Le Brésil est un cas de figure intéressant. Voilà un pays dont les recettes touristiques représentent 4% du PIB et qui risquent d’être gelées encore un certain temps. En cause, la légèreté affichée sans détours par un président en exercice, lui qui a pourtant été positif au Covid-19.
Il y a des dirigeants qui croyaient pouvoir se jouer de la maladie et qui ont changé d’avis. Boris Johnson fut l’un des premiers et Jair Bolsonaro a suivi, enfin, semble-il. Après la nomination de 4 ministres de la santé successifs, depuis le début de la crise, une stratégie plus responsable semble se mettre en place. Mais le temps perdu ne se rattrape pas.
L’accélération de la campagne de vaccination redonnera le droit de voyager aux ressortissants d’un pays et replacera aussi ce pays sur la carte des destinations accessibles. Et à ce jeu morbide, la stratégie de certaines nations s’annonce payante. Dans l’édition du 22 mars, un confrère du journal O Globo soulignait que l’Amérique latine avait une politique sanitaire moins coordonnée que les pays d’Afrique avec un résultat désastreux face à la pandémie.
Comme toujours, il y a les bons et les mauvais élèves. Le Chili, qui connaissait des troubles sociaux très vifs au début de la pandémie en 2020, a redressé la barre de manière spectaculaire, en prenant à bras le corps cette problématique de la vaccination de masse. Résultat, il est probable que les touristes puissent programmer dans un futur proche la découverte passionnante des Moaï de l’Ile de Pâques.
A contrario, il y a quelques semaines un des responsables de l’OMS considérait le Brésil comme une menace pour le monde. Vrai, faux, exagéré ? Le retour à la liberté de voyager dans le monde est dépendant de notre politique de vaccination et des résultats qui en découlent, mais aussi plus largement de la politique sanitaire en vigueur dans les autres pays.
Offensive ou désinvolture face au virus
Le désir de se rendre dans certaines destinations de rêve sera conditionné par l’évolution maîtrisée ou pas de cette damnée pandémie dans chaque pays souverain. On a en mémoire les déclarations sur la gripezinha que Bolsonaro se plaisait à répéter comme une maladie mineure, ridicule voire inexistante. Le déni est coupable, certes. Mais à sa décharge, ce président a hérité d’une situation très concrète, où des millions de personnes précarisées sont obligées de travailler pour survivre, jour après jour, quelles que soient les conséquences pour leur santé. Difficile parfois de comprendre ou d’admettre cette dure réalité économique.
Surtout pour nos dirigeants qui privilégient la dimension sanitaire de la crise, en faisant fi du suicide tout aussi réel de milliers d’entrepreneurs, qui vivent une lente agonie. En confinant à l’aveugle, faute de savoir mais en espérant prévenir, le choix est fait de casser les ailes déjà fragiles des petits commerces et des indépendants, en espérant un redémarrage futur de l’économie.
Monopole vaccinal
Toutes ces considérations ne doivent pas nous rendre plus aveugles que nous ne le sommes parfois. En Suisse, où l’argent est roi, on assume que les Etats se livrent à un véritable marchandage pour obtenir des stocks de vaccins. Il y a certes des retards de livraison.
Mais les stocks commandés par les pays les plus riches, qui vaccinent à gogo, créent un monopole puisque les commandes dépasseront au final les besoins. Il serait donc gonflé d’accuser simplement des pays moins riches et surpeuplés de ne pas vacciner rapidement. Mais l’exemple du Chili, qui a multiplié les commandes de vaccins auprès de divers fournisseurs, devrait inspirer l’exécutif brésilien, notamment.
A force de défier les règles de la démocratie et du bon sens, on se retrouve isolé dans son propre pays, au risque de se priver des ressources du tourisme international. Tout est bien sûr relatif. Les revenus engendrés par le tourisme au Brésil proviennent largement des touristes brésiliens, eux-mêmes très enclins à voyager dans leur pays, ainsi que des voyageurs provenant des pays voisins. Le géant sud-américain, soucieux de s’affirmer sur la scène internationale, risque de voir son image de destination festive et légère durablement affectée par cette crise sanitaire.