Les tensions entre la Corée du Nord et les États-Unis occupent beaucoup les médias ces derniers temps. Et comme souvent avec ce genre de crise internationale, le jeu est plus complexe qu’il n’en a l’air…
Bien souvent, on a l’impression qu’il s’agit d’un débat de sourds entre un jeune dictateur en mal de reconnaissance internationale et un président américain qui ne cesse de rajouter de l’huile sur le feu, avec au milieu des Sud-Coréens et des Japonais tétanisés d’être un jour rayés de la carte et une Chine qui semble désarmée pour calmer son inquiétant voisin.
En réalité, comme toujours lorsque vous écoutez ou lisez les vrais spécialistes de la région tel Balbina Hwang de l’université de Georgetown, on se rend vite compte que le jeu est plus complexe qu’il n’en a l’air.
D’abord, quoiqu’il en dise, et malgré son discours offensif, le président américain n’a que des options réduites sur la table. Elles sont limitées au domaine de la défense et de la dissuasion, même si techniquement, il y a une capacité offensive. À dire vrai, le discours musclé de Trump ne vise que deux choses: rassurer les alliés locaux des États-Unis et faire céder le dictateur nord-coréen pour qu’il n’aille pas trop loin dans ses provocations.
« L’acteur le plus imprévisible de la région n’est pas la Corée du Nord, que du contraire… »
Quant à la Chine, elle ne fait pas tout ce qu’il faut pour calmer les Nord-Coréens pour la simple raison que le régime détestable de Pyongyang fait oublier sa propre dictature et rend, par comparaison, le régime de Pékin presque sympathique. Bref, la Corée du Nord est une feuille de vigne pour le parti communiste chinois.
Et puis, les Chinois ne veulent pas trop déstabiliser la Corée du Nord, car elle est entourée d’alliés des États-Unis dans la région, à savoir la Corée du Sud et le Japon. Or, la Chine estime qu’elle est chez elle en Asie et que sa sphère d’influence ne doit pas être contestée par les Américains.
De leur côté, les Coréens du nord n’aiment pas trop leur dépendance à l’égard de la Chine et ils ont développé des relations de l’ombre, des relations parallèles avec des acteurs non étatiques chinois et d’autres pays que Pékin ne contrôle pas.
Contrairement à ce que l’on pense, l’acteur le plus imprévisible de la région, ce n’est pas la Corée du Nord, que du contraire… En réalité, le pays le plus imprévisible, c’est la Corée du Sud, selon Balbina Hwang. Pourquoi ? Parce que ce pays se sent très vulnérable face à son voisin du nord, mais déteste en même temps sa dépendance à l’égard des États-Unis. Du coup, la Corée du Sud, qui est une vraie puissance économique, pensez à leurs smartphones ou leurs voitures, veut aujourd’hui assurer elle-même sa propre sécurité. Le débat a donc démarré au sein du pays pour savoir s’il ne devrait pas aussi se doter de l’arme nucléaire.
La conséquence la plus inattendue n’est sans doute pas une véritable attaque nord-coréenne, mais une Corée du Sud qui se dote de l’arme nucléaire. Et si c’est le cas, cela aurait un effet domino sur l’ensemble de la région. En effet, comment dès lors empêcher le Japon d’avoir aussi sa propre arme nucléaire. Le véritable danger, dont on parle peu, c’est le danger de voir le traité de non-prolifération nucléaire mourir de sa belle mort.