Lors d’un « webinar » organisé ce 4 novembre par l’office de tourisme de la Grèce, l’Epire était à l’honneur avec toutes ses facettes entre le bleu de la mer, des canyons rocheux, des réserves naturelles et le vert de ses montagnes. Comme nous avons déjà eu la chance de découvrir ce coin de Grèce insolite, voici un petit tour au fil de nos émotions.
De la verdure à perte de vue, des paysages escarpés, des gorges profondes, des torrents d’eau limpide, de vieux ponts de pierre et des villages intemporels humblement adossés aux collines vertes, tel se découvre l’arrière-pays épirote. Une aubaine pour les amoureux de la nature et ceux qui apprécient un mode de vie ancestral.
L’arrière-pays montagneux, le visage rustique de la Grèce.
Le Pinde est l’un des plus vastes massifs montagneux de la Grèce et il englobe presque la totalité de l’Epire. La richesse exceptionnelle de la faune et de la flore de la région a amené le gouvernement à y créer un parc naturel traversé par l’Aoös mais aussi par la Voïdomatis, une rivière à truites bien connue des pêcheurs à la mouche.
L’impressionnant pont muletier qui enjambe l’Aoös à Konitsa ouvre en quelque sorte la porte des gorges et invite à une balade au cœur d’une végétation dense tout en suivant les eaux turquoise de la rivière.
Plus impressionnants, les douze kilomètres des gorges de Vikos creusées par la rivière Voïdomatis avec un dénivelé de près de mille mètres. Des dimensions qui en font une attraction incontournable pour les randonneurs mais aussi pour les amateurs de rafting.
Pas besoin d’être un as de ce sport car les cascades peu nombreuses ne sont guère tourbillonnantes. Une occasion exceptionnelle pour découvrir le défilé par son contrebas avec ses parois sur lesquelles s’accrochent obstinément quelques arbres suspendus au-dessus de nos têtes.
A la fois réserve zoologique et jardin naturel, le parc abrite de multiples écosystèmes, entre maquis denses, forêts de conifères, prairies préalpines et zones lacustres, de quoi offrir un petit paradis à une flore très variée. On y trouve ainsi une cinquantaine d’orchidées différentes, une centaine de variétés de papillons tandis que sangliers, chevreuils, daims, chamois, chats sauvages, ours bruns et chacals hantent les sous-bois et les parois rocheuses. L’eau du fleuve Voïdomatis y est si pure et si préservée de l’homme qu’on peut la boire tout au long de la randonnée ou d’une escapade en rafting.
Les villages des Zagoria.
Pas moins de 46 villages de pierre aux toitures couvertes de lauze surplombent les gorges. Autrefois, ils commerçaient librement dans l’empire ottoman, ce qui leur assurera une certaine prospérité. Les maisons, même de dimensions modestes, sont cossues pour des habitations montagnardes traditionnelles et un superbe réseau de sentiers muletiers jalonnés de ponts de pierre élancés à deux ou trois arches relient encore aujourd’hui les villages entre eux. Toutefois de nombreux villages qui opposaient une résistance farouche à l’envahisseur allemand ont été détruits. Ils se sont alors vidés peu à peu.
La crise qu’a connu la Grèce a encouragé certains à quitter les villes pour retourner dans l’arrière-pays et quelques villages connaissent un regain de vie. Des maisons sont restaurées, on y ouvre des pensions de famille et chaque soir, le kafeneion réunit les uns et les autres qui ne se lassent pas d’admirer le coucher de soleil sur les gorges.
A Monodendri, il faut gagner à pied le monastère d’Agia Paraskevi accroché à la falaise tel un bastion de pierres grises. Les moines avaient creusé un étroit chemin dans la roche qui offre un point de vue exceptionnel sur les gorges. Camaïeu de verts et de bleus, un tableau envoûtant qui invite à emprunter les sentiers qui zigzaguent d’un village à l’autre, en passant par le creux du canyon.
