L’Abitibi-Temiscamingue, le Far West du Québec (2/2)

Le lac Preissac non loin de Rouyn-Noranda, un paysage tendu comme un drap bien tiré, paré de bleu et des couleurs fauves de l’automne.

Le Québec entend bien renouer avec le tourisme d’autant que le taux de vaccination y est de 88% et qu’il offre toujours des valeurs sûres ! Les régions à découvrir ne manquent pas mais aujourd’hui on vous invite à vous échapper en pays méconnu, en Abitibi-Temiscamingue, vaste territoire situé à l’extrême ouest du Québec, une région colonisée il y a un siècle à peine. Une réalité historique et culturelle passionnante qui invite à découvrir un passé proche et pourtant incroyablement mythique

Il a la forme d’un large croissant dont une première partie, le Temiscamingue, rural et verdoyant, se déploie du Sud au Nord le long de la frontière qui jouxte l’Ontario anglophone tandis que la seconde partie, l’Abitibi, minier et nordique, s’étire d’Ouest en Est. C’est surtout un pays jeune dont les villes les plus anciennes ont à peine cent ans, une paille à l’échelle de l’histoire de l’Europe.

Une passerelle flottante sur le lac La Haie au fil des 30 km de sentiers de randonnées que propose le parc d’Aiguebelle.

Promesse d’évasion et de dépaysement

Vivre à la canadienne, c’est rompre le rythme laborieux de la semaine et passer le week-end dans un parc ou dans une réserve faunique. Reprendre son souffle et refaire le plein d’énergie en épousant le rythme de la nature. S’allonger au bord d’un lac, se baigner dans son eau si douce, se saucer comme on dit là-bas, ou encore en faire le tour, lentement.

Aller dans un parc, c’est goûter à la liberté de marcher, de courir, d’écouter les mille bruits ténus des sous-bois : le craquement d’une branche, le ballet rapide des écureuils, le martèlement opiniâtre d’un pic vert. En pistant l’orignal, il n’est pas rare de surprendre un huard, un castor, une gelinotte ou un lièvre.

La tour de garde-feu qui permet de découvrir un vaste panorama sur le parc d’Aiguebelle.

Le Parc national d’Aiguebelle, au cœur de l’Abitibi-Témiscamingue, est le gardien d’un riche patrimoine naturel reconnu pour son impressionnante géomorphologie sculptée par le passage des glaciers avec des vestiges comme de lourds blocs erratiques vieux de 2,7 milliards d’années et des lacs de faille.

Au fil des randonnées, on traverse une longue passerelle tendue entre les versants d’un plan d’eau, on dévale une falaise rocheuse le long d’un escalier hélicoïdal, on gagne le sommet des collines Abijévis ou on grimpe dans une tour de garde-feu, l’occasion de scruter la ligne d’horizon qui semble se perdre dans les confins d’une immense forêt émaillée de lacs. Ce qui fait dire aux Abitibiens que leur région est un pays à part entière.

La passerelle suspendue au fil d’une randonnée dans le parc d’Aiguebelle.

Depuis les belvédères, on se laisse prendre au calme surprenant qui règne sur la forêt. Un parfum sauvage, porté par la brise, flotte dans l’air : odeur de feuilles, de fruits, d’animaux, d’humidité. L’après-midi se poursuit en rabaska, à explorer les lacs de faille.

Des bulles d’oxygène éclatent à la surface des eaux, est-ce une truite mouchetée ou un doré qui remonte des profondeurs? Au détour des îlots surgissent des hérons, des goélands, des canards noirs mais aussi des martin-pêcheur et des barrages de castors. Le soir, assis au bord de l’eau, sous la lune ronde, on s’essaye à moduler un cri sourd avec le poing fermé sur la bouche, d’autres cris nous répondent. Magie unique de l’immersion dans une nature sauvage.

Dans le parc d’Aiguebelle, il est possible de découvrir les trésors que recèle le lac La Haie en s’offrant une randonnée en rabaska qui peut être guidée par un garde-parc naturaliste.

Abitibiwinni, l’aventure algonquine

Les Algonquins appartenant aux Premières Nations, l’une des 3 communautés autochtones du Canada qui comptent aussi les Inuits et les Métis, vivaient autrefois sur un immense territoire qui s’étendait du bassin de la rivière des Outaouais jusqu’aux grands lacs nordiques. Durant l’été, le lac Abitibi était le lieu de rassemblement de la communauté, on y célébrait les mariages et on y négociait les alliances.

