Les politiques doivent avaler un crapaud chaque matin

Les psychologues le savent bien, c’est souvent au dernier moment qu’on a tendance à craquer. Faites l’exercice avec une file devant une caisse de supermarché ; autant on accepte sans trop râler d’être le dixième dans la file, autant lorsqu’il ne reste plus qu’une personne devant nous, nous sommes souvent irrités que cela n’aille pas plus vite.

C’est exactement comme pour les vaccins : nous en avons tous marre mais paradoxalement le bout du tunnel est proche. D’ailleurs Thierry Breton, le commissaire européen en charge de ce dossier, nous a donné une date pour atteindre l’immunité collective. Comme il est français d’origine, il a pris la date symbolique du 14 juillet pour nous galvaniser. Vous vous en doutez, la presse a vérifié si cette date est raisonnable ou pas, et selon les calculs de mes confrères du Figaro, oui, la date du 14 juillet est crédible et en principe 60% de la population européenne devrait être vaccinée.

Bien entendu, reste à savoir si ce taux de 60% est le bon ou s’il ne faut pas atteindre les 70% ou plus… Ce qui revient aussi souvent dans la bouche des économistes et des banquiers que je peux interviewer, c’est qu’ils s’attendent tous à un second semestre très positif. Les citoyens se sentiront libérés et vont consommer comme des fous. Hier encore, un ami banquier me disait que beaucoup de projets d’entreprise sont dans les cartons et sortiront dès que cette pandémie sera maîtrisée.

Et puis, il y a aussi un signe qui ne trompe, la plupart des grandes banques belges ont diminué leurs provisions pour risques et charges. Ce sont des provisions que les banques établissent pour tenir compte des défaillances dans leur portefeuille crédit. Donc, la relative faiblesse de ces provisions indique bien que même les banquiers sont optimistes quant à la reprise économique. Pour l’heure donc, il faudra encore serrer les dents et juger plus tard.

Il faut aussi avouer qu’aucun gouvernement n’a été formé pour gérer quatre séries d’exigences aussi contradictoires que les exigences sanitaires, économiques, sociales et psychologiques. Comme le disait l’ancien député européen Jean-Louis Bourlanges, « il n’est pas facile de gouverner un pays quand les principes de plaisir et de réalité sont aux antipodes l’un de l’autre ». Et j’ajouterai quand on sait aussi que les juges risquent de tomber sur le dos des politiques comme c’est déjà le cas dans plusieurs pays.

Si vous cherchez les raisons de l’extrême prudence des politiques, ne cherchez pas plus loin, ils ont peur de voir leur responsabilité pénale être mise en cause, ils ne le diront pas, mais ils y pensent chaque jour. Donc, oui, plus que jamais comme le disait le philosophe Chamfort, il y a plus de deux siècles, pour tenir le coup en politique, surtout en ce moment, il faut être capable d’avaler un crapaud chaque matin pour ne trouver plus rien de dégoûtant le reste de la journée.

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