Maintenant qu’on en sait un peu plus sur les deux accidents successifs des B-737MAX, maintenant que la certification du modèle corrigé va bientôt débuter, on en est cependant à se poser de graves questions chez Boeing.
Bien avant les deux terribles crashes, Boeing explorait toutes les options de son fameux projet appelé NMA, pour « New Midmarket Airplane », et il était prévu d’en dévoiler un peu plus lors du Salon du Bourget en Juin prochain.
Mais voilà, entre-temps il s’est passé ce qu’on sait, et plusieurs analystes pensent que le 737MAX n’a pas fini de souffrir en termes d’image, auprès du grand public bien plus que chez les pilotes, et qu’en conséquence il est devenu inévitable de sortir le NMA le plus vite possible ; mais peut-être pas le NMA qu’on avait prévu…
Les accidents ont changé la donne
Certains vont jusqu’à dire que les pertes de marchés du MAX au profit de la famille des A320neo sont irrécupérables. Et de critiquer fortement ce modèle MAX, pour lequel la vieille architecture du 737 n’était pas adéquate.
Le 737 a une garde au sol très basse : il a donc fallu placer les nouveaux moteurs, bien plus gros, en avant de l’aile et non plus sous l’aile.
La limite de taille des moteurs est atteinte sur ce type d’avion, et donc aussi leur puissance, leur économie en carburant, leurs nuisances.
Cette nouvelle position des moteurs a obligé les ingénieurs à inventer ce fameux MCAS (système d’augmentation des caractéristiques de manœuvres en français), qui a été semble-t-il à l’origine de réactions inappropriées des pilotes et de la machine, sans mettre les uns ou l’autre en accusation.
Donc, Boeing s’attend à une baisse conséquente de vente du 737MAX, et ne peut même pas encore mesurer l’impact auprès du public, qui risque de repousser même le modèle corrigé, et refuser d’y monter. Ce serait sans doute stupide et injuste, mais qu’y faire ?
Alors le NMA refait surface, comme possible remplacement du 737MAX
Mais les choses se compliquent. La moitié des compagnies intéressées par le NMA voudraient un avion monocouloir capable de rotations très rapides sur leurs « hubs ». Mais l’autre moitié des acheteurs potentiels, comme la très puissante Delta Air Lines, est confrontée au remplacement prochain de ses nombreux B-757 et 767, et a donc en tête un avion bien différent. L’échéance fixée par Delta, c’est 2025-2026… demain ! Et Boeing est bien conscient que sur ce segment, elle aura affaire aux A321LR et XLR.
En fait, Boeing a agi selon un calcul économique risqué. Le géant de Seattle a jusqu’ici caché soigneusement son projet NMA, non seulement à cause des hésitations dues aux deux différents modèles désirés, mais aussi pour réussir à vendre le plus possible de 737MAX, avant de lancer un avion totalement nouveau.
C’est un peu comme dans l’automobile : on est en train de pousser par tous les moyens la voiture électrique, et quand on en aura vendu des millions, on déclarera tout d’un coup combien elle est nuisible à cause de l’extrême pollution due à sa fabrication.
C’est alors qu’on lancera la voiture à hydrogène, totalement propre, dont on connaît déjà bien la technologie, mais qui attendra qu’on ait noyé le marché de voitures électriques à remplacer au plus vite.
C’est de la logique industrielle, celle qui fait détester les vieux principes capitalistes. Une logique qui pourtant fournit aussi des dizaines de millions d’emplois… Hélas, rien n’est parfait.
Un vieux 737 avec les moteurs sous l’aile
Un 737MAX avec les moteurs devant l’aile et plus haut.