Le cynisme d’Oscar Wilde et la déroute américaine à Kaboul

Le parallèle est un peu osé mais je vais quand même le faire : dans un couple, vous pouvez blâmer la personne qui vous quitte (c’est ce qui se passe avec les États-Unis qui ont quitté dans le déshonneur l’Afghanistan) ou vous pouvez essayer de comprendre pourquoi il ou elle vous a quitté.

C’est l’objet de ma chronique aujourd’hui. Les États-Unis ont quitté le bourbier afghan car s’ils sont, pendant des décennies, intervenus un peu partout dans le monde, c’était soit parce qu’ils avaient peur des régimes communistes, soit parce qu’ils convoitaient telle ou telle ressources naturelles.

Mais aux États-Unis, il y a aussi une tendance de fond, qui existe au sein de la population et des politiques américains, et c’est l’isolationnisme ! D’abord, même si cette guerre a provoqué moins de morts que dans d’autres champs de batailles, les citoyens américains ont été choqués par les images de soldats mutilés sur leurs écrans de télévision.

Je me souviens à ce propos d’un cours d’économie politique que j’ai eu et où on nous expliquait que la recherche opérationnelle (une branche des mathématiques) démontrait noir sur blanc qu’en cas de guerre, mieux valait blesser l’ennemi que de le tuer. Pourquoi ? Parce qu’un blessé ralentit le mouvement des troupes, et puis aussi, parce qu’un blessé attire la compassion et fait chuter le moral des troupes par ses gémissements et ses hurlements. Difficile d’être plus cynique mais les soldats mutilés en Afghanistan ont eu le même effet que celui décrit dans ce livre écrit il y a plus de 50 ans !

Puis, comme le fait remarquer Marc Fiorentino, si les États-Unis ne veulent plus être les gendarmes du monde, c’est parce qu’ils sont aussi devenus autonomes, notamment du pétrole du Proche-Orient grâce au gaz de schiste. Et cela, aussi bien les Saoudiens que les Israéliens le savent bien, et si ces deux pays, en apparence ennemis, s’entendent si bien aujourd’hui, c’est parce qu’ils ont compris que les États-Unis sont de plus en plus tentés par l’isolationnisme. L’Amérique est autonome sur tous les plans, elle ne dépend pas du pétrole du Moyen-Orient, ni d’aucun pays sur le plan alimentaire.

En bref, comme l’écrit Marc Fiorentino, ils peuvent fonctionner seuls !

L’Europe le sait bien également et sait qu’elle devra aussi compter sur ses propres forces. L’île de Taïwan le sait aussi avec une nuance près ; contrairement à ce que pensent certains, les États-Unis ne lâcheront pas tout de suite cette île (qui comme vous le savez est convoitée par la Chine) pour une simple raison, la plupart des semi-conducteurs sont fabriqués à Taïwan ! et on l’a vu récemment quand il y a une pénurie de semi-conducteurs, c’est toute l’industrie américaine qui est à l’arrêt.

Donc, les États-Unis défendront encore Taïwan tant qu’ils ne seront pas devenus autonomes en matière de semi-conducteurs. Quand cela sera le cas, les Américains plieront bagages comme ils l’ont fait à Saïgon hier et à Kaboul aujourd’hui.

A ceux et celles qui seraient choqué.e.s par un tel cynisme économico-politique, je rappelle la phrase d’Oscar Wilde: « le cynisme consiste à voir les choses telles qu’elles sont et non telles qu’elles devraient être. »

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