L’apport du tourisme au multiculturalisme: « Plus de tolérance acquise grâce à la découverte de l’autre »

Femme peule aux boucles d'or à Mopti au Mali © Hervé Ducruet

A l’heure de la mise en danger d’un secteur cloué au pilori, il est essentiel de souligner auprès de nos  responsables politiques le rôle majeur du tourisme en termes de connaissances et d’ouverture d’esprit.

Ce n’est pas la dimension reposante ou ludique d’un voyage qui est envisagée ici, mais bien son apport par l’expérience et le savoir à la coexistence multiculturelle. Le secteur voyagiste doit le revendiquer haut et fort : l’ouverture aux cultures du monde a été favorisée et stimulée par les acteurs du tourisme depuis plus de 60 ans !

Touareg sur son dromadaire aux environs de Tombouctou au Mali © Hervé Ducruet

Cette contribution dans la lutte contre l’ignorance est tout à fait fondamentale. Est-il utile de le souligner, l’actualité focalise lourdement notre attention sur la Covid19, les actes terroristes…mais aussi la montée du racisme et les dangers que cela entraîne pour la paix dans nos sociétés. L’expérience offerte aux touristes pendant plus d’un demi-siècle a indéniablement participé à en diminuer la virulence. Pourquoi la chose est généralement peu ou pas évoquée ?

D’une part, car c’est difficilement quantifiable et on aime ce qui peut être démontré par des faits objectifs ; d’autre part, les détracteurs du tourisme donnent puissamment de la voix pour de bonnes et de mauvaises raisons. Du coup, le secteur voyagiste est très souvent abordé sous l’angle économique, avec une utilité limitée aux emplois et un intérêt réduit à sa part récréative.

Jeunes moines au temple de la dent à Kandy au Sri Lanka © Hervé Ducruet

Bien avant cette phase de pandémie, les coups de boutoirs portés au secteur au nom de la sauvegarde de l’environnement ont placé cette activité dans l’esprit de certains à la limite de la futilité.

Or l’analyse des bienfaits culturels, grâce au vécu des voyages et la connaissance qu’on en tire, est capitale.

Bien évidemment, les apôtres de l’égalitarisme le clameront à raison, tout le monde n’a pas eu la chance de voyager.

Mais beaucoup l’ont fait. Le voyage s’est démocratisé au fil des décennies et a peu à peu été promu comme un besoin essentiel, et non plus comme le privilège exclusif de la classe aisée.

Il faut davantage souligner le travail passionné des voyagistes, qui se sont efforcés de créer les conditions pour rendre abordable le moindre des voyages et rendre possibles les voyages les plus complexes aux quatre coins du monde.

Évidemment, ce besoin de voyager que beaucoup dénoncent aujourd’hui au nom de l’écologie – souvent de manière absurde, non étayée par des chiffres pertinents – peut se satisfaire de la moindre découverte dans le village d’à-côté.

L’adage souvent brandi par les adeptes soi-disant du retour aux fondamentaux est : Qu’il ne faut pas aller bien loin pour voyager et apprendre…Certes, ce voyage peut être bénéfique à plus d’un titre, mais il n’est pas porteur, à proprement parler, d’expériences fortes en matière de différences culturelles. On ne niera pas que la découverte des Ardennes peut être intéressante pour un bruxellois.

Danse des masques à Banani en Pays Dogon au Mali © Hervé Ducruet

Mais au vu de la mosaïque des communautés d’origine étrangère présentes en Belgique et provenant d’horizons parfois très lointains, il est du plus grand intérêt de découvrir les pays d’où proviennent les habitants de ces communautés venus chercher en Europe meilleure fortune et des possibilités d’émancipation et de liberté.

La découverte de leurs conditions de vie, la particularité et la richesse de leurs cultures, créeront une expérience de vie à travers l’accomplissement de ce voyage qui laissera des traces souvent positives dans la conscience du voyageur une fois revenu à son quotidien.

Le rôle stimulant des acteurs du secteur 

N’importe lequel de nos concitoyens est capable de réaliser une introspection liée à son expérience de voyageur. Combien de touristes se sont laissés tentés par un voyage pour une destination dont ils ignoraient tout ou presque… et sont revenus séduits par l’aventure, changeant au passage la perception, la vision souvent réductrice qu’ils pouvaient avoir des habitants de ce pays.

La découverte de traditions différentes, de comportements spécifiques dont on découvre la cohérence, la force et le pouvoir de séduction a le don de modifier et d’enrichir le point de vue de ces voyageurs.

De retour au pays où coexistent de nombreuses communautés d’origine étrangère – si l’on songe notamment à Bruxelles, Genève – leur regard à l’égard des ressortissants de ces communautés a de bonnes chances d’évoluer positivement.

Femme préparant le dîner aux environs de Djenné au Mali © Hervé Ducruet

Au plus les différences culturelles sont significatives, au plus un voyage et une immersion le temps des vacances peuvent avoir un effet tout à fait bénéfique sur la compréhension et l’acceptation de ressortissants provenant d’autres univers culturels. Ce travail de découverte et cet apprentissage auront été réalisés à l’occasion de ce précieux voyage.

Femme tamoule et son enfant au Sri Lanka © Hervé Ducruet

L’actualité brûlante est sanitaire et liée à la lutte contre le terrorisme. Mais la lutte contre le racisme, et donc l’acceptation de l’autre, occupe aussi une place essentielle. Le tourisme a incontestablement contribué à amorcer à grande échelle des formes de compréhension entre les peuples.

