Dans les affaires, c’est le plus fort qui commande. La France vient de redécouvrir cet adage populaire avec le dossier Air France-KLM et le pied de nez que vient de lui faire l’Etat néerlandais, à sa totale surprise. Amid Faljaoui, notre chroniqueur éco, revient sur cet épisode qui a rendu furieux l’Élysée.
En France, Emmanuel Macron n’est pas content. Pas plus que son ministre des Finances, Bruno Le Maire. Et si ces deux hommes politiques ne sont pas très heureux, c’est exactement pour la même raison : ils ont appris par surprise que l’Etat néerlandais avait acheté des actions en Bourse pour augmenter sa part dans le capital de la compagnie Air France-KLM.
Aujourd’hui, l’État néerlandais a quasi autant d’actions que l’Etat français au sein de cette compagnie binationale. Et si Macron et son ministre des Finances ne sont pas contents, c’est parce qu’ils n’ont pas été prévenus, ni eux, ni même la direction d’Air France-KLM.
Dit comme cela, et vu de l’extérieur, on pourrait se dire que ces néerlandais manquent tout de même de savoir vivre et ne sont donc pas des partenaires fiables. En réalité, l’explication est évidemment – comme toujours – beaucoup plus compliquée.
D’abord, si l’Etat néerlandais a réagi, c’est parce qu’ils ont peur que l’Etat français ne prenne des décisions qui vont à l’encontre des intérêts des Pays-Bas et notamment de son aéroport national d’Amsterdam.
Ensuite, les néerlandais ont voulu aussi rappeler à la France, qu’aujourd’hui, c’est la partie KLM qui est en pleine forme et pas la partie Air France.
En effet, 80% des profits du groupe ont été réalisé en 2018 par la partie KLM. Bien entendu, ceux qui connaissent l’histoire de la firme diront que les néerlandais sont ingrats. Ils ont oublié que c’est Air France qui venue sauver KLM en 2004 lorsque KLM était en pertes.
« Renault-Nissan et Air France-KLM ne sont que deux facettes d’un seul phénomène : le réveil du nationalisme industriel ! »
Oui, c’est vrai, mais en économie comme parfois avec les humains, il ne faut pas s’attendre à de la gratitude mais au contraire à une perte de mémoire. Les Néerlandais ont déjà oublié cet épisode et estiment aujourd’hui que ce sont eux qui font les bénéfices et donc, ils estiment qu’ils doivent avoir leur mot à dire et ne pas laisser Paris mener la barque.
D’ailleurs, Paris n’a qu’à s’en prendre à elle-même. Pourquoi ? Parce que si la partie Air France est moins rentable que la partie KLM c’est aussi grâce aux exigences démesurées des pilotes français, leur aveuglement égoïste a d’ailleurs cloué la compagnie au sol et le gouvernement français a cédé une fois de plus.
En fait, ce qui se passe aujourd’hui avec Air France-KLM, c’est exactement le même scénario qu’avec l’alliance Renault-Nissan. Là aussi, c’est le français Renault qui a sauvé Nissan de la faillite en 1999, mais 20 ans plus tard, le rapport de forces a changé. L’innovation vient des ingénieurs japonais et pas français, et le chiffre d’affaires est plus important côté japonais que côté français.
La leçon de cette histoire est double. Primo, le sauvé n’aime pas le sauveur et lorsqu’il va mieux, le sauvé a souvent tendance à oublier qui l’a sauvé.
Et secundo : quand le sauveur ne détient qu’une partie du capital, il ne peut pas espérer décider de tout. Les « gilets jaunes » nous l’ont rappelé : tous les gouvernements se battent pour garder sur leur sol des emplois industriels. Et donc, le nationalisme ne s’exprime pas seulement sur le plan politique mais aussi sur le plus industriel.
Renault-Nissan et Air France-KLM ne sont que deux facettes d’un seul phénomène : le réveil du nationalisme industriel !