Décidément, les livres de Paul de Saint-Hilaire publiés jadis chez Rossel restent de petits trésors pour le touriste qui parcourt notre belle région. Ses « Itinéraires mystérieux d’un gourmand en Ardenne » sortent résolument de nos frontières pour se rendre en Allemagne, en France et au Grand-Duché, mais ce sont toujours « nos » Ardennes, et nous y avons trouvé deux ou trois thèmes que nous avons plaisir à vous remémorer.
Un chapitre du livre a particulièrement retenu notre attention : « L’Ardenne du rêve et du défi ». Il s’agit effectivement d’un défi assez colossal pour l’époque !
Cela se passe durant les quinze années (1815-1830) où, suivant la défaite de Waterloo, nos contrées avaient été rattachées aux Pays-Bas, et Guillaume I était notre roi hollandais. Contrairement à ce que l’on croit souvent, Guillaume aimait bien ses provinces belges, et particulièrement la Wallonie.
Avec l’ingénieur Depuydt, ancien capitaine de génie de Napoléon, ils eurent cette idée brillante de relier l’Ourthe à la Moselle, en d’autres mots la Meuse au Rhin ! Mais pour cela, il fallait franchir la barrière naturelle de nos Ardennes. L’Ourthe arrive dans la Meuse à Liège (à Angleur plus précisément), et lorsqu’on la remonte, on atteint La Roche, et ensuite le confluent des Deux-Ourthe à l’approche d’Houffalize.
Sur ce parcours, la dénivellation était de 420m, et l’ingénieur avait calculé qu’il faudrait pas moins de 218 écluses entre Liège et la Moselle. Il faut préciser qu’à l’époque, il n’y avait ni moteurs au mazout, ni à l’électricité, ni même à vapeur. Les bateaux en question étaient des barges tirées par des hommes (ou parfois par l’âne Cadichon), d’où les chemins de halage. Le canal Meuse-Rhin projeté était conçu pour des barges de 25m de long, 2,5m de large et 80cm de tirant d’eau. On était donc loin des dimensions du canal Albert !
À l’approche d’Houffalize, le canal en projet devait emprunter le lit d’un petit ruisseau jusqu’à Bernistap, hameau de Tavigny, où la crête bien trop élevée imposait le creusement d’un tunnel pour atteindre le versant vers la Moselle.
Il s’agissait quand même de creuser sur 3km ! Jugé impossible à l’époque, le creusement fut pourtant entamé. Après 3 ans d’efforts, il y avait déjà 1,5km de réalisés. C’est alors que l’Administration intervint, avec son terrible et froid bon sens : avec quelle autorisation allait-on franchir la frontière luxembourgeoise ?
Les travaux furent donc arrêtés, tout simplement. Mais le canal de Bernistap ainsi que le tunnel dit « de Buret » sont toujours là, vous pouvez les voir ! Il suffit de vous rendre à Tavigny. Profitez-en pour continuer sur Clervaux, cette perle des Ardennes luxembourgeoises : ses restaurants, son château avec un très beau musée de la photographie.
Revenez sur Liège en passant par Beho, au croisement des routes de Saint-Vith et Vielsalm : son église Saint-Pierre est bien curieuse. Sur la façade, trois sorcières tirent la langue au visiteur.
À l’intérieur, la châsse aux reliques, ramenées de Rome par le comte de Salm, contient un morceau du saint suaire, des cheveux de la Vierge et des poils de la barbe de saint Pierre. Rien que ça !
Nos Ardennes sont encore pleines de mystères !