Des exemples à l’infini

Les exemples abondent et les croyances populaires témoignent à merveille des raccourcis parfois inavouables de la conscience collective:

    • Prenons le cas de Naples très souvent caricaturée et réduite dans l’imaginaire collectif à la mafia, avec l’insécurité comme corolaire et comme le berceau de la pizza. La réponse lors d’un voyage bien ficelé est souvent sans appel. Le voyageur est généralement charmé par le plus grand centre historique d’Europe qui a conservé bien vivant un parfum d’authenticité. Un peu de discrétion vestimentaire mettra le visiteur à l’abri de tout problème de sécurité et démentira les clichés les plus tenaces. Lorsqu’on découvre les pizzerias, ces véritables temples très animés où s’élaborent et se dégustent les pizzas entre amis et en famille, on en revient conquis. Au retour de voyage, il ne fait aucun doute qu’à chaque pizza resurgit les souvenirs marquants de l’expérience napolitaine.
    • Combien de fois n’ai-je pas entendu dans la bouche de personnes peu réceptives à la découverte de l’Extrême-Orient que les populations asiatiques étaient toutes pareilles…ou quand l’apparence rime avec ignorance. Il suffit de songer aux très nombreux expatriés installés à Bali pour comprendre que c’est à l’occasion d’un voyage certainement organisé que ces clients ont tellement succombé au charme des lieux qu’ils ont tout laissé tomber pour s’y installer. De l’ignorance à l’altruisme il n’y a parfois qu’un pas. Le voyage peut être ce déclic fondateur d’une meilleure compréhension entre les peuples.
      Danseuses balinaises © Hervé Ducruet
    • Un classique entendu maintes fois consiste aussi à refuser de se rendre dans tel ou tel pays, comme si nous étions en guerre ou investis d’une mission. « Oui mais je ne veux pas contribuer à l’économie de ce pays en y mettant mes sous » Deux remarques : la plupart des voyageurs n’ont aucun mandat politique et ne s’investissent pas particulièrement dans la vie politique de leur pays. Alors pourquoi en faire pendant ses vacances… ? Deusio, les personnes investies sur place dans une activité touristique comptent parmi les plus ouvertes d’esprit et sont généralement actives dans le monde du voyage pour la richesse de ces rencontres et le désir de traiter avec des étrangers.
      Rue de Chelan dans le Washington-State aux Etats-Unis © Hervé Ducruet
      Prenons le cas des Etats-Unis qui polarisent souvent ces sentiments de rejets. Dommage, car le voyage assorti de belles rencontres permettra de faire la part des choses entre des habitants extrêmement différents les uns des autres et au passage de se régaler de paysages stupéfiants, de villes stimulantes, de collections muséales uniques.
    • Le continent africain n’est-il pas sujet aux clichés les plus bassement réducteurs qu’il serait indécent d’énumérer, mais qu’une oreille attentive n’a de cesse d’entendre régulièrement. Le seul argument concédé par les plus réticents est celui d’une nature grandiose.
La Médina de Tanger au Maroc © Hervé Ducruet

Pourtant, bien plus que le cortège de très beaux paysages, la rencontre des populations d’Afrique, du nord au sud, d’est en ouest, laisse souvent une trace indélébile dans la mémoire des voyageurs et un attachement sentimental qui ne se dément pas. On serait donc tenté de dire, quiconque fait l’expérience de ce vaste continent portera un regard plus attentif et plus compréhensif envers des réfugiés qui débarquent en Europe pour améliorer leurs conditions de vie.

Voyager n’est pas pour tout le monde

Bien entendu, les sceptiques et les réfractaires s’efforceront de souligner le caractère superficiel de certains voyages qui ne font qu’effleurer la culture des pays visités. Sans oublier l’impact négatif parfois sur les populations visitées, la transformation des paysages, l’impact sur le patrimoine monumental…

Mais un premier pas aura été accompli et cette rencontre entre des cultures différentes a le mérite d’exister et constitue un bien inestimable.

Marché de Sanga en Pays Dogon au Mali ©Hervé Ducruet

L’histoire nous enseigne bien sûr que des personnalités majeures n’appréciaient guère de voyager, à l’instar d’Hergé, alors qu’ils ont par ailleurs fait voyager petits et grands. Il faut avoir à l’esprit que ces personnages étaient particulièrement lettrés et qu’ils compensaient, par la lecture acharnée et la recherche d’informations, un déficit lié à l’expérience vécue sur le terrain. Nos contemporains ont la chance de pouvoir confortablement augmenter leur niveau de connaissance des cultures altières. Pourquoi les dissuader de voyager ?

Défilé de motocyclettes à Hô Chi Minh Ville (ex-Saïgon) au Vietnam © Hervé Ducruet

La mise en valeur de ces arguments positifs peut apporter une bouffée d’oxygène et une lueur d’espoir pour l’avenir d’un secteur contesté ! A condition bien sûr de renouveler l’offre et de ne pas hésiter à manifester avec force l’importance cruciale de tout un pan de l’économie mondiale dont les vertus sont multiples.

Le racisme est sans doute la menace la plus pernicieuse du vivre ensemble. Voyager permet de découvrir, de comprendre et de mieux tolérer l’autre. Qu’on se le dise !

L’histoire de Cuba résumée dans le métissage des enfants de Baracoa en Oriente ©Hervé Ducruet

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