Ce n’est pas tous les jours qu’un constructeur automobile prend 40% d’un groupe de presse. Et pourtant, c’est ce qui est arrivé quand le groupe Renault est entré dans le capital du groupe de presse de Claude Perdriel, qui possède le magazine économique Challenges et des revues comme Histoire et Sciences et Avenir.
À la question de savoir pourquoi ce rachat d’une partie du capital du groupe Challenges par Renault, les deux parties répondent que la voiture de demain, c’est-à-dire la voiture connectée, a vocation à devenir un centre de loisirs sur quatre roues, et qu’on y consommera des podcasts, des vidéos, des écrits, etc.
En réalité, cette entrée au capital est sans doute plus un test grandeur nature qu’autre chose pour Renault, car il faut bien le reconnaître, s’il faut offrir, demain, du contenu à lire, à voir ou à écouter, le groupe de presse de Claude Perdriel n’est pas le premier auquel un constructeur auto devrait penser.
Mais bon, l’idée est là. La voiture connectée demain et la voiture sans chauffeur après-demain laisseront effectivement du temps libre aux anciens conducteurs. Bref, il faudra occuper le ou les passagers durant un trajet qui se fera automatiquement. Et donc, c’est vrai que la prochaine bataille pour l’industrie automobile, c’est le contenu et notamment le contenu de divertissement.
« Nous serons libérés de la conduite de nos voitures… pour avoir un nouveau fil publicitaire à la patte »
Et le danger que veulent éviter tous les constructeurs automobiles, c’est de fabriquer… des voitures, des boîtes vides, au profit d’autres acteurs comme Google, Apple et autres Facebook. Les constructeurs auto ne veulent pas livrer le hardware, la voiture autonome donc, et laisser les Apple et autres Facebook accaparer le temps libre de leurs passagers via leur software, c’est-à-dire en prenant le pouvoir dans l’habitacle de ces voitures.
Bref, ce que les constructeurs auto veulent éviter par-dessus tout, c’est de devenir de simples sous-traitants des géants du numérique. C’est le cas par exemple avec Apple: la fabrication de ses smartphones se fait en Asie et les constructeurs locaux gagnent des miettes, alors qu’Apple se réserve la partie noble et prend la majeure partie des profits.
C’est d’autant plus important que, demain ou après-demain, le choix d’une voiture sera dicté par le fait que le futur automobiliste achètera une voiture qui lui permettra de rester dans son monde connecté avec fluidité et sans interruption. C’est la raison pour laquelle un groupe comme Tesla, par exemple, est en discussion avec des groupes de divertissement comme Universal ou Sony pour établir sa propre offre de streaming musical. C’est une manière de couper l’herbe sous les pieds de Spotify, Apple ou Deezer. Le même genre de discussion a lieu ou aura lieu avec Disney sans doute pour offrir des vidéos de dessins animés pour les enfants.
Car lorsque la voiture sans chauffeur sera sur nos routes, elle va libérer du temps de loisir et tous les acteurs tournant autour de l’industrie automobile veulent s’accaparer ce temps de cerveau disponible pour vendre notamment de la publicité géolocalisée. En effet, durant nos futurs trajets nous serons sollicités par des promotions de boutiques qui se trouvent sur le chemin tout autour de notre voiture autonome. En clair, nous serons libérés de la conduite de nos voitures, mais uniquement pour avoir un nouveau fil publicitaire à la patte. Est-ce vraiment une avancée ? Je vous laisse le soin de trancher la question…