Tout comme la Belgique, le Cameroun a complètement fermé ses frontières à cause de la pandémie. De plus, la présence occasionnelle de Boko Haram n’encourage certainement pas les visites touristiques. Nous gardons cependant un souvenir toujours très vif de notre voyage il y a une dizaine d’années.
Le Cameroun s’est avéré être un peu l’Afrique qui hante nos rêves d’enfants : des cases en torchis, des chefs de tribu, des marchés colorés, une prairie sans fin, des acacias épineux, des couchers de soleil dorés et des animaux sauvages que l’on peut observer dans leur milieu naturel.
Passer la nuit dans un boukarou à l’abri d’une moustiquaire, à l’écoute des bruits de la savane est une autre expérience inoubliable : rêve réalisé de communion profonde avec une nature encore intacte et sauvage.
Avec à l’Est ses immenses plages encore vierges, à l’Ouest ses montagnes arrondies tapissées de cultures, au Sud ses forêts denses aux arbres gigantesques, au Nord ses larges horizons de savane herbeuse ou arbustive, avec ses fleuves navigables une partie de l’année seulement, avec ses 240 ethnies, ses chefferies et ses royaumes centenaires, le Cameroun est une terre de contrastes qui apparaît comme un condensé de toutes les merveilles que recèle le continent africain.
Le respect des traditions
Soudain, des nuages de poussière s’élèvent au bout de l’esplanade, des groupes de destriers surgissent dans le fracas d’un galop assourdi par les cris des guerriers et la clameur de la foule.
Les montures galopent vers une tribune d’honneur où elles arrêtent leur course débridée en piaffant, retenues d’une main ferme par leurs cavaliers qui saluent leur roi en levant leurs sabres.
Il ne s’agit ni d’un défilé folklorique pour égayer le peuple ni d’une reconstitution historique. Les fantasias, tout comme les autres festivités traditionnelles, se répètent d’année en année depuis près de deux siècles, un peu partout dans le pays.
Chaque fois, c’est l’occasion pour les grandes chefferies de perpétuer la mémoire des sociétés traditionnelles, garantes de paix et de cohésion sociale.
Dans le Nord, les Lamidos régentent ainsi l’existence de leurs sujets qui viennent signifier leur allégeance à l’occasion de fantasias flamboyantes pour rappeler que c’est à cheval que les ancêtres peuls ont mené la guerre sainte.
A Douala, port commercial situé à l’embouchure du fleuve Wouri, le peuple Sawa, encore appelé le « peuple de l’eau », célèbre en décembre la fertilité du fleuve lors d’une cérémonie empreinte de rites sacrés, le Ngondo, qui illustre le souci de valoriser le patrimoine ancestral et son identité.
Dans la province de l’Ouest, la ville de Foumban magnifie les traditions de la population bamoum lors de la fête du Nguon, une occasion unique d’admirer les masques perlés, les costumes ornés de fétiches et de gris-gris du peuple au serpent à deux têtes.
Comme les distances sont grandes dans ce pays où les voies de communication ne desservent pas aisément toutes les régions.
Chaque village forme un sous-groupe singulier au cœur de son ethnie, il possède sa propre histoire et ses propres codes culturels qui se manifestent dans l’architecture de la chefferie, à la fois salle de réunion et habitat pour le chef et sa famille.
A Idool, l’entrée est masquée par un portique dont les piliers sont décorés de peintures aux couleurs vives, à motifs géométriques, toutes réalisées par les femmes.
Les murs de torchis sont chapeautés par un toit de chaume dont les pans descendent jusqu’au sol.
Un premier vestibule mène à une petite cour intérieure qui donne accès à la salle de réunion plongée dans la pénombre.
De légères cavités sont creusées dans le sol pour y recevoir des feux qui permettront d’éclairer la salle lors de la réunion hebdomadaire que le chef tient avec ses notables pour prendre les décisions selon les grandes orientations qu’il impose.
Au-delà s’ouvre la cour des sarés, le royaume des femmes qui évoluent à l’abri des regards.
Un tourbillon d’images.
Pour visiter le Nord du pays, le train est la seule option raisonnable pour joindre Ngaoundéré, terminus du Transcamerounais affrété par la Camrail au départ de Yaoundé. Il faut dire qu’aucune route directe ni aucune voie totalement bitumée ne relie la capitale au chef-lieu de l’Adamaoua.