Rencontre magique avec un orignal pisté aux premières heures du matin.

L’arrivée des Européens a modifié considérablement leur vie. Au départ, chacun s’enrichissait des biens que l’autre pouvait lui offrir.

C’est ainsi que dès le 18ème siècle s’est établi sur le bord du lac Témiscamingue le premier poste de traite français de la région, c’était pour y créer un lieu de ralliement pour les amérindiens qui venaient y troquer leurs fourrures contre des produits européens : haches de métal, pièges, pierres à silex, perles, couteaux, chaudrons de cuivre, etc.

Mais avec la colonisation des terres fertiles, le gouvernement a mis la main sur les immenses territoires autochtones pour les redistribuer aux colons et permettre la construction du chemin de fer et l’établissement de villes et de villages. Face aux récriminations des Algonquins, ceux-ci se verront cantonnés dans une réserve le long de la rivière Harricana, près de la ville d’Amos. L’ouverture du pensionnat indien d’Amos en 1955 amène la sédentarisation définitive des Algonquins, leur village s’appelle désormais Pikogan, tipi dans la langue algonquine.

L’église Sainte-Catherine de Pikogan construite en 1968 par des missionnaires Oblats est un exemple de tradition et de culture inscrites dans un vent de modernité : tipi construit avec des matériaux récents.

Soucieux de faire entendre leur voix et leurs droits, la communauté a décidé de s’ouvrir au tourisme en espérant partager avec leurs hôtes le rapport intime qu’elle partage toujours avec la nature et tout particulièrement avec la rivière Harricana, un cours d’eau emprunté jadis pour joindre les territoires de chasse des différents clans.

Après une première visite dans la curieuse église Ste-Catherine construite en forme de tipi où on peut découvrir des pièces originales qui utilisent un artisanat autochtone pour raconter des symboles chrétiens, on est invité à prendre un canot et à pagayer jusqu’au campement où des tipis sont installés pour les touristes.

L’église de Pikogan est aujourd’hui plus qu’un lieu de culte, c’est une rencontre avec l’histoire et les réalités de la nation Abitibiwinni. La décoration intérieure exécutée par des artisans locaux est un bel exemple de syncrétisme.

Avec ce partage de leur quotidien on en vient presque à regretter d’offrir l’image de touristes en mal d’expériences authentiques. Raison de plus pour participer aux inévitables petites tâches qui accompagnent la préparation d’un souper frugal à base de viande d’orignal ou encore le transport des sacs depuis la berge.

Pour ceux qui rêvent de voir loin : le train-stop

Vagabonder le long des routes qui sillonnent la région, c’est s’offrir de grands espaces tapissés de forêts à perte de vue, mixtes dans le Témiscamingue avec des érables à sucre, des hêtres et des bouleaux, boréales en Abitibi avec des arbres plus trapus, des épinettes, du peuplier faux-tremble et des bouleaux blancs. Un paysage sans relief, comme une étoffe bien tirée, paré de toutes les nuances du vert et du bleu. Vert des arbres et bleu des nombreux plans d’eau, ruisseaux et rivières. Seule colline, la chaîne Abijévis dans le parc Aiguebelle dont le mont Dominant atteint à peine 566m.

L’hydravion reste aussi la manière la plus rapide de circuler dans toute la région où ne manquent pas les plans d’eau.

Pour découvrir des paysages inaccessibles, rien de tel que le train qui relie Montréal à Senneterre, à quelques 60 km de Val-d’Or. Jadis, c’était la seule manière de joindre le Nord et cette liaison ouverte au début du 20ème permettait aux forestiers de gagner les camps de bûcheronnage. Depuis 1996, le convoi roule de jour, il pique à travers champs et dessert d’abord villes et villages jusqu’à Hervey-Jonction, point de division des routes, un train vers Jonquière, l’autre vers Senneterre.

Le train traverse le lac Oskélanéo non loin d’un hameau qui porte le même nom et abrite quelques pourvoyeurs de chasse.

Le train ne compte plus alors que deux wagons, un pour les passagers, un pour les marchandises. Pêcheurs, chasseurs, touristes, familles de retour au pays, Amérindiens, autant de personnes qui au fil des heures se mélangent, se racontent, échangent, partagent un repas, un café. Pour la plupart, le train est le seul moyen de transport pour joindre une pourvoirie, un relais, un village où l’arrivée du train est toujours un événement.

