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Les dangers de nos démocraties immédiates: « On veut jouir de tout en 3 clics maximum »

© Getty Images
L’extinction programmée des insectes à horizon de cent ans nous rappelle que nos démocraties ne sont pas outillées pour répondre à ce genre de défi, car nos démocraties sont des démocraties immédiates, qui donnent trop souvent la préférence au présent, et les réseaux sociaux n’améliorent pas les choses.
C’est la nouvelle la plus importante de la semaine et en réalité cela devrait être la nouvelle la plus importante tout court. Je vise évidemment cette étude ou plutôt la publication de cette synthèse de 73 études scientifiques qui démontre que nous assistons à la plus grande extinction d’insectes sur Terre de tous les temps. Plus de 40% des espèces d’insectes sont menacées d’extinction, les lépidoptères (papillons), les hyménoptères (guêpes, abeilles, fourmis), et les coléoptères (coccinelles, hannetons, scarabées) étant les plus affectés.
Et bien entendu, l’être humain est directement concerné par cette disparition programmée à horizon de 100 ans maximum : il suffit de se souvenir de son cours de biologie du secondaire pour se rappeler que 75% des plantes ont besoin des insectes pour la pollinisation. Et si ces insectes venaient à disparaître, l’humanité n’aurait plus beaucoup de temps à vivre.
Et donc, oui, l’utilité de cette étude choc, c’est qu’elle est claire, précise et ne tourne pas autour des mots ou des concepts. Ce qui est intéressant dans ce cri d’alarme, c’est de lire ce que disent les internautes, de lire leurs réactions à chaud. Les uns tirent cela à la dérision avec des phrases du genre : « ce n’est pas grave, il ne faudra plus laver son pare-brise ou encore, il ne faudra plus laver sa salade ». D’autres -la majorité fort heureusement-, s’inquiètent et se demandent ce que font les responsables politiques
« Comment reprocher au politique d’avoir un horizon borné lorsque l’électeur lui-même l’interpelle sur des sujets immédiats »
Bonne question : le politique, j’ai envie de dire, fait ce qu’il peut. Les travaux économiques ont déjà démontré que le politique souffre de myopie. Son horizon est borné par la prochaine élection. Or, le drame dont je parle n’aura d’impact que dans quelques décennies.

Comment reprocher au politique d’avoir un horizon borné lorsque l’électeur lui-même l’interpelle sur des sujets immédiats. Certes, en privé, l’électeur rêve d’hommes ou de femmes d’Etat qui ont un horizon plus lointain que la prochaine élection, mais dans l’isoloir, ce même électeur vote majoritairement sur des sujets et enjeux à court terme et en particulier il ou elle vote pour celui ou celle qui lui propose un lendemain un peu plus rose.

En réalité, ce dont je vous parle n’est pas nouveau : déjà durant la révolution française, on parlait du danger de la… démocratie immédiate. Et c’est vrai que notre système démocratique donne une préférence au présent sur l’avenir. Mais qui se souvient que cette myopie pour le présent est aussi en partie le résultat de notre histoire. Avant, les peuples étaient très influencés par la religion et donc tout était lié à une sorte de lointaine espérance au détriment justement du présent.

Les démocraties occidentales ont donc dû lutter pour se débarrasser des aspects négatifs de cette contrainte religieuse. Mais aujourd’hui, c’est l’inverse : le présent dicte tout, et avec les réseaux sociaux, cette préférence pour l’immédiat s’aggrave encore plus. On veut jouir de tout en trois clics maximum. Et sans le savoir, cette myopie comportementale nous empêche de nous projeter dans l’avenir. Enfin, c’est une thèse répandue auprès des sociologues : on verra ou pas si elle tient la route lors des prochaines élections du mois de mai prochain.

 

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