Ioannina, une capitale à l’histoire turbulente.
A Ioannina, une autre Grèce se révèle, verdoyante, orientale et méconnue. Capitale provinciale et ville estudiantine, c’est ici que bat le cœur de l’Epire, au bord d’un lac paisible où se mirent les montagnes toutes proches. Jadis carrefour commercial entre l’Italie, la Russie et l’empire ottoman, elle a brassé les cultures et nourri des légendes qui se racontent encore dans son architecture.
La ville de Ioannina abonde en mythes qui semblent surgir de la brume légère qui chaque matin à l’aube enveloppe le lac Pamvotis à moins qu’ils ne naissent à l’horizon quand, à la tombée du jour, on se laisse prendre au charme incomparable de cette étendue lacustre bleu acier bordée de roseaux où flotte un îlot noyé de verdure et de mystère.
Les Anciens considéraient l’Epire comme extérieure à la Grèce et pourtant elle a été habitée par les Hellènes. La preuve en est avec le site de Dodone, siège d’un oracle consulté dès le 2ème millénaire avant notre ère et connu bien avant que celui de Delphes ne s’impose. La réponse des dieux se manifestait dans le bruissement du vent dans les feuillages d’un chêne sacré. Du temple érigé en son honneur, il ne reste que quelques fondations. Entre les colonnes qui gisent sur le sol et les ruines des temples, l’imagination se laisse emporter pour vagabonder à l’époque où l’oracle de Zeus guidait Ulysse sur le chemin d’Ithaque.
Blottie derrière les montagnes, l’Epire reste à l’écart des grands événements jusqu’à l’apparition du despotat né au moment de l’éclatement de l’empire byzantin. D’un assassinat à l’autre, une dizaine de dictateurs affamés de pouvoirs vont se succéder sur le trône jusqu’à ce que les Turcs s’emparent de la région. Durant quatre siècles, l’empire ottoman imprime sa marque sur l’Epire qui connaît une belle prospérité économique comme carrefour commercial entre le Sud et le Nord, vers l’Europe et la Russie tsariste.
Sous la domination ottomane, Ioannina se développe derrière les remparts de sa citadelle, elle érige des mosquées, ses écoles de peinture religieuse sont réputées et elle devient un important centre d’art et d’orfèvrerie. Qu’il s’agisse de joaillerie, de l’art de la table ou d’objets religieux de haute facture, les artisans de Ioannina ont été célébrés dans toute la région des Balkans pour la finesse et la pureté de l’argenterie qu’ils cisèlent. Encore aujourd’hui, les venelles de la cité abritent de nombreuses échoppes où on peut découvrir de jeunes créateurs qui martèlent et taillent des bijoux en argent.
Le lion de Ioannina.
Ali Pacha, un aventurier venu d’Albanie parvient à se faire nommer pacha de Ioannina et il va y étendre son prestige d’une main de fer. Soucieux de se libérer de la domination ottomane, il organise sa ville sur le modèle des capitales européennes et la dote même d’un centre universitaire.
En rébellion ouverte avec le sultan, il se retranche sur l’île de Nissi où il est vaincu et décapité en 1822. Le souffle d’indépendance lancé par Ali Pacha ne s’éteindra plus mais l’Epire devra attendre encore plusieurs années avant de signer l’intégration au royaume grec en 1913 au terme de la guerre des Balkans.
Quand on pénètre derrière les hauts remparts qui cernent le kastro, on est surpris par le silence qui y règne à peine troublé par le chant des oiseaux et les bavardages des habitants attablés sous un vieux platane. Si Ioannina est une petite métropole dynamique, ici règne une paisible ambiance de village au cœur du lacis de ruelles pavées bordées d’anciennes maisons basses de style ottoman à encorbellements de bois.