Un jour il arrive de Montréal, le lendemain de Senneterre. On compte sur lui pour le courrier, les journaux, l’épicerie qu’on commande par téléphone. Au fil du voyage, le wagon se vide, les arrêts se font à la demande au milieu de nulle part, dans des endroits improbables au bord d’un lac ou au milieu de la forêt et le conducteur sait déjà qu’il repassera dans quelques jours pour reprendre les voyageurs au même endroit.

Le convoi traverse un lac sur un simple remblai qui donne l’impression de voguer sur l’eau.

Le touriste est accueilli avec simplicité, les voyageurs sont trop heureux de partager leurs passions avec un étranger que l’accent des hommes du Nord et leur vocabulaire coloré dépaysent déjà, même si pourtant le français est la langue commune.

Voyager avec ce train, c’est s’offrir un extraordinaire plongeon au cœur de la forêt qui semble ici impénétrable et infinie. Parfois surgit un chalet de rondins, ailleurs une gare officielle à peine signalée par une cabane. Le tortillard suit la rivière St-Maurice, aux eaux tantôt lentes, tantôt tumultueuses.

Des chasseurs descendent du train non loin de leur camp de base.

Ailleurs, le convoi traverse un lac sur un simple remblai qui donne l’impression de voguer sur l’eau. Les 150 derniers kilomètres ne sont que bois et forêts, lacs et rivières, éléments naturels des animaux et des coureurs de bois que personne ne voit.

La nuit tombe quand on arrive enfin à Senneterre, au terme d’une longue journée de voyage que l’on n’a pas vu passer. Les heures s’étirent à la cadence des paysages, à contre-courant de notre époque pressée, il y a longtemps que la wifi s’est perdue et chacun a compris qu’il est en train de suivre la route des pionniers, là où tout est encore à découvrir.


Abitibi-Témiscamingue pratique.

Pour en apprendre davantage, deux sites incontournables : http://bonjourquebec.com/fr-ca et www.tourisme-abitibi-temiscamingue.org. Des infos plus détaillées à découvrir sur la maison du Frère-Moffet, www.maisondufreremoffet.com, la Cité de l’Or pour découvrir la vie de ces mineurs valeureux, fiers bâtisseurs de l’Abitibi-Témiscamingue. www.citedelor.com, la vie des infirmières de colonie www.dispensairedelagarde.com, les écoles de rang www.ecoledurang2.com.

Pour découvrir de près la faune locale d’ordinaire inaccessible, le refuge Pageau à Amos mérite le détour. Il accueille depuis 30 ans les animaux sauvages malades ou blessés pour les soigner avant de les relâcher si c’est possible www.refugepageau.ca

Une visite au Centre d’interprétation de la foresterie à La Sarre permet de mieux comprendre la vie dans les camps de bûcherons et l’histoire des moulins à scie qui ont proliféré sur le territoire. Accès gratuit.

Y aller : Air Transat est spécialisé sur les vols charters vers le Québec avec un bon rapport qualité-prix. www.airtransat.com. Au départ de Montréal, deux options à conjuguer pour joindre l’Abitibi-Témiscamingue: le train à l’aller Montreal-Senneterre www.viarail.ca et le bus au retour. Coût semblable quelle que soit la formule, autour d’une centaine d’euros. Sur place, l’idéal est de louer une voiture et de partir à l’aventure sur les très belles routes de la région, en vagabondant d’un site à l’autre.

Quand y aller : L’été, en sachant qu’il commence tard au Québec, à partir du 20 juin, une saison idéale pour participer aux nombreux festivals de plein air qui animent toute la saison. Dès la fin septembre la nature s’enflamme avec l’été indien. A cette époque les musées se visitent sur rendez-vous.

Se loger : Hôtel, motel, camping et gîte sont des types d’hébergement qu’on trouve en grand nombre en Abitibi-Témiscamingue. La formule « motel », avec la voiture garée en face de la porte de la chambre, donne l’impression de participer à un road movie, avec l’alignement de pick-up des nombreux travailleurs qui viennent s’y poser. Ce sont aussi des lieux de rencontres inoubliables, que ce soit sur le pas de la porte de sa chambre ou au bar du motel. Si vous rêvez de vivre au cceur de la nature, le Parc national d’Aiguebelle offre différentes formules d’hébergement, toujours au bord d’un lac, d’une rivière ou d’un marais. Marche, pêche, kayak, canot, vélo, découverte des animaux nordiques, autant d’activités avec la possibilité de louer sur place les équipements nécessaires http://www.sepaq.com/pq/aig/

 

 

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