n’exagérais pas. Hélas non.
Le livre « mortelle transparence » pose d’ailleurs à un moment donné une question : connaissez-vous Walter Palmer ? Probablement que non. Pourtant à un moment donné, il a été le chasseur le plus célèbre et le plus détesté de la planète. Il a eu, c’est vrai, le très mauvais goût de poster une photo de lui posant à côté d’un lion du Zimbabwe qu’il venait de tuer. En quelques heures, il a été lynché sur la toile, les uns disant qu’il était un gaspillage de sperme, les autres en demandant sa mise à mort.
Son numéro de téléphone et celui de passeport ont été communiqués sur les réseaux sociaux, l’adresse et la photo de son cabinet dentaire ont été publiées et certains ont même ajouté un message à l’État islamique pour qu’il s’attaque à ce type. Bref, même si bien entendu ce chasseur est vulgaire et que ce lion ne méritait pas la mort, le traitement infligé à ce chasseur n’était-il pas, lui aussi, disproportionné ?
« La foule numérique lynche souvent sans preuve et sans scrupule »
Un éditorialiste du journal britannique Telegraph s’est même demandé si les remous sociaux anturaie été aussi violents si c’était non pas un lion, mais un citoyen Zimbabwéen qui avait été tué par ce dentiste ? Après tout, le Zimbabwe, est l’un des pays les plus pauvres de la planète, et il n’a jamais eu droit à une telle couverture médiatique. C’est le danger des réseaux sociaux : un tribunal médiatique sans avocat et sans procédure. Et la seule manière de calmer les foules, nous disent les auteurs de « mortelle transparence », c’est de faire un acte de contrition publique, comme au Moyen-âge ou alors de faire une séance autocritique comme du temps de Mao.
Ce qui est fou avec les réseaux sociaux, c’est aussi la vitesse avec laquelle se propage une information – un cabinet d’avocats américains a calculé qu’il fallait moins d’une heure pour qu’une information publiée sur le Net dépasse les frontières de son pays d’origine et soit hors de contrôle. C’est là que le drame commence, car la foule numérique est naturellement encline à condamner sans enquête nous disent les deux auteurs de ce livre consacré à cette « mortelle transparence ». La foule numérique lynche souvent sans preuve et sans scrupule – reste à savoir s’il faut s’y habituer ?
(1) Mortelle transparence, Denis Olivennes, Mathias Chichportich, Albin Michel