La critique de la société de consommation n’est pas une chose nouvelle. Tapez « société de consommation » sur Google et vous serez noyé d’informations sur le sujet. En revanche, ce qui est nouveau, et n’est quasi pas étudié, c’est l’impact des nouvelles technologies de communication sur notre état psychologique.
Le Financial Times, la bible des milieux d’affaires, n’hésite pas à faire le lien entre la progression de la dépression dans le monde et les nouvelles technologies de la communication. En gros, plus on clique, plus on passe du temps sur le Net à chercher des gratifications, plus on déprime. C’est un peu l’inverse de ce qui nous a été promis par les géants des nouvelles technologies. Le Net devait mettre à portée de main, de clic du moins, un monde plus accessible, des biens et des services plus rapidement disponibles.
Bref, le monde merveilleux de la consommation mondiale, désormais à portée de nos doigts, devait nous rendre plus heureux… Sauf que le nombre de personnes affligées d’une dépression était de 322 millions en 2015 et que ce chiffre ne fait qu’augmenter depuis quelques années.
Mais le lien entre hausse du nombre de dépressifs et nouvelles technologies n’a pas été établi scientifiquement, sauf pour le Dr. Robert Lustig, un médecin avec un background en neuroscience qui vient de publier un livre aux États-Unis. On pourrait traduire son titre The Hacking of the American Mind par Le piratage de l’esprit des Américains. Ce médecin estime qu’il y a un lien entre l’état dépressif de ses compatriotes et le fait de compulser quotidiennement et frénétiquement les réseaux sociaux et les moteurs de recherche sur le Net.
Selon lui, les gens confondent plaisir et bonheur. Or, le plaisir est un phénomène de récompense basé sur l’immédiateté, cela va des achats impulsifs sur le Net à l’utilisation de substances douces et illicites. La différence entre plaisir et bonheur est importante à garder à l’esprit, car la recherche excessive de plaisirs conduit à un état de dépendance et de dépression, l’exact opposé du bonheur. Pire encore, un cercle vicieux s’installe, où justement pour combler cet état de dépression, on se rue encore plus sur des achats compulsifs ou des consultations à n’en plus finir sur le Net. En fait, l’usage du Net devient aussi addictif, écrit ce médecin américain, que l’usage excessif de sucre conduit lentement, mais sûrement, à l’obésité.
« Les grandes marques qui maîtrisent l’art de nous rendre dépendants à leurs produits n’ont sans doute jamais imaginé les conséquences médicales de leur marketing »
Les grandes marques qui maîtrisent l’art de nous rendre dépendants à leurs produits ou services n’ont sans doute jamais imaginé ou évalué les conséquences médicales de leur marketing. Pourtant, les achats sur le Net sont bâtis essentiellement sur la notion de récompense à court terme. Pourquoi aller dans un magasin, quand le monde est à portée de clic quasi immédiatement ? Au fil du temps, notre esprit s’accoutume à ce que chaque clic nous rapproche un peu plus du bonheur ou qu’une réponse sur un média social nous rende encore plus heureux que la précédente réponse.
En réalité, cette attitude de dépendance nous éloigne du bonheur et nous rend plus vulnérables lorsque les réponses ne sont pas à la hauteur de nos attentes. D’où la thèse de ce médecin américain selon laquelle plus de connectivité sur le Net conduit à plus de dépression. Si vous estimez que sa thèse est exagérée, alors il faut répondre en toute franchise à la question que pose le Financial Times: la dernière fois que vous avez oublié votre smartphone à votre domicile, bref, que vous êtes resté non connecté pendant toute une journée, vous êtes-vous senti anxieux, inquiet et perdu ? Si la réponse est oui, alors c’est que votre habitude est sans doute plus qu’une habitude. Peut-être est-ce même un début de dépendance…