Le «collaboratif», plus grand perdant de la crise?

De toutes les entreprises du tourisme, ce sont celles du secteur dit « collaboratif » qui devraient le plus souffrir de la crise économique. Collaboratif entre guillemets, bien sûr, puisque ces sociétés sont tout sauf des philanthropes de la new wave, expertes en évasion fiscale de surcroît.

A commencer par Airbnb et ses imitateurs, qui proposent des logements chez l’habitant (un peu) moins cher qu’à l’hôtel — voire même plus cher, comme à Amsterdam — mais sans les services, la sécurité ni le professionnalisme des hôteliers. La société comptait entrer en bourse en 2020 : ce devrait être partie remise…

En attendant, les experts valorisaient Airbnb à 31 milliards de dollars, soit 25 p.c. de plus que celle du groupe Hilton, premier mondial en la matière. C’est plus que la capitalisation cumulée des chaînes Hyatt et Marriott (25,73 milliards de dollars), et 2,6 fois plus que l’opérateur hôtelier français Accor… Avec deux millions de logements dans le monde, Airbnb est aussi le premier « hôtelier » au monde.

On ne sait pas chez qui l’on va dormir…

Mais depuis la mi-mars, Airbnb n’engrange plus un radis. Or, en juillet de l’année passée, plus de dix millions de touristes avaient fait appel à ses services rien qu’en France, deux fois plus que l’année précédente ! Et il est peu probable que les touristes se précipitent à nouveau bientôt sur ses logements : on ne sait pas chez qui l’on va dormir…

Une question qu’ils auraient d’ailleurs pu se poser plus tôt. De même, il y aura peut-être moins de propriétaires disposés à voir défiler chez eux des « clients » dont on ignore l’état de santé. Cela, alors que les hôteliers vont être plus que jamais attentifs aux questions d’hygiène et de sécurité.

Le groupe Accor, par exemple, est un train de mettre au point un guide des bonnes pratiques en la matière, qui pourrait servir de références à toute l’industrie.

Uber et BlaBlaCar aussi

Mieux encore qu’Airbnb en termes de valorisation, Uber, première start up au monde avec ses 68 milliards de dollars (!), a vu ses activités pratiquement à l’arrêt depuis l’arrivée du coronavirus. Rien ne dit que l’entreprise de VTC profitera immédiatement de la reprise économique… quand elle aura lieu. En attendant, ses chauffeurs, travailleurs indépendants, n’ont même pas droit au chômage.

Mais dans le domaine du transport, c’est surtout BlaBlaCar qui devrait souffrir durablement de la crise née de la pandémie, et pour les mêmes raisons qu’Airbnb. Avec, surtout, infiniment moins de moyens pour y faire face.

La petite société française avait réussi à monter un réseau extrêmement dense de conducteurs disposés, moyennant une modique participation aux frais, à emmener des passagers là où ils vont aussi. Et commençait à s’étendre dans d’autres pays européens.

Elle a passé le cap du million de places offertes en covoiturage, noué des accords avec la SNCF et avec Google. Il faut s’attendre à que ce qu’elle connaisse de graves difficultés.

Et d’autres encore en danger…

On pourrait même craindre pour les « cars Macron », ou même les opérateurs historiques qui exploitaient déjà un vaste réseau européen de lignes d’autobus, fort prisées par les jeunes, mais pas que : comment respecter, à bord, les mesures de « distanciation sociale » et l’obligation de porter un masque, aussi longtemps que dureront ces contraintes ?

On pourrait, enfin, multiplier les exemples de « jeunes pousses » qui se sont bâties en misant sur de « nouvelles formes » de tourisme, qui ne verront peut-être jamais le jour.

Rebondir

Tous ces acteurs d’une nouvelle façon de voyager vont devoir reconsidérer leur modèle. Et c’est ici qu’on mesurera la capacité de leurs dirigeants à rebondir et à inventer. Ainsi, Airbnb a dit à plusieurs reprises son intention de développer un projet… hôtelier.

Or, il y aura de nombreux morts sur le champ de bataille : un hôtel sur deux, estime-t-on, pourrait être contraint de fermer ses portes. Autant d’entreprises qu’Airbnb n’aura qu’à se baisser pour ramasser, d’autant qu’elle en  aura les moyens.

Comme on l’a assez souvent répété depuis le début de la crise, « plus rien ne sera comme avant ». Cela dépendra surtout pour qui. Au moins peut-on espérer que ce ne sera pas pire.

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