Un voyage sur le Transcam, c’est à coup sûr s’offrir la chance de partir à la rencontre du peuple camerounais, des hommes et des femmes avenants, diserts et curieux. C’est aussi vivre un long tracé dans la nuit qui laisse des souvenirs impérissables, entre scènes burlesques, insolites et exténuantes.
Il est vrai qu’il n’est guère aisé de dormir en raison des arrêts fréquents (une quinzaine de gares), des ralentissements et haltes intempestives, qu’il s’agisse d’un encombrement des voies par des troupeaux de zébus ou encore de l’attente du passage d’un train de marchandises.
Chaque arrêt suscite un mouvement de foule. En quelques minutes, tout un marché s’organise sur l’unique quai de la gare. Les uns se précipitent vers les voyageurs qui descendent pour les aider à porter valises et paquets.
D’autres, un plateau garni de victuailles sur la tête, longent le train en courant. Ils sont à la recherche des passagers affamés qui les interpellent, penchés aux portes des wagons, avides de bananes plantains, de beignets, d’arachides ou de bâtons de manioc. Des enfants proposent des sachets bariolés qu’ils signalent en criant « sac,sac,sac… », une complainte qui s’éteint dans la pénombre quand le train s’ébranle, quelques minutes plus tard.
Au bout de la nuit, chacun se sent amoindri, épuisé par le vacarme vrombissant des essieux. Pourtant, quand enfin le jour se lève, toutes les fatigues du voyage s’évanouissent devant le charme indicible du paysage qui s’ouvre dans la brume matinale : une vaste savane arbustive sillonnée de pistes rouges, des chaumières rondes en terre battue coiffées d’un toit de chaume, des troupeaux de bœufs et de moutons, des ânes que tirent des femmes vêtues de boubous chamarrés, des enfants rieurs au passage du convoi …
Perdu dans la contemplation de cette Afrique de cartes postales, on ne voit pas passer le temps.
Les réserves animalières
Une dizaine de parcs et autres réserves sont disséminées dans le pays. Toutefois la vedette du Cameroun, c’est le Parc National Waza, érigé réserve de la biosphère par l’Unesco en 1982. Il s’étend sur près de 170.000 ha et abrite d’immenses troupeaux d’éléphants, de girafes et d’antilopes.
Sur un territoire aussi vaste, rien ne peut toutefois garantir la rencontre avec l’un ou l’autre représentant de ces espèces qui, de plus, ne se laissent pas aisément repérer.
Hélas les tensions avec les terroristes de la secte islamiste de Boko Haram qui n’hésitent pas à braconner dans le parc ne permettent plus la visite de touristes.
Le sud du pays est le domaine de la grande forêt équatoriale où se dressent des arbres gigantesques de 30 à 50 mètres de haut qui se disputent la lumière en emmêlant leurs feuilles.
Royaume des singes, ceux-ci sont encore trop souvent traqués pour proposer le long des routes et sur les marchés de la viande de brousse dont sont friands les Camerounais. Le parc de la Méfou, né d’un partenariat entre le gouvernement camerounais et une ONG, la Cwaf (Cameroon Wildlife Aid Fund), accueille des primates récupérés lors de saisies des douanes ou retrouvés mutilés au bord des routes.
Soignés dans un milieu naturel grillagé, ils sont parfois dirigés vers de grands zoos étrangers mais le but avoué de l’association est de pouvoir les réintroduire un jour dans leur habitat autochtone. Une visite au parc offre une occasion unique d’observer des primates familiarisés à l’homme et de découvrir la campagne de sensibilisation organisée dans les écoles contre le braconnage.
Non loin de Garoua, le parc de la Bénoué, du nom du fleuve qui le traverse, est le territoire des hippopotames qui y trouvent de nombreuses mares, autant de lieux propices à leur survie, surtout en saison sèche.
La rencontre avec tous ces animaux nous renvoie à nos racines profondes et cette expérience nous ressource jusqu’au plus profond de nous-mêmes L’Afrique n’a pas encore perdu sa part d’éternité.
Texte : Christiane Goor – Photos : Charles Mahaux