Elles mènent vers la citadelle intérieure qui abritait le somptueux palais d’Ali Pacha. S’il ne reste rien du sérail où il vivait avec son harem ni des salles d’audience d’où il orchestrait tortures et exécutions, l’acropole actuelle semble encore hantée par les souvenirs tragiques de son règne cruel. Assis sur la margelle de l’enceinte qui surplombe le lac, on ne peut que se souvenir de la jeune femme que viola Ali Pacha et qu’il jeta ensuite dans le lac avec 17 autres compagnes enfermées dans des sacs lestés pour que personne ne puisse témoigner de son forfait.
L’île de Nissi a tout d’un éden bucolique, isolé de l’agitation du monde moderne. Un petit port habité par les cygnes et les canards qui ondulent entre les barques de pêcheurs, quelques tavernes qui longent le débarcadère et au-delà, un minuscule hameau aux maisons couvertes de toits de lauze.
Plusieurs monastères byzantins couronnent la butte de l’île mais le plus intéressant est Agios Panteleimonas où Ali Pacha fut assassiné. Transformé en musée, il présente une collection d’objets ayant appartenu au pacha. Au retour, le charme est toujours au rendez-vous car la courte croisière sur le lac découpe des paysages carte-postales, que ce soit sur l’îlot noyé de roseaux ou sur la lourde enceinte de Ioannina surmontée de minarets ou encore sur l’enfilade des arbres qui longent la promenade autour du lac en penchant leur feuillage jusque dans les eaux.
Infos pratiques.
Infos. Un site incontournable: www.visitgreece.gr.
Quand y aller ? L’Epire est une destination toute saison contrairement à la plupart des sites de vacances grecs. Neige en hiver avec même un domaine skiable à Metsovo, paysages flamboyants en automne, pas de fortes chaleurs en été grâce à l’altitude et paradis fleuri des randonneurs dès le printemps. Toutefois pour mieux rejoindre le début des itinéraires de marche, la voiture reste utile d’autant que les routes sont très bonnes et les distances courtes.
Y aller. En été le plus rapide est de passer par Corfou via les low cost de vacances. Y louer une voiture, prendre le ferry vers Igoumenitsa, en Épire. 2 heures de traversée paisible. Il faut compter ensuite une heure de voiture pour joindre Ioannina, autant pour joindre Bourazani et 20 minutes en plus vers les villages des Zagoria. En dehors de l’été, il faut passer par Thessalonique, en Macédoine. Il faut alors compter trois heures de route pour franchir quelque 250 km.
Se loger : A Ioannina, l’hôtel du Lac comme son nom l’indique s’allonge au coeur d’un parc fleuri face au lac Pamvotis. Pour un peu on se croirait en Suisse : élégance du décor, qualité du service et de la table, quiétude des lieux. www.hoteldulac.gr.
A Bourazani, dans un ancien relais de chasse dont les 20 chambres ont une petite touche Liberty, www.bourazani.gr le propriétaire qui parle français et anglais est d’excellents conseils pour découvrir la région. Dans les Zagoria, le charmant village de Aristi est un bon point de départ pour les randonnées vers Vikos, Micro Papingo et Megalo Papingo. Le Taxiarches Hotel est un 3 étoiles avec une très belle vue sur la montagne. Le propriétaire propose ses services pour visiter la région et pratiquer du rafting www.taxiarches.gr
La gastronomie : Elle se veut simple mais savoureuse, à base des produits de la région : des légumes frais, de l’agneau, du poisson, des yaourts onctueux arrosés de miel, des pitas maison, des fruits confits au sirop, des risottos aux fruits de mer, aux champignons sauvages ou aux tomates séchées…
Les vignobles de Zitsa s’épanouissent sur les flancs ensoleillés du Pinde autour de Ioannina. A retenir le domaine Glinavos www.glinavos.gr et son demi-siècle d’expériences et de traditions. Dans la montagne, on apprécie le tsipouro, un alcool fort réalisé en distillant le jus de raisin dans des petits alambics au cœur même des communautés villageoises.